Le “car-rapides”, la Rolls-Royce du pauvre

 

 

Dans l’univers des de la tragi-comédie liée au transport au Sénégal, il n’est pas exagéré de dire qu’il sera difficile de battre les records détenus par les « car-rapides ».

De l’avis de certains, cette « Rolls-Royce »du pauvre, véritable corbillard avec ces deux croque-morts que sont le chauffeur et son apprenti, est à l’époque des fusées et des TGV, un affront au développement.

Trouver en effet un « car-rapide » qui offre le confort nécessaire, qui adoucit les cœurs des clients, relève du miracle.

Tout se passe comme si le « car-rapide » a pactisé avec le diable, avec comme unique dessein de faire du mal.

Au langage ordurier des « coxeurs » et des apprentis érigé en marketing, répond l’audace des chauffeurs prêts à emprunter tous les chômeurs, même l’intérieur du Palais présidentiel pour peu qu’on les laisse faire.

Microcosme de la société, c’est là où se rencontrent tous les ‘’goorgoorlou’’ de la Nation.

Du fonctionnaire de la hiérarchie qui tire le diable par la queue, aux artistes sportifs en retraite en passant par les ouvriers, les étudiants et les pickpockets.

Avec leurs cousins de Dakar Dem Dikk, les car-rapides ont réussi à transformer les Sénégalais, à force de s’agripper aux barres fixes ou aux hanches d’autres clients, a ressemblé aux hommes-singes de la préhistoire.

Si la vitesse est synonyme de gain d’argent mais aussi une condition de développement, on peut regretter cependant l’allure avec laquelle roulent certains car-rapides, dont les chauffeurs se prennent comme de pilotes de Formule 1.

Au même moment d’autres « car-rapides », témoin de la dernière guerre mondiale, mettent plus de temps qu’une grand-mère de 70 ans pour boucler un kilomètre par suite d’arrêts intempestifs.

Il est fréquent de voir au cours du trajet, des clients et apprentis transformés le « car » en ring de boxe ambulant pour le simple motif d’une monnaie non rendue ou non-paiement du tarif.

C’est dans l’univers ferrailleur du car-rapide dont certains ressemblent aux fauteuils couplés de fakirs hindous, que des habits flambants neufs sont salis ou alors lacérés par des pointes mal placées.

Dans le contexte d’une crise généralisée que nous vivons, il ne s’agit pas cependant de brûler le « car-rapide » pour vivre tranquille.

Si celui-ci engendre une poussée d’adrénaline chez beaucoup de clients, il est bon de rappeler à tous que le « car-rapide » n’est que le miroir de notre société, dont il nous renvoie les images les plus hideuses : indiscipline, insalubrité notoire, anarchie, manque de respect de la parole donnée, archaïsme dans la méthode de gestion, etc.

Une façon de dire que s’il faut brûler le « car-rapide », il faudra alors tout brûler car si le « car-rapide » ne vaut rien, rien ne vaut le « car-rapide. »

 

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