Coronavirus: la «seconde vague» frappe déjà les Balkans

 

 

L’Union européenne maintiendra ses frontières externes fermées le 1er juillet aux ressortissants d’Albanie, de Bosnie-Herzégovine, du Kosovo et de Macédoine du Nord, mais pourrait les ouvrir à ceux du Monténégro et de Serbie. La situation sanitaire se détériore pourtant très vite dans ces deux pays.

De notre correspondant à Belgrade,

Fin mai, le Monténégro s’autoproclamait « premier pays corona-free du monde », et espérait bien lancer sa saison touristique sans tarder. Mais un mois plus tard, la situation s’est considérablement dégradée : le petit pays de 600 000 habitants recense chaque jour plusieurs dizaines de nouveaux cas de contamination.

Le 15 juin, alors qu’ils n’avaient pas le droit de franchir la frontière serbe, des centaines de Monténégrins sont passés par la Bosnie-Herzégovine pour se rendre à Belgrade et assister au match de football Partizan-Étoile rouge, qui s’est joué devant 15 000 supporters dans la capitale serbe. Quelques jours plus tard, on comptait 19 cas positifs et depuis, le virus n’a cessé de se répandre.

Autre cluster : la ville de Rožaje, dans le nord du Monténégro, dont les habitants n’ont cessé de se rendre dans la ville serbe voisine de Tutin. Cela malgré la fermeture de la frontière.

Tutin se trouve en effet dans la même région que Novi Pazar, nouvel épicentre de l’épidémie en Serbie. Alors que l’on apprenait lundi 22 juin que 60 soignants de l’hôpital de cette ville étaient contaminés, de nombreux malades ont été transférés à Belgrade dans un état grave. L’armée a même dû construire samedi 27 juin un hôpital de campagne.

État d’urgence à Kragujevac à cause du « manque de discipline » des Serbes

En Serbie, la situation est tout aussi sérieuse dans le sud-est du pays, notamment à Niš et Vranje, ainsi qu’à Kragujevac, où le maire Radomir Nikolić a proclamé l’état d’urgence. La majorité des cas y concernerait de jeunes adultes, âgés de 18 à 35 ans. La capitale Belgrade est aussi fortement touchée, notamment les résidences étudiantes des quartiers modernes de Novi Beograd.

Radomir Nikolić a expliqué sa décision par le « manque de discipline » de ses concitoyens. Il est vrai que les consignes sanitaires ne sont guère respectées : tandis que des milliers de personnes se retrouvent dans les stades, cafés et restaurants sont pleins et, dans les rues de Belgrade, le masque se porte le plus souvent sous le menton ou sur le crâne…

Trois hauts responsables serbes positifs au Covid-19 après des élections

L’exemple vient de haut : quand le Parti progressiste serbe (SNS), la formation du président Vučić, a fêté son écrasante victoire aux élections du 21 juin, aucune règle de distanciation n’était en vigueur. Aleksandar Vučić a prononcé son discours télévisé au milieu d’une foule de hauts dirigeants massés sur l’estrade, dont pas un ne portait un masque. Depuis, la présidente du Parlement Maja Gojković, le ministre de la Défense Aleksandar Vulin et le Secrétaire d’État en charge du Kosovo Marko Đurić ont été testés positifs.

Selon les données du site officiel covid19.rs, le nombre quotidien de nouvelles contaminations serait resté inférieur à une centaine jusqu’au jour des élections. Depuis, il ne cesse de monter, atteignant 254 nouveaux cas samedi 27 juin.

De soupçons pèsent sur les chiffres officiels serbes

De forts soupçons pèsent sur la véracité de ces chiffres. Entre le 19 mars et le 1er juin, 632 personnes testées positives au coronavirus seraient décédées dans le pays, soit près de trois fois plus que les 244 décès annoncés par les autorités. Ces données ont été révélées par le site d’investigation BIRN, en recoupant les chiffres communiqués par les différents hôpitaux du pays et ceux disponibles sur le site covid-19.rs. Contacté par le site, l’Institut national de santé publique a refusé de commenter l’écart soupçonné.

Plus grave encore : entre le 17 et le 20 juin, on comptait déjà quelque 300 nouvelles contaminations par jour, toujours selon BIRN. De nombreux témoignages confirment qu’il était impossible de se faire tester durant la semaine précédant le scrutin. À Belgrade, un médecin malade n’a pas pu obtenir de test pour sa famille. Dans plusieurs jardins d’enfants de la capitale, des enseignants et des parents d’élèves sont malades, mais les établissements n’ont pas été fermés. À l’hôpital de Niš, aucun test n’était possible la semaine précédant le scrutin.

Jean-Arnault Dérens /RFI