Procès en France: «Quand Juliette veut un câlin de sa mère, on va au cimetière»

 

 

«La peine, on l’aura jusqu’à la fin de nos jours». Dans un souffle, Jean-Luc Châtelain est venu dire vendredi à la cour d’assises spéciale sa douleur de père privé de sa fille, la victime présumée de Sid-Ahmed Ghlam, jugé pour l’attentat avorté contre une église de Villejuif en 2015.

Aurélie Châtelain était une jeune femme «vive», «joyeuse» qui «rêvait d’améliorer sa vie», ont affirmé à la barre, souvent la gorge nouée, celles et ceux qui l’avaient connue. Sa vie a été brusquement interrompue le dimanche 19 avril 2015 par une balle tirée dans le thorax alors qu’elle se trouvait dans sa voiture sur un parking. Professeure de fitness originaire du Nord, elle était venue à Villejuif pour un stage de reconversion professionnelle.

Selon l’accusation, Sid-Ahmed Ghlam a abattu la jeune femme pour lui voler sa voiture. Il projetait ensuite d’aller massacrer des paroissiens mais a renoncé à son projet après s’être accidentellement tiré une balle dans la cuisse avec l’arme du crime. L’accusé, un étudiant algérien de 29 ans, nie tout en bloc.

«Cruauté, lâcheté et haine»

Le père de la jeune femme évoque «la cruauté, la lâcheté et la haine» qu’il éprouve pour l’accusé et souhaite sa condamnation à «la peine maximale». La mère d’Aurélie Châtelain n’a pas la force de témoigner.

«Je ne comprends pas pourquoi Aurélie n’est plus là», dit pour sa part Mickaël Bazin, 40 ans, l’ex-compagnon de la jeune femme assassinée. Le couple était séparé mais continuait d’entretenir de très bonnes relations. Un lien les unissait: leur fille Juliette, 4 ans et demi au moment du drame. Comment dire à une petite fille qu’elle ne verra jamais plus sa mère? «Je n’avais pas de mots», dit Mickaël Bazin, qui s’est efforcé de lui expliquer que «quelqu’un a fait du mal à maman et on ne la reverra plus jamais». «Quand Juliette veut un câlin de sa mère, on va au cimetière», a-t-il ajouté selon Le Parisien.

Le jour de l’assassinat d’Aurélie Châtelain, le père de Juliette s’apprêtait à lui annoncer qu’elle «allait devenir grande sœur», sa nouvelle compagne venant de lui dire qu’elle était enceinte. La petite fille, raconte-t-il, ne cessait de demander à son père et sa mère qui serait le premier à lui donner un petit frère ou une petite sœur.

À la place de cette heureuse nouvelle, la journée du 19 avril a été marquée par la sidération et l’horreur. «Les gendarmes m’ont demandé d’aller chez la mère d’Aurélie», se souvient l’ancien compagnon de la victime. «Je ne m’attendais pas à ça. J’ai vu la mère d’Aurélie en pleurs, atterrée, hurlant: ‘On m’a enlevé ma fille».

La voix brisée, il se souvient du dernier mail envoyé par Aurélie la veille de sa mort brutale. «Fais un gros bisou à ma princesse…»

«C’est un meurtre impardonnable et je ne le pardonnerai jamais», dit à la barre la jeune sœur d’Aurélie, Blandine, 24 ans. «J’aimerais qu’il reste toute sa vie derrière les barreaux». Depuis la mort de son aînée, la jeune femme raconte avoir sans cesse peur. «J’ai peur d’être seule, j’ai peur quand j’appelle mes parents et que personne ne répond, j’ai peur de recevoir un appel pour m’annoncer que quelqu’un d’autre est parti…»

La présidente demande à l’accusé de réagir. Sid-Ahmed Ghlam présente ses condoléances. «Je m’associe à votre douleur, j’ai beaucoup d’empathie pour vous”, lâche-t-il. «J’ai vu de la douleur, de la tristesse, de la colère et de la haine (dans les témoignages des proches de la victime) c’est compréhensible et humain».

«J’ai fait partie d’un groupe», poursuit l’accusé. “La haine et la colère, c’est ce qu’ils espèrent, c’est ce qui fait leur force. La haine et la colère aveugle, c’est perdre la raison”, ajoute l’étudiant. “Quel groupe?» demande la présidente. «L’État islamique», admet Sid-Ahmed Ghlam.

Dans le box, un de ses coaccusés, Abdelkader J., s’énerve. «Mais ferme ta gueule! Avoue! Arrête tes conneries!», lance-t-il à son voisin avant d’être maitrisé par les gendarmes. «C’était spontané. C’était un cri du cœur», a commenté son avocat.

(AFP)