Ancien siège du Pds : Un marqueur du Sopi en ruine

 

 

Témoin de la première alternance politique au Sénégal, l’ancienne permanence du Parti démocratique sénégalais (Pds), qui se trouve à côté de la place de l’Obélisque, est dans un état de délabrement avancé. Sur place, le bâtiment menace ruine et les voisins demandent de le réhabiliter vu ce qu’il représente dans l’histoire politique du pays.

En face de la mythique place de l’Obélisque, du côté du quartier de Fass, un bâtiment non moins mythique tient difficilement debout. Seule la peinture de couleur bleue sur les murs semble résister au temps sur ce qui a été la première grande permanence du Parti démocratique sénégalais (Pds). Ce bâtiment (R+1), « abandonné » quelques années après la prise du pouvoir par le Pds, en 2000, menace ruine. L’essentiel de la dalle du premier étage a éclaté et une partie du balcon s’est aussi affaissée. Les alentours du bâtiment sont actuellement occupés par des mécaniciens. À notre passage, le lundi 7 juin, les principales entrées de l’édifice aux portes rouillées étaient cadenassées. Seul un compartiment du rez-de-chaussée est ouvert. Une dame d’un âge avancé vit sur le site. Elle se présente comme Mme Diallo et nous confie qu’avant même que le Président Abdoulaye Wade n’acquière le bâtiment pour en faire le siège de son parti, sa famille était sur place, en 1974. Elle révèle que c’est à partir de 1975 que le Pds s’y est installé. Mme Diallo regrette l’inertie de la Mairie et des autorités du Pds face à la décadence d’un « lieu historique » d’où est partie la conquête du pouvoir par « le Pape du Sopi »

En face du bâtiment, plusieurs jeunes travaillent dans un atelier de soudure métallique bruyant avec les grincements des machines. Ils connaissent vaguement l’importance de la bâtisse qui fait face à leur lieu de travail, mais personne n’accepte de témoigner. Ils nous indiquent tous le bureau du patron. Ce dernier, installé dans une salle remplie de pièces détachées, fait face à un poste téléviseur. Omar Diop, qui a commencé à travailler sur place depuis 1998, a vécu l’époque où la permanence était « dynamique » avec plusieurs réunions qui s’y tenaient. Même s’il dit ne pas s’intéresser à la politique, il constate « comme tout le monde que c’est un lieu symbolique » qui mérite un meilleur sort.

Les riverains pour la réhabilitation du site « historique »

Même constat chez Moustapha Barry, un des responsables des mécaniciens de motos installés sur le seuil de l’ancien siège. Âgé de 30 ans, il ne se rappelle pas du temps où le parti de Wade utilisait cette permanence, mais il a entendu parler de l’importance du site. « Cela fait sept ans que j’ai commencé à travailler ici et on m’a dit que c’était la première permanence du Pds. Quand je vois ce que le Président Wade représente pour le Sénégal et l’Afrique et ce qu’est devenu son premier siège, je suis triste », confie M. Barry assis sur une des motos à réparer. Pour lui, l’immeuble doit être réhabilité par le Pds ou même par l’État pour permettre à la jeune génération de se faire une idée sur cette période de l’histoire politique du Sénégal. Tout en nous montrant l’état du bâtiment, le jeune Barry confie que même s’ils travaillent aux abords du site, les risques sont là, car l’édifice menace ruine et peut s’affaisser à tout moment. « Il n’y a plus de plafond et le bâtiment n’est plus solide. De temps en temps, des pans du balcon s’affaissent. Pendant la saison des pluies, le risque d’affaissement est plus important », lance le jeune mécanicien. Apparemment très passionné par l’ancien Président Abdoulaye Wade, même s’il n’avait que neuf ans lorsque ce dernier prenait le pouvoir, en 2000, Moustapha Barry pense qu’on peut même faire de ce siège un musée  politique. Cet avis est partagé par son voisin, Daouda Bâ. Né en 1989, il affirme qu’il a été déçu lorsque qu’il a vu l’état dans lequel se trouve « le tout premier siège du Pds qui est à l’origine de la première alternance du pays ». Dans la ruelle sablonneuse de Fass qui jouxte la bâtisse, se trouve Diassé Thiam, agent dans un magasin multiservices. Abondant dans le même sens que ces prédécesseurs, il demande au Pds de réhabiliter l’ancien siège. « C’est un site important pour l’histoire politique du pays qui doit être rehaussé », dit M. Thiam, un habitant des Hlm5.

Quant à Moussa Guèye qui à son bureau à côté du site, il insiste sur le fait que l’ancienne permanence sert de repère à beaucoup de Dakarois. « Quand quelqu’un veut venir dans la zone, l’adresse qu’on lui indique, c’est l’ancienne permanence du Pds. C’est un repère important pour le quartier, mais l’état de dégradation du bâtiment fait qu’on risque de perdre cette adresse », alerte M. Guèye. Selon lui, il faut même démolir et reconstruire l’édifice qui est devenu un danger pour les mécaniciens qui le squattent ainsi que les voisins. « Le nom de ce siège est lié à jamais au Président Wade et à la démocratie sénégalaise, et il faut le réhabiliter pour la postérité », plaide M. Guèye.

Assane Ba, Pds : «Cette permanence est un symbole des luttes démocratiques engagées contre le pouvoir socialiste»

Membre du Comité directeur, du Secrétariat national et des Commissions spécialisées du Parti démocratique sénégalais (Pds), Assane Bâ se remémore  des grandes batailles à l’époque avec des stratégies arrêtées et coordonnées politiquement par le Secrétaire général national, Abdoulaye Wade, depuis ce lieu. « Cette permanence cristallisait le Sénégal en miniature. C’est un symbole des luttes démocratiques engagées contre le pouvoir socialiste. Les grandes batailles ont été coordonnées à partir de ce local qui était le centre de gravité de nos militants et partenaires de l’opposition », explique l’ancien membre de l’Union des jeunesses travaillistes et libérales (Ujtl).

Pourtant ce bâtiment, situé sur le Boulevard Dial Diop, à côté de la place de l’Obélisque, n’est pas la première permanence du Pds. Selon M. Bâ, le premier siège du parti libéral se trouvait à la rue de Denain, en ville. C’est vers 1975, souligne ce responsable du Pds à Ouakam, que le déménagement sur ce site s’est fait. « En 2000, on est arrivé au pouvoir. Même avant, nous avions acquis un terrain à Grand Yoff, derrière l’hôpital général, actuel Idrissa Pouye (Ex Cto), pour y construire une nouvelle permanence », souligne celui qui estime que la permanence du Boulevard Dial Diop était devenue très étroite. Et d’ajouter : « C’est après qu’on a trouvé un terrain sur la Vdn pour y construire un nouveau siège plus moderne ». Assane Bâ rappelle que le projet du Président Wade, c’était de donner la permanence de la place de l’Obélisque à la Fédération Pds de Dakar.

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