Colombie: Des milliers d’indigènes à Bogotá contre la violence

 

Plusieurs milliers d’indigènes, victimes du regain de la violence en Colombie, se sont rassemblés lundi dans le centre de Bogotá en exigeant d’être écoutés par le président Iván Duque, qui leur a reproché de manifester en pleine pandémie de Covid-19.

Ces Amérindiens, issus de diverses ethnies du Cauca (sud-ouest), l’une des régions les plus affectées par les groupes armés impliqués dans le trafic de drogue, se sont regroupés sur la place Bolivar, près du palais présidentiel, à l’issue de neuf jours de voyage à pied et en «chivas» (autocars colorés typiques).

Les quelque 7000 manifestants, masqués contre le virus, ont traversé la capitale sans contretemps ni affrontement avec les forces de l’ordre, sous la protection de la Garde indigène traditionnelle, munie de cannes ornées de rubans.

«La peur a été vaincue», a déclaré à l’AFP Ferley Quintero, membre du Conseil régional indigène du Cauca (CRIC). Il a précisé que les peuples autochtones, qui représentent 4,4% des 50 millions d’habitants de Colombie, veulent «faire entendre leur voix» contre la politique gouvernementale et être entendus par le président de droite qui a refusé d’aller les rencontrer à Cali, ville proche du Cauca, à environ 460 km de Bogotá.

«Que l’on cesse de nous assassiner!»

Entre diverses revendications, ils veulent surtout dénoncer la vague de violence qui les affecte et qui a fait, selon leurs dirigeants, au moins 167 morts parmi les indigènes en à peine plus de deux ans, depuis l’arrivée au pouvoir d’Iván Duque.

Ils ont rejoint Bogotá dimanche, peu avant une journée de mobilisation sociale et de «grève nationale» prévue mercredi à l’appel des syndicats et des étudiants contre la politique du gouvernement, cible fin 2019 de manifestations d’une ampleur inédite en Colombie.

Les participants à la «minga» (nom d’une action collective en langue quechua) passent la nuit dans un grand complexe sportif, organisé pour les recevoir sur ordre de la maire de centre-gauche Claudia Lopez, opposante au gouvernement.

«Nous voulons la paix, l’égalité, le respect et que l’on cesse de nous assassiner!», a déclaré Carmen Pito, 53 ans, qui se trouvait lundi sur la place Bolivar. «Le gouvernement doit nous écouter et nous recevoir. Nous méritons le respect comme tout le monde», a-t-elle ajouté, sous les cris d’encouragement émaillant le passage des manifestants dans les rues de Bogotá

Confronté à une sévère crise économique générée par la pandémie, le président Duque a critiqué l’«agglomération» des manifestants à Bogotá alors que le pays approche du million de cas de nouveau coronavirus, dont 28’000 morts depuis sept mois. Mais il n’a fait aucune allusion à la demande des indigènes de le rencontrer personnellement.

Population «menacée»

Le gouvernement a rejeté tout dialogue direct, estimant qu’il s’agit d’un débat politique à traiter au parlement. «Rien ne justifie que nous mettions actuellement la santé et la vie en danger. Si nous devons discuter, faisons-le dans le cadre de la démocratie, sans ultimatums», a notamment déclaré le chef de l’État.

Arrivé au pouvoir en août 2018, le président Duque doit aussi gérer un regain de la violence dans plusieurs régions depuis l’accord de paix de 2016 qui a permis le désarmement des Forces armées révolutionnaires de Colombie (Farc), la plus puissante guérilla du continent.

Il est reproché à l’État colombien de ne pas avoir pris le contrôle des anciens fiefs des Farc, ce qui a facilité le renforcement d’autres groupes armés se disputant le contrôle du trafic de stupéfiants, dont des dissidents de l’ex-rébellion marxiste. «Ils sont en train de nous tuer, de décimer la jeunesse. Les indigènes, les afros, nous sommes la population la plus menacée», a déploré Javier Peña, 46 ans, militant des communautés noires qui ont rejoint la minga.

(AFP/NXP)