FINANCEMENT DES ÉCONOMIES AFRICAINES : LA CONFÉRENCE DE PARIS, UN GRAND BLUFF

 

 

QU’EST-CE QUI FAIT COURIR LA FRANCE ?

Aujourd’hui, l’Afrique est courtisée par tous les pays industrialisés. Dans ce sens « côté britannique, Theresa May a indiqué, dans un discours prononcé à Cape Town en août 2018, que le Royaume-Uni entend viser un niveau d’aide élevé (0,7% ), mais tout en poursuivant son intérêt national (« we support our own national interest »), John Bolton le conseiller pour la sécurité nationale déclare de façon explicite le 13 décembre 2018, le retour de l’administration américaine en Afrique. L’Allemagne propose un nouveau cadre stratégique du ministère du Développement (Entwicklungspolitik 2030) et entend organiser une revue systématique des 85 accords de coopération bilatéraux afin d’encourager les pays concernés à des réformes et à la réduction de la corruption. À ce propos, le Rapport du Sénat observe « que les Américains, les Chinois, les Allemands ont défini une stratégie africaine, la France, elle, peine à définir un cap. »

Le Président E.MACRON est le plus actif d’entre tous et multiplie les initiatives avec de multiples rencontres avec les Chefs d’État et promet de les étendre aux sociétés civiles du pré carré francophone. Dans un rapport élaboré par la boite à idées de la macronie, « Prêts pour l’Afrique demain ? », l’Institut Montaigne formule plusieurs propositions-chocs pour que la France stoppe l’hémorragie sur un continent où la Chine se taille désormais la part du lion. En conséquence de quoi, il est proposé de créer un cadre réglementaire contraignant pour contrer les Chinois afin que la France retrouve la place qui était la sienne sur le continent. Dans ce contexte, l’Institut Montaigne préconise de « refonder au niveau européen ce cadre réglementaire qui entoure les institutions internationales en exigeant d’elles un contrôle et une vérification du respect de l’application des clauses dans les projets qu’elles financent. Avec pour objectif de mieux encadrer le risque, de permettre aux entreprises françaises de bâtir des stratégies de long terme et d’éviter de se retrouver face à des encours de dettes insolvables ».
Un rapport du Sénat (n° 104 de sa Session ordinaire de 2013-2014) dégage les 10 priorités et les 74 mesures pour « Relancer les relations de la France avec les pays africains qui étaient hier ignorés, aujourd’hui convoités. Ils sont au cœur d’une redistribution des cartes entre anciennes puissances coloniales et nouvelles puissances émergentes. Toutefois « la présence française est en recul dans un continent en essor, p221 ».

Le risque de déclassement se manifeste par un partenariat commercial en perte de vitesse, une communauté française en diminution, une politique d’influence contrariée et une francophonie en difficulté. Dans le contexte stratégique nouveau, le rapport précise qu’« y a pour la France un impératif africain, p.377) » Il s’ensuit alors les 10 priorités et les 74 aucun problème n’est laissé en rade : l’économie, le diplomatique, les institutions et le militaire avec cette proposition de « Maintenir huit points d’appui militaire en Afrique : Abidjan, Dakar, la zone ((Mali, Niger, Burkina‐Faso), Libreville, Ndjamena, Bangui, Djibouti, et l’île de la Réunion. Plus caractéristique est la conclusion « une partie de l’avenir de la France est en Afrique. »

Il apparait alors très clairement les motifs de cette volonté politique des dirigeants français à vouloir exercer un condominium de type néocolonial sur l’Afrique francophone et de s’approprier la tutelle des problèmes sans en avoir la moindre solution.

Cette bousculade a exacerbé le président, ghanéen Nana AKUFO ADDO qui déclare sans ambages ni fioriture lors de la visite du Président E. MACRON le 30 novembre 2017 qu’ « Il est temps que les Africains cessent de conduire leur politique sur la base de ce que soutiennent ou souhaitent les Occidentaux, l’Union européenne ou la France. Ça ne marche pas, ça n’a jamais marché, ça ne marchera jamais… Il est urgent de rompre avec notre mentalité d’assistés et de mendiants éternels ».

