Naufrage le Joola : Un journaliste retrace sa folle journée du 26 septembre 2002 à Ziguinchor.

 

Ce 18ème anniversaire me replonge dans les réminiscences d’une journée particulièrement cauchemardesque et cahotique, vous réveillez en moi et malgré moi les souvenirs de ces instants pathétiques, collectivement vécus dans une solidarité forcément agissante parce que commandée par une épreuve unanimement ressentie.

Vous me replongez dans les premières heures de cette matinée grisâtre chargée de signaux impénétrables par les esprits innocents qui habitent nos corps pêcheurs et ingrats.

Nous étions à sud FM Ziguinchor précisément au niveau du télécentre qui était le lieu de convergence des représentants des différents organes de presse de la région dont certains sont allés rejoindre certainement heureux les naufragés auprès de leur Seigneur, nous l’espérons bien, satisfait d’eux. C’était du temps où notre seule rédaction était à Ziguinchor, en Casamance et notre seul souci, était de jouer notre partition pleine et entière dans l’entreprise nationale de pacification du flanc sud de notre cher Sénégal. Des confrères commençaient à recevoir des coups de fil d’informateurs et d’autorités qui leurs passaient des messages auxquels leur conscience refusait de croire.

L’atmosphère est pesante, l’angoisse tétanisante. On cherchait à se convaincre que cela était impossible ! Le bateau le Diola faire naufrage ! Chacun y allait de ses théories les unes moins pertinentes que les autres. Et lorsque la catastrophe fut confirmée,  le désespoir et l’amertume furent telles que je me surprends contrairement à ma nature, en train de débiter des insultes des plus infâmes contre le médiateur du populaire d’alors. Parce que lui également, incrédule et certainement foudroyé par la catastrophe, se mettait à théoriser sur les conditions possibles de naufrage d’un bateau.

Je lui ai alors sèchement  répliqué ” m…, Maïmouna Diop est dans le bateau et toi tu…” et je lui raccroche au nez.

Maïmouna Diop était l’assistante du Dir Pub du populaire qui, pour la première fois venait de fouler le sol ziguinchorois pour passer les quelques jours qui lui restaient de son congé avec son époux Thierno Birahim Fall, actuel Dir Pub de l’APS alors enseignant au CEMT de Ziguinchor.

À cet instant, c’était la seule personne parmi toutes mes connaissances dont je suis informé de la présence dans le bateau. Je souffrais terriblement de la savoir parmi les victimes en compagnie de leur seul et unique fils, Mohammed qui, 2 jours auparavant fêtait son premier anniversaire en pompe dans les locaux du populaire.  Tétanisé et déboussolé, j’ai fait 4 fois le trajet Sud FM – Tilène où vivait Thier sans avoir le courage d’entrer dans la maison et de croiser son regard.

J’y suis parvenu à la cinquième tentative et j’ai pas pu tenir 5 minutes devant Thier.
Au port de Ziguinchor où je me suis ensuite rendu par devoir professionnel malgré mon angoisse, l’état dans lequel j’avais trouvé Abdourahmane Thiam qui nous annonçait la perte de son frère, mais aussi Landing Diémé de Sud quotidien qui avait accompagné ses trois neveux dans le bateau finirent de m’anéantir.

Et lorsque le gouverneur de la régions d’alors, Monsieur Mame Biram Sarr me tint par les épaules et me souffle à l’oreille les secrets des mystères d’ALLAH , je me suis surpris les larmes perler sur mes joues en souvenir de ce qu’il nous disait lors d’un CRD spécial qu’il avait convoqué au mois de mars 2002 et au cours duquel il avait essuyé toutes sortes de critiques y compris les miennes lorsque je le tournais en dérision dans les off du populaire en écrivant que ” le gouverneur de Ziguinchor se donne le don de communiquer avec Dieu”.

Car lors de ce fameux CRD, il predisait l’arrivée imminente et inéluctable d’une catastrophe nationale qui nous tomberait par les eaux.

C’est plus tard dans la journée, que j’ai appris que mon mécanicien préféré qui reparaît ma moto et que j’appelais affectueusement ” ndioublang ” était dans le bateau, de même qu’une de mes sœurs  avec ses deux jumeaux, un cousin dans l’équipe de football Mamadou Marème Diallo de l’ancien joueur de la Jeanne d’Arc de Dakar, Michel Diatta entre autres.
Nous n’avons pas le droit d’oublier ces proches qui nous ont quittés de façon aussi brusque et brutale. Nous avons l’obligation de méditer sur les conditions et les causes et conséquences de leur disparition, mais aussi de prier pour le repos de leurs âmes, bien que la promesse selon laquelle ceux qui meurent par le feu ou par noyade ou en donnant la vie sont considérés par ALLAH comme des martyrs et en conséquence des hôtes du paradis.

Dakaractu