Justice: Journaliste tuée à Malte: l’accusé écope de 15 ans de prison

 

 

Un homme soupçonné du meurtre en 2017 de la journaliste maltaise enquêtant sur la corruption Daphne Caruana Galizia s’est vu infliger 15 ans de prison mardi, la première condamnation dans ce sordide dossier qui avait choqué Malte et le reste du monde.

La journaliste blogueuse Daphne Caruana Galizia, qui dénonçait dans son blog Running Commentary la corruption endémique dans cet archipel méditerranéen, une ancienne colonie britannique entrée dans l’Union européenne en 2004, avait péri dans un attentat à la voiture piégée le 16 octobre 2017. Elle était âgée de 53 ans.

Volte-face

Considérés comme de simples exécutants, trois hommes au casier judiciaire chargé – les frères Alfred et George Degiorgio ainsi que Vincent Muscat – avaient été arrêtés et inculpés le lendemain, soupçonnés d’avoir fabriqué, posé et fait exploser la bombe meurtrière.

Ils plaidaient non coupables depuis. Jusqu’au rebondissement de mardi, survenu au cours d’une audience préliminaire devant conduire à un non-lieu ou à leur renvoi devant une cour criminelle. Alors que ses complices présumés continuent de clamer leur innocence, Vincent Muscat a fait volte-face.

«Vincent Muscat, que plaidez-vous à l’égard des accusations ?», a demandé le greffier du tribunal de La Valette. «Coupable”, a-t-il répondu. «Ce sont de graves accusations, meurtre, conspiration, il risque la réclusion à perpétuité», a lancé la juge Edwina Grima à Marc Sant, l’avocat de M. Muscat, mais ce dernier a répété qu’il plaidait coupable.

Il a dans la foulée été condamné à 15 ans de prison, une peine conforme au réquisitoire du ministère public et relativement clémente au regard du code pénal maltais. Le tribunal a tenu compte du fait que l’accusé avait renoncé à interjeter appel du jugement et qu’il avait coopéré avec la justice.

Corruption endémique

La famille de la journaliste, déçue par le verdict, a néanmoins dit espérer que la condamnation de M. Muscat «ouvrirait la voie à une justice totale pour Daphne Caruana Galizia».

Un quatrième homme, l’homme d’affaires Yorgen Fenech, avait été arrêté en 2019 sur son yacht au large de Malte, tandis qu’il tentait de fuir.

Un chauffeur de taxi soupçonné d’avoir été un intermédiaire l’accuse d’avoir été le principal commanditaire du meurtre, mais les audiences le concernant n’ont pas encore commencé. C’est en creusant le volet maltais des retentissants Panama Papers que Daphne Caruana Galizia avait mis au jour les liens entre M. Fenech et de hauts responsables politiques maltais.

Contrepartie des pots-de-vin inconnue

Elle avait notamment révélé qu’une société de Dubaï, la 17 Black, avait versé deux millions d’euros à Keith Schembri, à l’époque le chef de cabinet du Premier ministre Joseph Muscat (sans lien de parenté avec Vincent Muscat), et Konrad Mizzi, le ministre du Tourisme. La contrepartie de ces pots-de-vin présumés n’est pas connue.

Le consortium de journalistes Daphne Project, qui a repris ses enquêtes, a révélé que la 17 Black appartenait à M. Fenech. Et le chef du gouvernement, accusé de s’être ingéré dans l’affaire et d’avoir protégé ses collaborateurs, son chef de cabinet ainsi que le ministre du Tourisme ont démissionné depuis.

Yorgen Fenech a été inculpé de complicité samedi dernier. Il a lui-même mis en cause plusieurs hauts responsables du gouvernement, en particulier Keith Schembri, le désignant comme le «vrai commanditaire» de l’assassinat.

(AFP)