I/ LA MACRONIE A–T-ELLE LES MOYENS DE RÉALISER CETTE OPÉRATION DE REMONTADA EN AFRIQUE SUR LE FINANCEMENT ET LE TRAITEMENT DE LA DETTE ?

L’agenda de la Conférence de Paris prévoyait, au tout début, d’analyser les modalités de la relance par la solution de ses deux contraintes majeures : le financement du développement et le traitement de la dette. En bout de course, comme une fuite en avant on lance un appel pathétique à la constitution d’un « New Deal » qui s’inspirerait de la politique révolutionnaire de ROOSEVELT. Pourquoi ce point de chute qui est un énorme aveu d’échec. D’abord, il est compréhensible pourquoi l’impasse sur Plans de relance qui n’ont été nulle part un succès suite à leurs effets secondaires désastreux : addiction au déficit public, syndrome du mammouth (prise de poids administratif), risque d’agressivité (Allemagne, 1933) ou d’inefficacité (Mitterrand, 1982, et Japon, 1992). Ensuite, on sert le New-Deal de Roosevelt véritable politique économique d’inspiration keynésienne qui a permis aux États-Unis de retrouver en 1936 le niveau d’avant la crise de 1929.

Sommairement, cette politique comprend trois volets : (i) arrêter la forte baisse des prix, qui bloque les dépenses bien que ce point fut invalidé par la Cour Suprême en 1935-1936 ; (ii) soutenir les revenus par la création d’un système de retraite et d’assurance chômage et enfin (iii) lancer des grands travaux financés par le déficit budgétaire. Le patronat financier s’était lourdement opposé au New Deal. ROOSVELT leur répondait qu’en développant la sécurité sociale (retraite, chômage), en accroissant les impôts sur les plus riches, en développant la lutte contre la fraude fiscale, en encadrant encore plus les banques et en accroissant les dépenses budgétaires pour soutenir l’emploi, cela permet redémarrer la machine économique. Sa popularité est telle qu’il sera réélu trois fois, mais à peine le temps d’entamer son dernier mandat, il meurt le 12 avril 1945.

Au lieu du New Deal, il aurait été plus judicieux techniquement d’adopter la proposition de Mahamadou ISSOUFOU d’un PLAN MARSHALL pour l’Afrique. Selon lui « un moratoire, et même une annulation des dettes africaines ne suffiront pas à compenser les conséquences de la pandémie. Un Plan MARSHALL serait l’occasion de concrétiser l’engagement de 0,7% du PIB à consacrer à l’Aide publique au développement.
L’appel à la formation d’un New Deal était une bonne digression. C’est Hervé GAYMARD qui nous révèle les vraies raisons de cette Conférence dans son rapport « Relancer la présence économique française en Afrique : l’urgence d’une ambition collective à long terme, 2019 ». Il souligne à l’entame de son étude que celle-ci n’a ni pour objectif ni pour tentation de masquer une réalité, mais de montrer le déclin relatif de la présence économique française sur le continent africain. Ce déclin relatif est très net : les parts de marché de la France en Afrique ont été divisées par deux depuis 2001, de près de 12% à environ 6%, d’après une récente étude menée par trois économistes de la COFACE.

La perte française de parts de marché (de 9,7% à 4%) et les investissements massifs de la Chine depuis les années 2000 plus de 30 milliards d’euros loin devant les États-Unis (3 milliards) ou la France (1,8 milliard) et 55% des créances contre les 7% de la France sont des éléments caractéristiques du recul de la France. De plus, depuis 2017, la Chine est devenue le premier partenaire commercial de l’Afrique : ses exportations vers l’Afrique, qui étaient en 2017 de 68 milliards de dollars, vont progresser deux fois plus vite que ses exportations vers le reste du monde. Cette poussée déclenche des réactions hystériques de diabolisation de la presse et d’une bonne partie de l’élite du pouvoir en France. Ce n’est pas le cas des anciennes puissances coloniales que sont la Grande-Bretagne, la Belgique, le Portugal, l’Allemagne, etc.

