Vatican: Un cardinal au cœur d’un grand procès financier

 

 

Un cardinal au cœur d’un procès financier, du jamais-vu au Vatican: le Saint-Siège a annoncé, samedi, le renvoi devant son Tribunal pénal de dix personnes, dont l’influent Angelo Becciu, impliquées dans l’affaire du financement opaque, via des hommes d’affaires italiens, d’un immeuble de luxe à Londres.

Le cardinal Becciu, 73 ans, qui fut un proche collaborateur du pape, comparaîtra avec ses coprévenus devant le tribunal du Vatican à partir du 27 juillet. Il est poursuivi pour détournement de fonds, abus de pouvoir et subornation de témoin dans ce dossier, dont les premiers éléments ont commencé à paraître dans la presse italienne en septembre 2020, quand le pape François l’avait démis de ses fonctions.

Un Suisse doit répondre d’abus de pouvoir

Dans un communiqué publié samedi par son entourage, le cardinal s’est dit «victime d’un complot» et a protesté de son «innocence absolue». Affirmant avoir été cloué au «pilori médiatique», il s’est dit pressé de s’expliquer. Angelo Becciu était numéro deux de la Secrétairerie d’État, l’administration centrale du Saint-Siège, lorsque la procédure d’achat de l’immeuble londonien avait commencé, en 2014.

Parmi les autres prévenus, le Suisse René Brülhart, ancien président de l’Autorité d’information financière (AIF), le gendarme financier du Vatican, doit répondre d’abus de pouvoir. Sera également jugé pour extorsion et abus de pouvoir Mgr Enrico Crasso, ancien gestionnaire du patrimoine réservé de la Secrétairie d’État, une manne de plusieurs centaines de millions d’euros provenant en grande partie de «l’obole de Saint-Pierre», autrement dit les dons des particuliers au Vatican.

Cinquante appartements de luxe

Les autres mis en cause sont un ancien directeur de l’AIF, une jeune consultante italienne qui s’était vu confier un demi-million d’euros par la secrétairerie d’État sur un compte en Slovénie, un investisseur, un avocat, un ancien haut fonctionnaire laïc du Vatican et un courtier arrêté en mai dernier à Londres.

L’investissement au cœur du scandale est un immeuble dans le chic quartier londonien de Chelsea, sur Sloane Avenue, 17.000 m2 transformés en une cinquantaine d’appartements de luxe. Une première participation avait été prise dans le projet en 2014, via un fonds luxembourgeois géré par la holding de l’investisseur incriminé.

Prix de l’immeuble surévalué

La gestion financière opaque, via la Suisse et le Luxembourg, avait incité le Vatican, quatre ans plus tard, à y mettre fin en rachetant l’ensemble de l’immeuble londonien. Le prix de l’immeuble était très surévalué, les intermédiaires gourmands et des sommes considérables sont parties en fumée. Avec d’autres placements hasardeux, le préjudice pour le Vatican se monterait à plusieurs centaines de millions d’euros, selon la presse italienne.

En novembre 2019, le pape François avait reconnu devant la presse l’existence d’un «scandale» de corruption au sein du Vatican. «On a fait des choses qui n’étaient pas propres», avait regretté le souverain pontife. Le procès de l’immeuble londonien «est directement lié aux directives et à la réforme» du pape François «en faveur de la transparence et la consolidation des finances vaticanes», a souligné le Saint-Siège.

François, pour mettre de l’ordre

Le pape argentin avait été élu en 2013, pour notamment mettre de l’ordre dans les finances vaticanes, une réforme ardue qui a rencontré de la résistance au sein de certains «dicastères» gérants des fonds de manière très autonome et peu transparente. En 2017, il constatait que «réformer» la Curie romaine (gouvernement du Vatican) revenait à «nettoyer le sphinx d’Égypte avec une brosse à dents».

À cet effet, il a créé le tout-puissant Secrétariat à l’économie en 2014, assaini la jadis sulfureuse banque du Vatican, où 5000 comptes suspects ont été fermés en 2015, encadré les appels d’offres pour ses dépenses internes et confié à l’Administration du patrimoine du siège apostolique la gestion des budgets des nombreuses administrations du Vatican.

(AFP)