«20 minutes» aux États-Unis: Les fantômes ont refait surface pour aller voter en masse

 

 

«Regardez ce qui est arrivé à New York, c’est une ville fantôme. Pendant si longtemps j’ai aimé ma ville, elle était vivante. Maintenant elle meurt, tout le monde la quitte». Jeudi soir, Donald Trump ne s’est pas fait que des amis à New York en critiquant la politique menée par les démocrates pour gérer la pandémie de Covid pendant le débat télévisé. Nombreux sont ceux qui, en réaction, ont posté des vidéos sur les réseaux sociaux, montrant une ville au contraire plutôt animée. Entre une parole présidentielle supposée fiable et des réactions de personnes vexées, l’incertitude ne pouvait pas être meilleure excuse pour que l’on décide d’aller vérifier par nous-même.

En digne représentant suisse, c’était en train qu’il fallait arriver dans la «Grosse pomme». Et, en sortant des antres de la gare de Penn Station ce samedi après-midi, la question était déjà vite répondue. Les bureaux de vote venaient d’ouvrir. Et le grand Madison Square Garden accueillait l’un des locaux. Les files d’attente, qui suivaient des indications au sol, étaient sans fin. Et les gens qui les constituaient n’avaient pas tellement le visage au teint blanc pâle comme on aurait pu l’attendre des spectres qui hanteraient une «ghost town».

L’affrontement par le verbe

Les premiers indices étaient clairs, comme si les New Yorkais voulaient montrer à leur président qu’ils étaient toujours là et qu’ils allaient le lui faire comprendre par les urnes. Pour ne pas se laisser tromper par un seul instantané de sortie de métro, ce n’est que deux rues plus loin que la confirmation du fait que la ville supposément morte ne l’était pas franchement est arrivée: une manif pro-Trump, et la démonstration de la passion américaine pour la liberté d’expression. Une trentaine de militants républicains, à grand renfort de drapeaux, t-shirts, masques et casquettes, écoutaient une oratrice afro-américaine. Autour, les contradicteurs n’étaient pas en reste.

Comme cet autre Afro-américain, qui est venu les alpaguer, hurler son désaccord, sous les regards réprobateurs des pro-Trump, qui ont ensuite fait venir quelques uns des nombreux policiers qui surveillaient en arrière-plan avant que ça ne chauffe trop. Ou un vendeur de rue, assis sur son tabouret, qui scandait «Pourquoi toujours la division? Pourquoi pas de l’amour?», pendant que sa voix et celle de l’anti-Trump étaient étouffés sous les cris de soutien au président «Four more years!».

Le dire (en criant)… pour le dire

Et malgré quelques doigts d’honneur de passants qui volaient par ci, par là, et de quelques invectives contre le président que l’on ne retranscrira pas, c’était un peu le jeu de celui qui crierait le plus fort. Il y avait de la passion, ça vibrait. Le but de chacun, au fond, n’était que de s’exprimer pour le principe de s’exprimer puisqu’on a ce droit sacré de le faire, tout en sachant que l’autre ne bougerait pas d’un iota de sa position, et probablement même qu’il ne daignerait pas écouter ses arguments.

L’expression de son opinion: le sport national américain prouvé par l’exemple. Et pour des observateurs suisses, qui ont plutôt l’habitude d’une culture du consensus, de l’accord, de la confrontation polie, la scène était en même temps amusante, très belle et puissante, mais dévoilait aussi en filigrane les fortes divisions qui semblent séparer le peuple américain. Et plus que les new-yorkais eux-mêmes, ce sont peut-être elles, ces divisions, les vrais fantômes qui hantent le pays.

Yannick Weber, New York / 20mn