C’est dans ce contexte que l’Institut Montaigne, la boîte à idées de la macronie, lance le Rapport « Prêts pour l’Afrique demain » formule plusieurs propositions-chocs qui devraient permettre au Président E. MACRON de réaliser une opération qu’en langage sportif, on appellerait opération “remontada”. Dans ce cadre, les médias mainstream français se lancent dans de vastes opérations de stigmatisation et d’intoxication sur la Chine où les contrevérités et les mensonges sont légion. On peut citer des manipulations totalement loufoques du genre quand la Chine achète des matières premières, on dit qu’elle pille l’Afrique quand c’est une multinationale française ou occidentale qui exploite les mêmes matières premières, on dit qu’elle aide l’Afrique à se développer. Un autre propos ridicule concerne ce que notre docte journalistique appelle le prétendu « piège de la dette chinoise ». Celle-ci est évaluée par l’université John HOPKINS a 114,4 milliards de dollars entre 2000 et 2016 ce qui représentait 18% de la dette totale mondiale. On peut ajouter une autre ineptie concernant l’unique base militaire de Djibouti, présentée comme une volonté chinoise de contrôler cet espace maritime. On camoufle les quatre (4) autres bases étrangères installées par les Occidentaux dans le même pays.

II/ SUR LA QUESTION DU FINANCEMENT : DES PROMESSES À COUP DE MILLIARDS DE DOLLARS, MAIS JAMAIS TENUES

Sur cette question du financement du développement plusieurs rencontres du G20, du Club de Paris et du G7 ont promis une pluie de milliards, depuis le premier texte, la déclaration de MONTERREY sur le financement du développement, en mars 2002, la communauté internationale avait pris de nombreux engagements importants en faveur de l’aide publique au développement (APD) qui devrait augmenter de 12 milliards de dollars US par an jusqu’en 2006. Le texte avait dressé un tableau idyllique du rôle des marchés, des mouvements de capitaux privés ou de la libéralisation du commerce.
Le second texte concerne la Conférence de DOHA qui, sans tirer les leçons des rencontres précédentes, avait mis en évidence en 2008 de nouveaux aspects du financement avec la montée en puissance des pays émergents, à la fois bénéficiaires de l’aide et donateurs, des fonds souverains des pays exportateurs de matières premières, des grandes fondations privées et des fonds mondiaux spécialisés. Aucune avancée effective.

Le troisième texte concerne la troisième Conférence internationale sur le financement du développement tenue à Addis-Abeba en 2015. Elle a eu pour but de trouver les ressources nécessaires pour financer la mise en œuvre des 11 Thématiques, des 17 objectifs de développement durable et des 169 indicateurs des Objectifs du Développement Durable pour éradiquer l’extrême pauvreté. Plutôt que d’établir un budget chiffré des dépenses et de chercher à l’équilibrer, la Conférence avait estimé qu’il est plus utile de se demander quel genre de politique actionnée au niveau national et international pour générer les ressources et les mettre à disposition pour le développement. On peut ajouter d’autres rencontres à KANANASKIS, GREANEAGLE comme disent les wolofs « FOURASS » ou alors « NAKHEMBAY ».

La Revue Alternatives Economiques (Hors- série 2020, Donjon et Dragon), note avec clairvoyance que : « Ceux qui disent qu’il faut investir en Afrique pour freiner l’immigration ne sont pas ceux qui le font. Tandis qu’ils s’enferment dans leur donjon, c’est le dragon chinois qui met la main au portefeuille ». La Chine a investi 31 milliards d’euros en Afrique en 2016, très loin devant les États-Unis (3 milliards d’euros). Pékin est ainsi devenu le premier créancier bilatéral en Afrique subsaharienne, avec 55% des créances totales, loin devant la France avec 7% du total des créances. Un certain nombre de ces prêts sont notamment garantis par la livraison de matières premières.

Malgré la stigmatisation, les analyses péjoratives et les multiples leurres, la Chine est la grande opportunité pour les pays africains. Elle a ramené les investissements occidentaux en Afrique et repositionné l’Inde dans les perspectives économiques et financières du continent (J.J.BOILLOT : Chindiafrique, Odile Jacob). Manifestement (4) quatre composantes décisives charpentent les relations sino-africaines : (i) la Chine est le premier partenaire de l’Afrique dans le domaine des échanges de biens et services, de capitaux et de transfert de technologie pour un niveau appréciable ; (ii) plus de 10000 entreprises interviennent dans beaucoup de secteurs ce qui représente un important potentiel de création de richesses et d’emplois ; (iii) une contribution de taille dans la formation des ressources humaines africaines (capital social) avec un volume d’étudiants d’environ 81.562. Également, la Chine est la deuxième destination d’apprentissage derrière la France avec un effectif de 158.000 en 2017/2018 ; (iv) en termes de soft-power, le continent abrite 54 Instituts CONFICIUS entièrement financés par la Chine (contre 64 Centres culturels français).

