LA LOI DANS TOUTE SA RIGUEUR. (Par Ada Hagne Dia)

 

Avec la levée de l’immunité parlementaire du député Ousmane Sonko, une étape importante a été franchie dans l’affaire dite « Sweet-Beauty », opposant le leader du Parti Pastef à la masseuse Adji Sarr qui l’accuse de viols répétitifs.

Aujourd’hui que l’affaire suit son cours dans les couloirs de la justice, des voix aussi discordantes que partisanes ne cessent de s’élever chacun y allant de ses analyses, ses anticipations, voire même ses conclusions…

Dans cette bataille sur le ring audiovisuel et sur la jungle des réseaux sociaux, s’il y a un parent pauvre, c’est bien la présumée victime, Adji Sarr. Ses droits sont ignorés voir parfois bafoués.

Il s’agit bien d’une femme. Encore une fois, pour une affaire sur la table du juge. Hélas, certains sur la toile ou dans les médias audiovisuels, ont fini de caricaturer la présumée victime, Adji Sarr.

Attaquée, persécutée, Adji doit vivre en enfer là où elle est. Pire, certains l ont presque désignée coupable.
Si le glissement sur la thèse du complot peut expliquer l’attitude de certains militants de l’accusé, il est cependant difficile de comprendre le silence coupable et assourdissant des organisations de défense des droits des femmes. Il ne s’agit pas de demander un quelconque parti pris, il ne s’agit pas d’innocenter qui que ce soit.

C’est le travail de la justice. Ici, il est question de défendre l’intégrité de cette fille à peine la vingtaine sonnée. Jusqu’à preuve du contraire, elle s’estime victime d’un viol. Pour rappel, la criminalisation du viol intervenu il y a moins d’un an au Sénégal, est l’aboutissement d’un combat de très longue haleine d’organisations féminines notamment.

Au-delà de la thèse du complot de plus en plus brandie par certains, il semble urgent voire vital de faire fi de toute tentation d’intimidation, de détournement de l’attention sur les faits. Parce que quoique l’on puisse dire, il s’agit d’une affaire opposant deux Sénégalais, d’égale dignité. Que l’un soit plus connu que l’autre n’y enlève rien.

Aujourd’hui, seuls les faits, rien que les faits peuvent trancher. S’il s’agit de viol, que la peine prévue soit appliquée dans la plus grande rigueur. Mais en attendant que la justice fasse son travail dans les règles de transparence, il y a un impératif de rappeler à tous que la loi est là et elle s’applique à tous.

Si notre pays est toujours adossé aux valeurs de « Masla, Kersa… », il ne faudrait pas perdre de vue qu’elles n’ont de sens que quand le droit est dit dans toute sa rigueur, que quand chaque citoyen qu’il soit célèbre ou anonyme, pauvre ou riche, sente que la justice de son pays est là pour tout le monde. Si les tentatives de médiation de certaines personnes ne sont pas à condamner, elles ne devraient pas se faire au détriment du droit.

Dans cette affaire, leur priorité devrait être, à notre avis, d’appeler au calme, d’éviter tout appel à la violence qui porterait un sacré coup à notre économie déjà mise à genoux par une crise loin d’être maîtrisée, d’exiger de la justice que le droit soit dit dans sa plus grande rigueur, sans émotions.

Les propos de notre regretté guide Mame Abdou Aziz Sy Dabakh résonnent encore : « Il faut calmer les esprits, revenir au calme », disait-il, mais jamais il ne s’est mêlé d’affaire de justice. Il se contentait d’appeler chacun à jouer sa partition en toute honnêteté, avec la crainte de Dieu. La voie est toute tracée. Aujourd’hui, toute autre démarche, risquerait de porter un sacré coup à la crédibilité de notre si chère justice.

ADA HAGNE DIA
Vice-Présidente de l’AJS
Association Juristes Sénégalaises.