ONU: Les membres permanents du Conseil de sécurité sur la sellette

 

 

«À de nombreuses reprises, le Conseil a failli à sa responsabilité de maintenir la paix et la sécurité internationales», a dénoncé le président de l’Assemblée générale, l’ex-ministre turc Volkan Bozkir, sans donner d’exemples concrets. «Les intérêts concurrents de ses membres et le recours fréquent au droit de veto ont limité l’efficacité du Conseil de sécurité», a-t-il ajouté. Les cinq membres permanents, seuls à disposer de ce droit, sont les États-Unis, la Chine, la Russie, la France et le Royaume-Uni.

Ces critiques à l’égard d’une institution qui n’a pas été réformée depuis des décennies en dépit de l’évolution du monde viennent s’ajouter à celles du président français Emmanuel Macron, qui a estimé dans un entretien lundi au média «Le Grand Continent» qu’elle ne produisait «plus de solutions utiles».

«Même dans certaines des crises humanitaires les plus urgentes, le Conseil n’a pas pu apporter une réponse opportune et adéquate. C’est un grave revers par rapport aux principes fondateurs de l’ONU et à nos efforts communs pour construire un monde pacifique», a poursuivi Volkan Bozkir. Selon lui, «la réforme du Conseil de sécurité est un impératif inévitable, à la fois difficile et essentiel».

Veto, sujet «sensible»

Depuis le déclenchement de la pandémie de Covid-19 en début d’année, ce Conseil n’a tenu que très peu de réunions sur les conséquences du virus pour la stabilité de la planète. Il lui a aussi fallu plus de trois mois pour dépasser des divergences sino-américaines afin d’adopter le 1er juillet une résolution rédigée par Paris et Tunis, appelant à davantage de coopération et à un cessez-le-feu dans les pays en conflit pour faciliter la lutte contre la pandémie.

Lors du débat lundi, les 193 membres de l’ONU ont parlé du droit de veto, de l’élargissement de l’instance et de sa représentativité régionale. Mais avec des divergences toujours profondes qui ne laissent pas augurer d’une relance positive des discussions menées depuis 13 ans sur une réforme.

Pour l’Algérie, tout nouveau membre d’un Conseil élargi devrait pouvoir disposer du droit de veto. Les États-Unis et la Russie, qui l’a utilisé à quinze reprises depuis 2011 dans le seul dossier syrien, ne veulent pas de leur côté le voir diluer.

«Les États-Unis restent ouverts à un élargissement modeste du Conseil de sécurité», a indiqué un diplomate américain, Ngoyi Ngoyi. Mais «cela doit se faire sans diminuer l’efficacité du Conseil de sécurité et sans modifier ni élargir le droit de veto», a précisé le représentant du premier contributeur financier à l’Organisation.

«Les idées entraînant l’érosion des prérogatives des membres permanents du Conseil de sécurité, notamment du droit de veto, sont inacceptables», a aussi souligné une ambassadrice russe adjointe à l’ONU, Anna Evstigneeva. Recourir au veto et à la menace de l’utiliser «ont à plusieurs reprises évité aux Nations unies de se retrouver associées à des entreprises douteuses», selon elle.

«Belle au bois dormant attendant son baiser»

Le Royaume-Uni a rappelé ne pas l’avoir utilisé «depuis 1989», tandis que la France, sans se prononcer sur l’attribution du droit de veto à de nouveaux membres, «sujet sensible», s’est déclarée en faveur d’un Conseil s’arrêtant à 25 pays.

L’ambassadeur chinois Zhang Jun a dénoncé pour sa part une «surreprésentation des pays développés», appelant à davantage de présence des petits et moyens pays, notamment africains. «Plus de 60 pays n’ont jamais siégé au Conseil» et «certains petits États n’arrivent à y participer que seulement tous les 50 ans», a-t-il déploré.

Le Conseil de sécurité, qui peut décider de sanctions internationales et d’un recours à la force dans le monde, compte au total 15 membres: outre les 5 permanents, 10 non permanents pour un mandat de deux ans, dont la moitié est renouvelée tous les ans.

L’Allemagne, qui a ironisé lundi sur une «Belle au bois dormant attendant son baiser» pour être relancée, est candidate à un siège permanent au Conseil avec le Brésil, le Japon et l’Inde. L’Afrique cherche pour sa part à en obtenir deux, sans en avoir encore identifié les futurs bénéficiaires potentiels.

(AFP/NXP)