Concernant l’endettement, le total des prêts aux États africains consentis par la Chine sur la période 2000-2017 était de 143 milliards de dollars : moins de dix milliards de dollars par an chaque année jusqu’à 2010, puis plus de dix milliards chaque année depuis, avec des pics en 2013 et 2016 (18 puis 30 milliards de dollars). Ces prêts chinois sont octroyés par des acteurs variés : la CHINA ’EXIM BANK chinoise (63 milliards de dollars depuis 2000, et selon un rythme stable autour de 6-9 milliards par an depuis le début des années 2010, la CHINESE DEVELOPMENT BANK (12 milliards de dollars au total, de manière relativement irrégulière, et avec un pic à 4 milliards en 2013 et les autres entités chinoises (notamment les banques commerciales, pour 19 milliards au total, selon un rythme beaucoup plus irrégulier, et avec un pic à 3 milliards en 2010). Les institutions financières chinoises. La CHINA EXIM BANK qui est en passe de devenir la première banque du continent, non seulement elle accorde des prêts à des conditions préférentielles, mais elle négocie aussi des contrats.

Aucune Banque française installée en Afrique n’est en mesure de tenir la moindre compétition. Cela est valable pour les Banques françaises de la zone aucune ne peut accorder un crédit long le cas le plus flagrant est la vente de la CFAO à Toyota et leur participation insignifiante dans le financement des infrastructures pour lesquelles un rapport de la Banque africaine de développement (BAfD) insiste sur le fait que les estimations des besoins annuels de financement se situent entre 130 à 170 milliards de dollars par an.

Qu’en est-il maintenant de l’endettement, du moratoire et de l’annulation de la dette africaine ? En dehors des discours mille fois rabâchés, les creux blablas et les effets d’annonce, rien de nouveau. D’ailleurs, sur ces questions de moratoire et d’annulation, c’est la Chine qui, sans tambour ni trompette, a pris les mesures les plus importantes en annulant les dettes non remboursées liées aux prêts intergouvernementaux sans intérêt arrivant à échéance fin 2018, en faveur des PMA, des pays pauvres très endettés (PPTE), des pays en développement sans littoral (PDSL) et des petits États insulaires en développement (PIED) de l’Afrique qui ont des relations diplomatiques avec elle.
Récemment le président Emmanuel MACRON s’est épanché dans les médias pour déclarer que la France et l’Europe vont annuler massivement les dettes qu’elles ont sur l’Afrique. Mais cela ne concerne qu’une petite partie du fardeau. Car aujourd’hui, la dette privée représente une part importante du total. Les pays africains ayant levé ces dernières années beaucoup de fonds sous forme d’eurobonds, par exemple. Or cette dette privée, souvent morcelée est assez difficile à annuler. C’est pourquoi Guy KASTLER estime que Monsieur le Président faisait preuve de générosité avec l’argent des autres.

Sur la question de la dette, la seule nouveauté dans les propositions est la nouvelle émission de DTS. Cependant, sur cette « trouvaille », le Président Abdoulaye WADE en 2001 avait introduit, au niveau des rencontres avec l’École de Dakar, la proposition d’une émission massive de DTS spécialement destinés pour le financement des besoins du Continent. Aujourd’hui, sur les 650 milliards de dollars émis, la part de l’Afrique est fixée à 34 milliards soit 5% du total. C’est dire que l’émission est faite pour les pays développés. Qu’est-ce qu’ils en feront, quelle clef de répartition ? Quelles modalités d’accès ? Au-delà de ces questions, les spéculations et les surenchères vont bon train.

