[Force Covid19 – Diaspora]: Les Sénégalais du Proche Orient invités à s’enregistrer

 

Le dimanche 19 avril 2020, une note officielle de l’ambassade du Sénégal à Koweït City circule dans les groupes WhatsApp des associations sénégalaises du Koweït et du Liban. Les autorités diplomatiques invitent les ressortissants sénégalais établis dans ces deux pays et souhaitant solliciter l’aide promise à la diaspora par le président Macky Sall, dans le cadre de la lutte contre le covid-19, à s’inscrire sur la plateforme de « recensement et de sélection » du Ministère sénégalais des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur. Cette aide de 12,5 milliards de francs CFA (environ 19 millions d’euros) vient à point nommé, notamment pour les employées de maisons très vulnérables en ces temps qui courent.

Si le Koweït est un pays plutôt stable, le Liban l’est moins. Le pays du Cèdre vit une crise financière, « la plus grave de son histoire », nous dit-on à Beyrouth. Cette crise a eu des conséquences inattendues avec beaucoup de licenciements et de pertes de travail. Ceci entraînant cela, les employées de maisons pour la plupart des Africaines et des Asiatiques en subissent les conséquences. Certaines ont perdu leur emploi ; d’autres ont vu leur salaire diminuer de moitié. Car à cause de la crise politique qui tente de se stabiliser, s’est jointe une crise financière dramatique. Les Libanais constatent chaque mois la dévaluation de leur monnaie, la Livre Libanaise, (LL) face au dollar.

Cela diminue drastiquement le pouvoir d’achat. A titre d’exemple, une employée de maison qui gagnait 500 dollars par mois avant la révolution du 17 octobre dernier, ne perçoit aujourd’hui que 200 à 300 dollars à la fin du mois. Les informations qui circulent dans la presse locale ne rassurent guère. Libnanews.com signale que la Livre Libanaise continue de subir une baisse historique face au dollar américain, avec une parité atteignant 3.000 Livres Libanaises pour 1 dollar sur les marchés parallèles, soit une dévaluation de plus de 75% par rapport à la parité officielle toujours de 1507 LL/USD. D’autres médias plus alarmistes constatent l’absence même de la monnaie en dollar américain dans les banques libanaises. De ce fait, les travailleuses de maisons ne sont payées qu’en Livres Libanaises. C’est le pire scénario pour ces dames qui doivent ensuite convertir cet argent en dollars avant de les envoyer dans leur pays d’origine.

Comme si tout ceci ne suffisait pas, le confinement imposé par la pandémie du nouveau coronavirus vient maintenant empirer les conditions de vie de ces employées de maisons qui, malgré la crise financière, avaient préféré rester au Liban. C’est le cas des sénégalaises. Aujourd’hui comme d’autres Africaines, elles sont plus vulnérables que jamais. Certaines restent confinées chez elles comme tout le monde et perdent des journées de travail qui risquent de ne pas être rémunérées par leurs employeurs.

Comment leur venir en aide ? Avant de succomber à la maladie du covid-19, le 2 avril dernier, l’ambassadrice des Philippines au Liban a organisé plusieurs rotations de vols de rapatriement des travailleuses philippines que l’on croisait partout dans la capitale libanaise. D’autres ambassades avaient opté pour le même mécanisme de rapatriement de leurs ressortissants. Mais selon L’Orient-Le jour, ce mécanisme a été interrompu depuis la fermeture des aéroports liée au Covid-19. Aujourd’hui les travailleuses de maisons « puisent dans leurs petites économies » pour survivre. Jusqu’à quand cette situation va-t-elle durer ? Certaines commencent à la payer de leur vie. Faustina Tay, de nationalité ghanéenne a perdu la vie dans des circonstances troubles. La justice libanaise enquête sur sa mort tragique. Elle a été retrouvée morte dans le parking du lieu de résidence de ses employeurs, le 14 mars, dans la banlieue sud de Beyrouth. Son décès a créé une vive émotion dans la communauté africaine de Beyrouth et au-delà. S’agit-il d’un suicide lié au stress ? Ou autre chose ? Une enquête judiciaire serait en cours, selon la presse locale.

La majorité de la présence sénégalaise au Liban est constituée par ces employées dont il est difficile de donner le nombre exact. En ce temps de confinement lié au covid-19, une assistance financière est salutaire surtout pour elles. Voilà pourquoi l’aide promise par le chef de l’Etat est attendue avec impatience. Mais avant de toucher cet argent, il faut franchir quelques obstacles et pas des moindres. C’est un autre stress qu’il faut gérer. Le premier obstacle est celui lié aux tracasseries administratives. L’idée de remplir un formulaire en ligne donne du file à retordre à certains demandeurs d’aides, notamment ceux et celles qui ne sont pas alphabétisés. La note de l’ambassade invite à la solidarité avec tous ceux-ci pour les aider à remplir le formulaire en ligne. Le deuxième souci est celui de ne pas remplir les critères de sélection. C’est le ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l’Extérieur, Amadou Bâ qui a, lui-même, annoncé le 9 avril devant la presse sénégalaise, ces critères. L’aide concerne surtout les « précaires et vulnérables » dans le contexte de la crise sanitaire ; ceux et celles du « secteur informel », les personnes « retraitées » et les « étudiants non allocataires ». Le dernier souci est celui du montant qui sera perçu par chaque ayant droit. De combien sera-t-il ? Pour l’instant c’est le mystère total. Mais ce mystère ne tiendra pas longtemps ; l’énigme sera résolue dès que la période des inscriptions sera clôturée, car la sélection sera alors faite et les heureux élus pourront bénéficier de cette aide.

P.S. A notre connaissance aucun cas positif au covid-19 n’a jusque-là été enregistré dans la communauté sénégalaise du Liban.

Pierre Boubane, à Beyrouth (Liban) / www.tambacounda.info /