JEAN, QUELLE PLUME !

 

 

La mort frappe tous les jours. Elle revient chaque fois sous un cachet qui la singularise. En emportant dimanche le journaliste Jean Meïssa Diop, elle nous foudroie encore plus tant l’homme qui s’affaisse ainsi fut, sa vie durant un battant puis un combattant. La maladie l’avait décharné et défiguré mais son cœur restait vaillant et son esprit toujours entreprenant. A vue d’œil, il faiblissait et se gênait même au contact de ses amis à afficher les outrages infligés à son frêle corps. Par son silence, il tentait d’atténuer la douleur que ressentait son vis-à-vis.

Mais son mental, fort, sauve les apparences avant de s’excuser pour prendre congé. Ce dernier congé qu’il prend, définitif et irrémissible, nous surprend et suspend notre respiration en ouvrant un étroit couloir de suspense. Journaliste talentueux, sa plume était l’écrin de son sens de l’observation qui donnait sens à ses formules. Celles-ci le personnifiait plus que toute autres prouesses sur le remarquable parcours qu’il a accompli. Incontestablement , il avait l’esprit d’à-propos.

Sa maîtrise de la langue le distinguait au point que par modestie, il lui arrivait de redonner vie à des expressions tombées dans l’oubli ou péjorées par des usages. Très vite, il avait dégagé son axe professionnel quand nous sommes entrés au Cesti pour composer la 13ème promotion qui porte le nom de feu Doudou Guèye, journaliste de haut vol, polémiste à souhait, véritable détecteur de jeunes talents au caractère trempé qui donna au journalisme d’époque une certaine flamboyance.

Jean avait de qui tenir puisque, à sa façon et par son style inimitable, il s’en tenait aux caractéristiques de l’information : bonne, vraie, complète, lisible et accessible. Jusqu’à son dernier souffle, il ne s’est démarqué de cette ligne « Maginot », garante d’une crédibilité laborieuse à construire mais facile à ravaler en cas de manquement. Jean ne négocie pas sa liberté à laquelle il consacre l’essentiel de ses travaux.

Peu importe le sujet, au rendu et à la publication, son verbe illumine le récit et emporte même les plus sceptiques. Ses écrits, nombreux, divers et variés, avaient pour dénominateur commun une quête permanente de l’excellence, le brio dans la restitution et l’éclairage des opinions pour se forger une réputation et élargir son spectre d’influence.

Nous avions ensemble formé une bande joyeuse avec l’excellente Ndèye Rokhaya MBodj, la remarquable Diatou Cissé Badiane, le teigneux Mamadou Lo Ndièguène, Ousseynou Guèye et moi-mêmE, entre autres, Crépin NGangha, Bachir Diop, Lucien Poumbou ou Marie Constance Egbon Glélé. Aux yeux de tous, Jean apparaissait comme le « gardien du temple » et s’évertuait en toutes circonstances à s’assurer que nos papiers étaient équilibrés.

Nous l’appelions d’ailleurs Monseigneur Marcel Lefèbvre en raison justement de son attachement viscéral à l’orthodoxie professionnelle. Il ne s’en formalisait guère, soulignant même sa proximité avec l’Archevêque rebelle de Dakar d’alors, qui osa provoquer le schisme avec le Vatican en osant consacrer des évêques contre la volonté du Pape. Jean était admiratif du courage de l’homme d’Eglise français sans épouser sa cause, bien évidemment. Il aimait la télévision mais ne la fréquentait pas assidûment, pour pouvoir la critiquer à distance en vue d’améliorer ses contenus.

Jean épluchait les journaux et parcourait les articles, chasseur devant l’éternel de l’écume, de l’approximation et de l’indiscipline sémantique des contenus, signes, selon lui d’un recul de la profession et de la qualité du journalisme dont il était un des hérauts. Adieu Jean. Dors en paix, très cher confrère. Tu vas manquer à ton Ndiaganiao natal, terre de tes fiertés.

 

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