En ce qui concerne les exportations vers l’Afrique, elles ont progressé deux fois plus vite que les exportations vers le reste du monde (multiplication par 17 en 17 ans, contre une multiplication par 9) bien qu’elles ne représentent qu’une partie encore modeste du commerce extérieur chinois environ 12 fois inférieures aux exportations vers l’Asie-Pacifique (857 milliards de dollars en 2017), 7 fois inférieures aux exportations vers le continent européen (467 milliards) et 7 fois inférieures aux exportations vers les États-Unis (430 milliards).

Malgré les critiques ridicules des médias mainstream occidentaux, la Chine est le seul pays avec lequel la balance commerciale africaine est excédentaire. C’est pourquoi elle fait l’unanimité chez les chefs d’État africains pour trois raisons : ils ne posent pas de conditions politiques, ils engagent de gros volumes d’investissement (qui permettent de créer des infrastructures) et assurer un déblocage de fonds rapide. L’avantage compétitif est clairement souligné par le président Abdoulaye Wade lorsqu’il déclare en 2007 : « Lorsque je veux construire une autoroute, il me faut cinq ans pour conclure avec la Banque mondiale. Avec la Chine, c’est réglé en quelques jours : je dis oui ou non, et je signe. »

III/ PARADOXALEMENT LE TROP BESOIN DE L’ARGENT DES AUTRES ALORS QUE L’AFRIQUE PEUT FINANCER SON DÉVELOPPEMENT SUR SES PROPRES RESSOURCES : L’EXEMPLE DE J.T.MAGUFULI

Beaucoup de décideurs africains et certaines institutions internationales (OCDE) établissent qu’ « Aucun pays ne s’est développé par l’extérieur ». Le Président rwandais Paul KAGAME l’a récemment répété, bien après le Président Julius K.NYERERE qui soulignait dans la déclaration d’Arusha en 1967, les points suivants : 1°)) Suivre la voie du socialisme enraciné dans la société africaine et son esprit communautaire ; 2°) Prendre l’agriculture comme base du développement ; 3°) Amener le peuple à compter sur lui-même et sur son travail (le travail considéré comme la racine du développement) ; 4°) Construire un développement qui assure l’égalité entre les citoyens et 5°) Ne pas attendre l’argent des autres. Cette orientation a été adoptée par John Pombe MAGUFULI, le bull-dozer, qui déclarait « Notre père fondateur n’était pas quelqu’un à qui on peut dire ce qu’il faut faire, il rejetait les conseils venant des nations occidentales ». Conséquence de cette inspiration, il a mobilisé toutes les ressources financières de son pays pour construire de grands projets d’infrastructure (création de voies ferrées reliant le pays à ses voisins, expansion des autoroutes, mise en place de système de transports rapides par bus). De grandes mesures sociales pour réduire la pauvreté et les précarités notamment le logement social ; il répétait sans cesse « je sais ce que veut dire la pauvreté, mon origine modeste m’a inspiré le désire de travailler pour la population de Tanzanie ». Il a réduit de manière drastique le train de vie de l’État en commençant par diminuer son salaire de moitié, en redressant la fiscalité, en renégociant les contrats miniers avec des redressements fiscaux lourds pour des multinationales. N’a jamais fait de visite et autres déplacements en Europe durant tout son mandat.

Comment le faire sur le financement endogène ?

Sur le financement endogène de l’économie nationale, la question centrale demeure comment irradier l’économie par mobilisation de de flux financiers qui permettent aux acteurs d’entreprendre. Cela appelle 4 volets : (i) la réforme de la systèmie bancaire et financière avec une meilleure mobilisation et utilisation de l’épargne (ii) la réforme profonde du système fiscal et la lutte contre les multiples évasions (iii) la lutte contre les capitaux enfuis et (iv) une utilisation productive des envois de fonds des diasporas. Dans mes deux ouvrages sur « l’industrialisation africaine est possible, Harmattan et le Secteur privé sénégalais jambe faible de l’Émergence, Harmattan).

Sur le premier volet, il est sans doute difficile et très compliqué de réformer la systémie bancaire et financière. Toutefois, quatre actions sont à la portée des gouvernements :
• créer, par-delà les structures de la Banque centrale, de solides instruments de régulation bancaire et financière,
• encourager et favoriser la diversification et une plus grande spécialisation du tissu bancaire,
• améliorer et appuyer le système bancaire de proximité c’est-à-dire le système financier décentralisé afin qu’il puisse mobiliser plus de ressources pour en fournir plus,
• et offrir des produits diversifiés aux PME/PMI et TPE et exploiter avec un management rigoureusement professionnel les possibilités des fonds souverains.

