Le calvaire des chômeurs étrangers à Dakar

 

Passer des journées à ne rien faire, recevoir des pressions familiales, ne pas pouvoir soutenir financièrement sa famille… Des réalités auxquelles font face les étrangers chômeurs vivant au Sénégal. Le chômage peut être défini, selon Wikipédia, comme l’état d’une personne souhaitant travailler et qui est à la recherche d’un emploi. Parmi la communauté de chômeurs au Sénégal, il y a bon nombre d’étrangers. Certains d’entre eux se sont confiés à PressAfrik.

Au Sénégal, le taux de chômage est de 22,27% en 2020, selon l’Agence nationale de la statistique de la démographie (ANSD), la principale institution habilitée à fournir des données sur ce sujet.

Pour les étrangers au chômage à Dakar, il n’y a aucun chiffre pouvant renseigner sur leur nombre exact dans la capitale sénégalaise. Toutefois, PressAfrik est allé à la rencontre de certains d’entre ces étrangers qui sont venus au Sénégal pour trouver du travail ou qui ont préféré rester ici après les études pour en chercher. 

Le problème des salaires dérisoires
Sur la VDN, Julienne 
Etoua, diplômée, se tient debout devant un parking automobile. De nationalité gabonaise, elle déclare qu’à son arrivéau Sénégal avec ses diplômes obtenus en Chine, elle a cherché un emploi. En vain. C’est alors qu’elle s’est inscrite dans une prestigieuse école pour décrocher un MBA . Après l’obtention de ce diplôme, elle a encore postulé, mais n’a toujours pas trouvé un emploi

« Depuis 2018, à mon arrivée au Sénégal, je suis à la recherche d’un emploi, mais comme il n y a pas eu d’ouverture pour moi, je suis retournée à l’école. J’ai fait un Master en administration des affaires à HEC Dakar. J’ai postulé dans plusieurs entreprises, mais ce qui m’a un peu découragé, c’est le revenu que m’ont proposé ces différentes entreprises. Et aussi j’avais compris que par rapport à mon niveau d’étude on ne pouvait pas me payer », a déclaré Julienne Etoua, de nationalité gabonaise.

Qui poursuit en racontant son calvaire dakarois: « C’est vraiment difficile en ce moment pour moi en tant que nouvelle diplômée, de devoir passer toutes mes journées à la maison »
« Quand tu sors d’une école que les parents ont payée, par exemple à 4 millions, 5 millions et qu’on te propose un revenu de 100 mille Fcfa. Ou bien tu es obligé d’aller travailler dans un centre d’appel parce que tu n’as pas trouvé une entreprise pour te recruter, c’est vraiment décevant », s’est-elle exprimée avec regret.

Selon elleil y a un problème majeur d’insertion des nouveaux diplômés dans le monde professionnel, au Sénégal. « Selon mon constat et mes observations sur le terrain, il s’avère que l’Etat et les entreprises ne recrutent pas autant qu’ils le devraient, parce que nous étudiants étrangers, passons le LMD (Licence, Master, Doctorat), mais nous n’avons aucune garanties d’avoir l’emploi après l’obtention de nos diplômes. C’est vraiment difficile », a-t-elle déploré.

Les pressions familiales
Julienne 
Etoua affirme recevoir des pressions familiales à cause de la situation de chômage dans laquelle elle se trouve. Elle dit ne pas pouvoir aider son conjoint dans l’accomplissement des tâches ménagères, à cause de ses problèmes financiers.

« D’une part, j’endure cette situation. Mais d’autres part, c’est peut être une stratégie pour moi de booster mes compétences personnelles. Si je me limite à ce que j’ai appris, parce que j’ai eu tel diplôme, je ne pourrais pas avancer. Cela me permet aussi de m’accentuer dans d’autres domaines dont je n’ai pas reçus de formation à l’école. Cette situation me fait me poser beaucoup de questions. Est-ce que je dois encore envoyer mes enfants à l’école, pour augmenter le taux de chômage ? », a-t-elle conclu avec indignation

Grace toujours soutenue par ses parents

 

Pour Grace Maganga, chômeuse depuis 6 mois, diplômée en Finance internationale, les journées ne sont pas très ennuyantes, elles sont assez variées. Basée au quartier Ouakam, cette dernière a reçu l’équipe de PressAfrik dans son salon pour parler de son cas en toute décontraction.

« Mes journées sont assez variées. Par moment, je me lève, je continue à aller déposer des Curriculum Vitae (CV), ou je les passe en mangeant et dormant. Pour subvenir à mes besoins, heureusement que j’ai encore l’appui de mes parents, c’est grâce à eux que j’arrive à joindre les deux bouts », a-t-elle déclaré.

D’après cette nouvelle diplômée, ses parents ne lui mettent pas de pression. Mais elle a quand même une pression personnelle. Elle a terminé ses études et estime devoir maintenant travailler pour aider en retour ses parents.

« Je ne reçois pas de pressions familiales, mais, moi-même je me mets la pression parce que j’ai terminé les études et je me dis que le but ultime quand tu as fini tes études, c’est de ce trouver un petit boulot ».

Une situation pénible qui peut mener à la dépression

« Je me rends compte que malgré le fait que la vie soit belle, elle est difficile. Je voyais mes parents autrefois se plaindre, se lamenter, je riais. Mais maintenant que je suis confrontée à certaines situations, je me rends compte que c’est difficile et si on n’est pas fort d’esprit on peut devenir dépressif », s’est-elle exprimée avec déplaisance.

Manque d’expérience professionnelle

Le manque d’expérience est selon Grace Magangaune une raison pour laquelle, elle n’a toujours pas trouvé de stage, vu qu’elle a beaucoup postulé.

« C’est le manque d’expérience. Parce que je n’ai pas encore fait de stage dans mon domaine. Ça ne va pas m’embêter de trouver un stage non rémunéré. C’est vrai que nous tous, on part dans l’optique de se faire de l’argent. Mais moi, premièrement, c’est pour acquérir des compétences, avoir de l’expérience. Donc même si on ne me paye pas, cela ne me cause pas de problème, puisque je vais avoir plus une fois que j’aurai un emploi », a-t-elle soutenu.

“Mes soeurs au pays ont fini par comprendre que j’étais au chômage”
Clére
nce Hounkpatin, diplômée en Communication d’entreprise,  au chômage depuis 8 mois dit avoir plusieurs fois postulé, mais sans avoir de retour favorable.

« Je suis au chômage depuis 8 mois. J’ai postulé à plusieurs offres. J’ai reçu l’appel de deux structures qui ont promis me rappeler, mais rien depuis là. Au début, je recevais des pressions, mais c’était mes sœurs au pays qui avaient besoin d’aide et qui me sollicitaient constamment. Mais après, elles ont fini par comprendre ma situation », a relaté Clérence.

Selon cette jeune béninoiseêtre au chômage c’est stressant et énervant à la fois, mais elle garde espoir que sa situation s’améliore. Pour cela sa maman l’aide financièrement. Etre au chômage dans son propre pays est une chose assez difficile.

Mais être au chômage dans un pays étranger, c’est encore plus compliqué. Il y a certaines charges obligatoires qui pèsent sur toutes ces personnes interrogées dans ce reportage: le loyer, la nourriture, les factures, le transport… En plus de l’argent à envoyer à la famille au pays d’origine.

pressafrik