TRIBUNE Accords bilatéraux pour les vaccins anti Covid-19 : D’anciens ministres de la Santé alertent sur le risque de la flambée des prix

 

Avec les besoins en vaccins pour endiguer la pandémie de coronavirus, on est en train d’assister à une «compétition inique entre les Etats». C’est le sentiment d’anciens ministres de la Santé qui ont fait part de leurs inquiétudes dans une tribune publiée hier dans le journal français Le Monde. D’après les signataires de ce document, ce nationalisme vaccinal «introduit surtout un risque de flambée du prix des vaccins».

Dans une tribune parue dans le quotidien français Le Monde hier, un collectif regroupant d’anciens ministres de la Santé alerte sur le risque du «nationalisme vaccinal» concernant la pandémie qui sévit dans le monde. Il faut noter que ce document est signé entre autres par les anciens ministres de la Santé de la Mauritanie, Diyé Ba, de la France, Nora Berra, du Sénégal et cofondateur de l’Ong Union for global health,, Abdou Fall, la présidente fondatrice de l’Ong Union for global health, Michel Sidibé, ancien directeur général d’Onusida et ancien ministre de la Santé du Mali.
Analysant la situation dans le monde marquée par des accords bilatéraux pour se procurer des vaccins, les membres de ce collectif trouvent qu’elle «crée non seulement une compétition inique entre les Etats, mais surtout introduit subrepticement un risque évident de flambée du prix des vaccins». Pour ce collectif, «la communauté internationale est par conséquent une nouvelle fois interpellée face à une inquiétude compréhensible de certains pays du Sud sur la pénurie de vaccins, au moment où ils sont confrontés à une nouvelle vague de Covid-19, plus ravageuse que la première».
Très au fait de la situation en Afrique, les auteurs de cette tribune renseignent que même si «l’Union africaine a passé ses propres commandes ou engagé un programme de développement du vaccin, les besoins sont loin d’être satisfait s».
Pour eux, «nous sommes donc confrontés à un défi historique pour la gouvernance mondiale». La solution, à les en croire, c’est «un multilatéralisme renforcé qui pose de véritables actes, au regard de fléaux mondiaux». C’est ce qui, selon eux, «permettra d’aborder avec équité la sortie de crise : des contraintes politiques par exemple sur les brevets (suspension ou transfert de licences) qui seraient des moyens puissants pour que la crise planétaire ne soit pas une fatalité».
Par ailleurs, les signataires de cette tribune soulignent que la réponse à «des demandes en protection et en soins légitimes, de la part des citoyens, avec sous-jacents des défis d’orgueil national devant des fragilités», mettent à nu la vanité de bien des ambitions de puissance. D’après ce collectif, «près de 70% des doses de vaccin administrées jusqu’à présent l’ont été dans les cinquante pays les plus riches». Alors que, informe-t-il, c’est seulement 0,1% qui «a été injecté dans les cinquante pays les plus pauvres». Les chiffres montrent que dans cette course aux vaccins, l’Afrique est à la traîne.
D’après les données figurant dans ce document, «en Afrique, on estime à 1,5 milliard les besoins de vaccins pour immuniser 60% de la population». Pourtant, rappellent ces anciens ministres de la Santé, «le mécanisme Covax, conçu par l’Oms et l’Alliance du vaccin (Gavi) comme une ‘’initiative mondiale visant à assurer un accès rapide et équitable aux vaccins contre le Covid-19 pour tous les pays’’, mise précisément sur une solidarité internationale basée sur une mutualisation des commandes et une redistribution coordonnée au niveau mondial». Seulement, déplorent-ils, cette ambition «de fournir 2 milliards de doses d’ici fin 2021 a été très fragilisée par la multiplicité des accords bilatéraux passés par les pays riches».

«Une stratégie multilatérale qui commence à se dessiner»
Toutefois, les auteurs du document aperçoivent une petite lueur d’espoir avec une «stratégie multilatérale qui commence à se dessiner». A ce propos, ils soutiennent : «Forte de son leadership dans certains combats internationaux (One planet summit, Unitaid, reconstitution du Fonds mondial), la France a lancé un appel à ses partenaires européens et non européens à s’engager dans le dispositif Covax, seul garant d’une distribution équitable des vaccins. Formons le vœu qu’elle sera entendue et que si ‘’tout le monde n’est pas à bord, la France s’engagera et donnera 5% de ses doses’’, a annoncé le Président Macron. Comme le disait Albert Schweitzer, ‘’l’exemplarité n’est pas une façon d’influencer, c’est la seule’’.»
Pour les membres de ce collectif, il n’y a aucun doute : «Un accès aux vaccins pour tous est l’engagement politique et moral que le monde attend.» Et les signataires de cette tribune de conclure en ces termes : «De nos choix d’aujourd’hui dépendront les équilibres stratégiques de demain.»
dkane@lequotidien.sn

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