Sur ce premier volet, il faut créer un marché financier actif et ouvert à tous les cadres et à tous les petits épargnants, pour que tous les entreprenants du pays se sentent partie prenante à la croissance économique qui doit être généralisée et non plus réservée à une oligarchie politique ou parentale, ethnique ou de copinage. Ce n’est qu’à ce prix que l’économie nationale fera des bonds en avant et contribuera à la solution du chômage et de la pauvreté.

Le second volet concerne la mobilisation de l’épargne intérieure publique et privée. Deux sources internes de financement doivent permettre de sortir de ces préjugés, il s’agit d’une part, de la mobilisation de l’épargne des individus et des sociétés privées intérieures, qui sont des ressources que le secteur financier transforme en investissement productif et d’autre part, de la mobilisation de l’épargne publique pouvant provenir de trois sources l’excédent des recettes sur les dépenses publiques, l’emprunt à travers l’émission de bons du Trésor et le don à travers l’altruisme.

Dans une analyse globale de l’épargne dans l’ensemble des pays en développement, elle est chiffrée par Elias GANNAGE entre 15 et 20% du PNB. La source dont l’apport est le plus important est l’épargne des sociétés constituée par les provisions pour dépréciation et par les bénéfices non distribués. Pour mobiliser cette épargne, il faut mettre en place un cadre national favorable et indispensable pour canaliser ces ressources nationales. Cela demande de profondes réformes des systèmes financiers afin que les ménages, les individus et les diverses catégories d’entrepreneurs privés puissent s’adresser à une institution financière adaptée à ses besoins de croissance ou de diversification. C’est dire qu’il faut briser le cloisonnement de l’économie entre, d’une part, le secteur informel de la débrouillardise et d’autre part, le secteur dit structuré qui se confinerait dans des activités dites modernes. Ce décloisonnement entrainerait une nouvelle dynamique du système financier à même de capter la moindre épargne. Il faut aussi créer un marché financier actif et ouvert aux classes moyennes et à tous les petits épargnants de la nation.

En ce qui concerne l’épargne publique, elle est fonction des recettes fiscales de l’État, mais aussi de la dépense publique (dont ressort le train de vie de l’État) qui est souvent sous la haute surveillance des institutions financières internationales. Selon les données 2012 des Perspectives économiques en Afrique, les recettes fiscales collectées entre 2000 et 2010 ont augmenté, de 141 à 416.3 milliards USD, représentant une part moyenne non pondérée de 20.3 % du PIB. En 2010, le montant des impôts a été plus de huit fois supérieur au volume d’APD allouée à l’Afrique. C’est dire que la fiscalité est une source essentielle de financement du développement et elle est la clé de la construction d’États aptes à remplir leurs missions.

À court terme, l’assiette doit être élargie en réduisant les privilèges fiscaux et en négociant une fiscalité plus équitable avec les multinationales ». Les pertes sont estimées entre 300 à 500 milliards de francs CFA comme l’avait établi une étude du Conseil Economique et Social.

En effet, les pratiques d’érosion de la base d’imposition et de transfert indirect de bénéfices des entreprises multinationales font perdre aux États entre 100 et 240 milliards de dollars de recettes fiscales, soit l’équivalent de 4 à 10% du montant des recettes tirées de l’impôt sur les sociétés à l’échelle mondiale. En prenant le cas du Sénégal, le Coordonnateur de la Direction Générale des Impôts et des Domaines (DGID), observe que « L’érosion des bases d’imposition et le transfert indirect des bénéfices constituent un obstacle qui obère considérablement toute perspective d’amélioration des recettes de nos États qui doivent faire face aux besoins de plus en plus croissants des populations » et aux exigences de prise en charge des questions de développement.

Les pays africains doivent mieux faire en réformant leur système fiscal, en renforçant leur administration fiscale, en incitant leurs opérateurs du secteur informel à se formaliser et en élargissant leur assiette fiscale par sa numérisation et la mise en œuvre de mesures issues du projet BEPS (Érosion de la base d’imposition et transfert de bénéfices, lancé par l’OCDE, Cadre inclusif sur le BEPS.) visant à faire en sorte que les règles de fiscalité internationale ne facilitent pas le transfert des bénéfices d’entreprises hors du pays où les activités économiques réelles se déroulent et où a lieu la création de valeur.

