De grosses perturbations en vue dans le secteur de la Justice.

 

 

Les magistrats de la Cour d’appel de Saint Louis se réunissent en assemblée générale extraordinaire ce jeudi 10 juin 2021, non pas pour délibérer sur les activités de la cour comme ils le font au début de l’année judiciaire en octobre ou avant de commencer les vacances judiciaires au mois de juillet, mais plutôt pour décider s’ils vont continuer à travailler dans les locaux de la cour.

D’après un rapport de la Protection civile, celle-ci ne présente pas les conditions de sécurité ou de salubrité minimales pour accueillir des personnes. Le rapport daté de mars 2021 et qui était commandité par le Ministre de la Justice lui-même depuis l’année dernière par un courrier adressé à l’ancien Gouverneur de Saint-Louis Alioune Aidara Niang, préconise une «évacuation immédiate» des lieux et de leurs abords, à cause des risques d’effondrement du bâtiment. “Rien de ce bâtiment ne donne l’air d’une cour d’appel ou même d’un tribunal”, soutiennent les propos des magistrats de ladite cour d’appel.
Situé au Sud, Boulevard Abdoulaye Mar Diop, le bâtiment qui abrite la cour d’appel de Saint-Louis est d’une vétusté affligeante.

Selon toujours ces magistrats, ce bâtiment présente l’air d’un fort abandonné et hanté par des esprits malveillants. “Les murs sont décrépis, la dalle s’est déjà effondrée par endroits, la fosse septique au milieu de la cour menace de s’effondrer, l’humidité rend l’air irrespirable dans certains bureaux. Les portes et fenêtres sont toutes branlantes ou mêmes carrément décrochées. Il parait que les magistrats qui y sont affectés évitent d’y recevoir des amis de peur d’être déchu de leur piédestal”, ont-ils regretté tout en se questionnant : “qu’est que des hauts magistrats de la Cour d’appel font dans ce bâtiment?”

C’est sans doute l’espoir et le désespoir qui les y a maintenu sans bruit depuis 2009. L’espoir, c’est celui d’un nouveau palais de justice qui leur a été promis depuis 2012. Ce palais, situé juste à la sortie du Pont Faidherbe, dans le Bloc 22, qui servait de logements de fonctionnaires, et qui devait être étrenné depuis 2014 tarde toujours à être achevé. Quatre entreprises sont déjà passées mais la grosse œuvre reste encore à finir. “On nous signale pourtant que beaucoup d’argent a été payé.

L’Union européenne qui avait financé la construction du bâtiment a, semble-t-il, cédé au découragement après avoir vainement essayé d’assurer la poursuite des travaux”, ont-ils poursuivi. L’assemblée générale du 10 juin a été demandée par les magistrats les plus jeunes qui n’ont pas compris du tout que leur hiérarchie leur ait caché l’existence du rapport de la protection civile alors que c’est surtout leur vie qui est en première ligne. Ce sont eux qui sont les plus présents dans la cour, qui prennent les audiences alors que les chefs se la coulent douce, le plus souvent à Dakar.

L’assemblée générale sera sans doute houleuse puisque d’après nos sources la plupart des magistrats sont déterminés à ne plus mettre les pieds dans cette cour compte tenu des risques qui ont été identifiés et écrits noir sur blanc par les autorités publiques qui siègent dans la protection civile. Ce sont les greffiers et autres personnels de la justice organisés autour du syndicat SYTJUS qui avaient habitué le public à ses mouvements d’humeur. Cette fois-ci les juges et les procureurs ont pris les devants. Ceux à qui nous avons parlé parmi eux précisent bien qu’il ne s’agit «ni de grève, ni de boycott». Ils attendent simplement qu’on leur mette dans de bonnes conditions de travail. On ne peut pas leur demander, disent-ils de fréquenter un bâtiment qui, d’après la protection civile, menace ruine et devrait voir pour cela son accès interdit. Que va-t-il se passer avec les dossiers, avec les justiciables qui dépendent de la Cour d’appel, avec les détenus qui attendent qu’il soit statué sur leur sort, si la justice doit s’arrêter? Une question qui n’a pas encore trouvé de réponse mais préoccupe plus d’un.

YVES TENDENG / sudonline.sn /