Liban : employées de maison et Libanais contestataires occupent les rues

 

Le pays du Cèdre ne s’est pas encore totalement tiré d’affaire de l’agression de la pandémie du nouveau coronavirus. Et pourtant plusieurs manifestations relativement populaires se déroulent dans les grandes villes  comme Beyrouth la capitale ; Tripoli, la grande ville du Nord ; et Nabatiyé, l’une des principales villes du Liban-Sud. A l’origine de ce tohu-bohu social, la chute libre de la monnaie locale face au dollar américain. Selon plusieurs sources, au marché noir, la livre libanaise aurait atteint, au cours de cette semaine du 8 au 14 juin, un record historique, soit 5100 Livres Libanaises pour 1 dollar américain. Dans la nuit du 11 au 12 juin des dizaines de jeunes manifestants ont bravé la nuit et les forces de l’ordre pour s’attaquer à des institutions symboliques comme les banques. Ces heurts non-violents opposant manifestants et policiers anti-émeute ont duré une bonne partie de la nuit du 11 au 12 juin. Les chaînes de télévision locales ont montré des images de plusieurs banques vandalisées ou parfois incendiées, aussi bien dans le centre de la capitale, Beyrouth, notamment entre la place des Martyrs et la place Riad Solh, qu’en province, particulièrement à Nabatiyé, où la plupart des établissements bancaires ont été forcés et leurs devantures détruites. Tripoli la ville du Nord du pays n’a pas échappé à ces attaques.

Le Liban connaît un vaste mouvement social de protestation depuis, le 17 octobre 2019. Une partie des Libanais dénoncent la corruption au sein de la classe politique. Avec cette chute constante de la monnaie locale, c’est la classe politique qui est accusée d’avoir mené le pays à la « quasi-banqueroute financière ». Une partie de la population, celle qu’on retrouve dans les rues réclame la démission du gouvernement du Premier ministre Hassan Diab. Un gouvernement qui a, à peine, six mois de vie. Selon la presse locale une « démission du gouvernement Diab, comme le réclame les contestataires, était exclue » (L’Orient-Le Jour, 12 juin). Car il n’y a pas d’alternative à ce cabinet. Il est donc préférable que reste en place ce gouvernement pour éviter le vide institutionnel, estime-t-on à Beyrouth. Des sources dignes de foi indiquent également qu’il a été décidé de maintenir Riad Salamé comme gouverneur de la Banque du Liban. Salamé est l’une des principales cibles des protestataires.

Ceci entraînant cela, depuis deux semaines des employées de maison notamment d’origine éthiopienne font la Une de l’actualité au pays du Cèdre. Elles sont plusieurs à être abandonnées dans la rue par leurs employeurs. Ces derniers n’arrivant plus à verset le salaire mensuel à cause de la crise financière, ils préfèrent se séparer de leurs employées. Certaines sont conduites à leur ambassade ; d’autres sont livrées à elles-mêmes dans la rue. Ce qui a créé une vive émotion chez la population. Le quotidien francophone L’Orient-Le Jour dans sa parution du 12 juin informe qu’« aucune modalité de rapatriement des travailleurs étrangers en situation de grande précarité au Liban depuis la dépréciation record de la livre libanaise n’est en vue ». Les raisons évoquées par le journal est qu’en cette période de pandémie, les aéroports restent fermés et les vols internationaux sont rares. Trouver un avion est non seulement difficile mais surtout coûteux. Selon la même source le Liban compterait « quelque 550 000 travailleurs migrants, dont 250 000 employées de maison régies par le système du garant ou kafala. Un système qui place l’employée domestique sous la tutelle de son employeur… ».

Parmi ces 550 000 travailleurs de maison il faut compter les Sénégalaises. Par un message écrit posté sur le groupe Whattsapp des ressortissants sénégalais, le consul honoraire du Sénégal à Beyrouth invite les Sénégalais qui souhaitent rentrer au pays de lui envoyer, nom et numéro de téléphone. Toutefois, le diplomate avertit que la procédure est à la phase d’étude. C’est une simple étude qui n’est d’ailleurs pas une étude officielle, précise-t-il. Il prévient également que si jamais l’éventualité d’un voyage vers le Sénégal se précisait, le vol ne serait pas gratuit. Au moment où nous écrivons ces lignes (samedi 13 juin), nous ne disposons d’aucune information sur la suite que les ressortissants sénégalais ont donnée à cette invitation du consul. Enfin, il convient de signaler que l’aide à la diaspora est toujours attendue par la diaspora sénégalaise du Liban.

P.S. : Le syndicat des agents de change a décidé de “fixer le taux de change du dollar américain contre la livre libanaise (LL), samedi 6/6/2020 et  dimanche 14/6/2020 comme suit : Achat au prix minimum de 3890 LL. Vente au prix maximum de 3940 LL. (Source agence officielle gouvernementale http://nna-leb.gov.lb/fr/show-news/115222/Taux-de-change-du-dollar-achat-890-LL-vente-940-LL).

Pierre Boubane, à Beyrouth pour www.tambacounda.info /