Le troisième volet est relatif à la fuite des capitaux, elle est estimée à plus de 1000 milliards de CFA au Sénégal

Les capitaux enfuis constituent des pertes énormes de ressources financières. Selon deux chercheurs, Léonce NDIKUMANA et James K. BOYCE (New Estimates of Capital Flight from Sub-Saharan African Countries, October 2007), les fuites de capitaux dont a été victime l’Afrique subsaharienne entre 1970 et 2004 s’élèvent au total à 341,6 milliards de dollars (en dollars de 2004). Si l’on inclut les intérêts rapportés par ces placements, les 40 pays couverts par cette étude ont souffert d’un manque à gagner sur la période de 476 milliards de dollars, soit le double de leur stock de dettes extérieures. Les auteurs montrent, par ailleurs, que les fuites de capitaux sont étroitement corrélées à l’endettement extérieur : pour chaque euro emprunté, en moyenne 60 centimes repartent à l’étranger, dès la première année.

En conclusion, l’Afrique est revenue, aujourd’hui, au cœur des enjeux géopolitiques d’un monde qui prend une claire conscience de ses atouts : d’abord un stock immense de matières premières objet d’une vive compétition, une dynamique démographique avec 1 milliard d’habitants, une urbanisation accélérée avec une classe moyenne en augmentation soutenue qui crée un marché interne, une croissance économique qui frise le taux de 7% .alors même que l’Occident est plongé dans une sévère récession. Les systèmes politiques et économiques connaissent une relative stabilité. Dans ce contexte, toutes les prévisions établissent que la prochaine décennie serait celle de l’émergence du continent. Elle doit être celle de l’industrialisation du Continent qui est la condition première du développement. Cette embellie doit être mise à profit pour approfondir et élargir l’industrialisation dont les principaux paramètres se mettent progressivement en place : les projets, les entrepreneurs, les capitaux et les ressources humaines.

Les gouvernements africains ont tendance à mettre l’accent sur l’allocation des ressources plutôt que sur leur mobilisation dans la conduite de la politique industrielle. Ils doivent la renforcer recourant à l’épargne intérieure, en empruntant auprès des institutions de financement du développement et des fonds souverains, en favorisant les Investissements étrangers directs (IDE), en tirant parti des nouvelles sources de financement de la coopération Sud-Sud, en utilisant de façon efficiente les transferts de la diaspora, en encourageant les partenaires traditionnels à accroitre l’Aide publique au développement (APD) et en luttant pour limiter les capitaux enfuis et travailler plus positivement à leur retour.

Dans cette direction, il importe de mettre en œuvre, voire consolider un environnement macro-économique stable se caractérisant par un niveau faible et constant de l’inflation, un déficit budgétaire soutenable, un taux de change adéquat, un encours de la dette supportable et un système bancaire efficace. Un tel environnement constitue le gage d’une crédibilité et d’une meilleure lisibilité de la politique économique sur la base de laquelle les agents formulent leurs anticipations. Il facilite les décisions d’investissement et de planification, encourage l’épargne et l’accumulation privée du capital et sécurise les investisseurs étrangers. Au Sénégal les transferts de fonds

Le quatrième volet concerne les transferts financiers des migrants, les investissements directs étrangers et l’aide publique au développement. Pour le Sénégal, les transferts de fonds effectués par les circuits formels sont estimés à 700 milliards de francs CFA en 2011 soit plus de 10% du PIB. Quelques exemples méritent d’être soulignés : au Maroc, ces envois de fonds constituent 637 % de l’IDE et 452 % de l’APD, en Égypte, 467 % de l’IDE et 225 % de l’APD, au Cap-Vert 929 % de l’IDE et 103 % de l’APD. Globalement, ces envois de fonds évoluent entre 9 % à 24 % du PIB et 80 % à 750 % de l’APD. Suite à la crise, ces transferts ont beaucoup décliné, en pourcentage du PIB, au Liberia (3.1 %), au Soudan (1.5 %), au Cap-Vert (1 %), au Sénégal (0.9 %), au Maroc (0.7 %), en Égypte (0.6 %) et en Éthiopie (0.5 %). Ces transferts des africains du continent équivalent 2,5 fois le montant des capitaux privés investis et constituent l’une des principales sources financières des pays en développement. Ils ont été d’un apport déterminant en Chine où les diasporas ont joué une partition extrêmement appréciable dans le financement du développement et de l’industrialisation.

