Coronavirus : Des millions de personnes vont basculer dans l’extrême pauvreté en 2020

 

 

L’année 2020 aurait dû être marquée par une nouvelle réduction de l’extrême pauvreté. Mais la pandémie de Covid-19 a tout chamboulé: entre 88 et 115 millions de personnes supplémentaires ne vivront qu’avec 1,90 dollar par jour, soit moins du prix d’un café dans un pays avancé. Parmi eux, de plus en plus de citadins. «La réduction de la pauvreté a subi son pire revers depuis des décennies, après près d’un quart de siècle de déclin constant de l’extrême pauvreté dans le monde», résume la Banque mondiale dans un rapport sur la pauvreté publié mercredi. Le nombre de personnes vivant dans l’extrême pauvreté devrait continuer à augmenter pour s’élever à 150 millions d’ici 2021. Huit nouveaux pauvres sur dix se trouveront dans des pays à revenus intermédiaires.

«Les nouveaux pauvres sont plus urbains, mieux éduqués et moins susceptibles de travailler dans l’agriculture que ceux qui vivaient dans l’extrême pauvreté avant le Covid-19», soulignent également les auteurs du rapport, publié en amont des réunions d’automne de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international.

Ils travaillent davantage dans les secteurs des services, la construction ou encore l’industrie, ajoutent-ils.

L’extrême pauvreté, dont le seuil est fixé à moins de 1,90 dollar par jour, devrait toucher entre 9,1% et 9,4% de la population mondiale en 2020.

Femmes et enfants

C’est «un retour en arrière», déplore l’institution de Washington, précisant qu’en 2017, le taux s’élevait à 9,2%.

Sans le choc mondial provoqué par la crise sanitaire, ce chiffre aurait dû tomber à 7,9% cette année.

Le rapport fait apparaître qu’une grande partie des «nouveaux pauvres» sera concentrée dans des pays qui enregistraient déjà des taux de pauvreté élevés.

L’Afrique subsaharienne est «une région qui devrait maintenant abriter environ un tiers des personnes nouvellement appauvries par le Covid-19», poursuit-il.

Si les citadins sont de plus en plus affectés, les pauvres restent majoritairement ruraux, jeunes et sous-scolarisés.

«Quatre personnes sur cinq vivant sous le seuil de pauvreté international résident dans des zones rurales bien que la population rurale ne représente que 48%” de la population totale, détaille ainsi le rapport.

En 2018, la moitié des pauvres étaient des enfants de moins de 15 ans, quoique ne représentant qu’un quart de la population mondiale.

Les femmes étaient, elles, surreprésentées.

Si la pandémie est largement responsable du renversement de tendance brutal, les progrès dans la réduction de la pauvreté avaient déjà marqué le pas avant la récession actuelle, expliquent toutefois les auteurs dont l’économiste Samuel Freije-Rodriguez et le sociologue Michael Woolcock.

Avec leurs équipes, ils ont compilé des données enregistrées entre 2015 et 2017 qui font apparaître que 52 millions de personnes avaient pu s’extirper de la pauvreté, marquant un ralentissement dans la diminution de la pauvreté.

Pour mesurer la pauvreté, la Banque utilise également deux autres indicateurs pour les pays à revenus intermédiaires.

«Trois forces convergentes sont à l’origine de cette augmentation de la pauvreté mondiale et qui menace d’étendre ses effets dans un avenir lointain: le Covid-19, les conflits armés et le changement climatique», a expliqué de son côté le président de la Banque mondiale, David Malpass dans l’avant-propos du rapport.

Changement climatique

De nouvelles estimations indiquent par exemple que jusqu’à 132 millions de personnes pourraient tomber dans la pauvreté d’ici 2030, en raison des multiples effets du climat.

Les effets de la crise actuelle se feront, eux, certainement sentir dans la plupart des pays jusqu’en 2030.

La Banque mondiale table sur une récession de 5,2% en 2020, la plus forte contraction en 80 ans.

Par conséquent, l’objectif de ramener le taux de pauvreté mondiale à moins de 3% d’ici 2030 «est plus difficile que jamais à atteindre», regrette la Banque mondiale.

«Face à ces multiples chocs, les nations devront travailler sur de nombreux fronts pour sauver des vies et des moyens de subsistance (…) de leurs citoyens les plus vulnérables et relancer une croissance inclusive», commente David Malpass.

(AFPE/NXP)