Selon une étude de la Banque Africaine de Développement, en 2007 leur montant est estimé à plus de 320 milliards de dollars. Certaines études empiriques établissent que les envois de fonds effectués par le biais des canaux informels pourraient représenter au moins la moitié de ce montant estimatif officiel. Ce faisant, ils sont pour de nombreux pays africains la source principale et la plus stable de flux de capitaux. En 2007, on évaluait à quelque 125 millions le nombre de travailleurs migrants qui aident de la sorte 500 millions de personnes, membres de leurs familles restés dans leur pays d’origine (« L’approche de la Banque en matière de transferts de fonds des migrants).

En définitive, les pays souvent anglophones que nous ne trouvons pas dans les piailleries de l’endettement ont profondément réformé leur systémie bancaire et financière des politiques monétaires souveraines le Maroc, l’Afrique du Sud, le Ghana, le Kenya et le Nigéria. C’est ainsi qu’en l’Afrique de l’Ouest francophone (UEMOA), les bilans bancaires – en forte expansion ces dernières années – se répartissent en trois tiers environ, entre actifs détenus par des banques françaises, actifs détenus par des banques locales ou panafricaines (hors Maroc), et actifs détenus par des banques marocaines. Or, conséquences d’un tel état de fait excèdent le secteur bancaire, ce dernier étant susceptible d’exercer un effet de traction : une présence bancaire en croissance – par exemple des banques marocaines en Côte d’Ivoire – signifie l’élargissement du portefeuille de contreparties connues, susceptibles d’être financées sur la durée, et de s’internationaliser à leur tour, en s’appuyant sur des banques panafricaines. L’émergence de tels concurrents économiques panafricains

EN CONCLUSION : POURQUOI LES CHEFS D’ÉTAT AFRICAINS ET LES ÉLITES QUI LES ENCADRENT SE LAISSENT PIÉGER PAR LA FRANCAFRIQUE ?
Une arnaque pour certains, une duperie pour d’autres constituent les titres des grands médias africains souvent mécontents de leurs dirigeants qui se mettent dans une servitude quasi volontaire. Une présentatrice de TV outrée a lancé « ils ne sont pas garçons !!!!!! ».

Si nous voulons nous sauver sortir de l’enfermement, du jeu de miroir stupide, pervers et stérile dans lequel la France Afrique de MACRON veut nous maintenir. Il faut en sortir et regarder ce que font les autres pays qui ont été colonisés comme nous : l’empire Japon a été assiégé pendant 3 ans par l’Amérique, il s’est industrialisé 5O ans après celle MEHEMETt ALI en Égypte, l’Allemagne rurale s’est industrialisée avec la révolution de BISMARCK pour devenir la première puissance industrielle d’Europe, la Chine dépecée par une colonisation collective est en voie de devenir la première puissance industrielle du monde.

Regardons dans quel état se trouve le continent. Malgré les grandes dotations factorielles naturelles, les nombreux IDE, le volume impressionnant des envois de la diaspora, les amples emprunts extérieurs, les diverses aides publiques et autres donations, l’Afrique bat les records mondiaux de toutes les précarités sociales (inégalités, chômage, maladies, etc.). Il faut construire nos sociétés en nous appropriant la science et la technologie avec des dirigeants qui résistent aux problématiques néolibérales que tentent de nous imposer l’Europe et toutes les puissances hégémoniques. Mettons nos dirigeants et toute notre élite intellectuelle, politique et administrative face à leurs responsabilités d’avoir de la dignité sociale et de s’engager résolument dans l’édification de sociétés débarrasser des agenouillements et des relents de dépendance…

TOUBA, LE 07 JUIN 2021

Par Pr. Moustapha Kassé, Doyen Honoraire Faculté des Sciences Economiques et de Gestion, Membre des Académies de Sciences et Technique