Pegasus: Emmanuel Macron dans les cibles potentielles du logiciel espion.

 

 

Le président Macron a-t-il été espionné par une puissance étrangère? La question se pose après la révélation mardi que le chef de l’État et des membres du gouvernement figurent sur la liste des cibles potentielles du logiciel Pegasus, utilisé par certains États pour espionner des personnalités. Le «Monde» et Radio France, qui font partie du consortium de 17 médias ayant eu accès à cette liste obtenue par le réseau de journalistes Forbidden Stories et l’ONG Amnesty International, ont révélé mardi que ces numéros, dont celui de l’ancien Premier ministre Édouard Philippe et de 14 membres du gouvernement, figurent «dans la liste des numéros sélectionnés par un service de sécurité de l’État marocain, utilisateur du logiciel espion Pegasus, pour un potentiel piratage».

Le président Emmanuel Macron a réuni jeudi matin un conseil de défense «exceptionnel dédié à l’affaire Pegasus et à la question de la cybersécurité», a annoncé le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal. «Le président de la République suit au plus près ce dossier et prend cette affaire très au sérieux», a-t-il souligné sur France Inter, en rappelant que la France poursuivait ses investigations après les révélations sur la présence des téléphones d’Emmanuel Macron parmi les cibles potentielles du logiciel espion.

Une source sécuritaire avait assuré à l’AFP mercredi que, pour les téléphones portables d’Emmanuel Macron, «les paramètres de sécurité sont les plus restrictifs possibles et les installations d’applications et téléchargements sont bloquées.» «C’est une affaire qui, si ce qui a été révélé par Radio France (et le journal Le Monde) est confirmé et avéré, est très grave», a redit jeudi Gabriel Attal. «Les téléphones du président sont changés régulièrement. Il y a un certain nombre de paramètres de sécurité qui protègent, qui sont changés très régulièrement. Il y a des protections qui sont faites», a assuré le porte-parole, interrogé sur une possible négligence au sommet de l’État.

Israël ouvre une enquête parlementaire

Le Parlement israélien a mis en place une commission pour enquêter sur des allégations selon lesquelles le logiciel d’espionnage Pegasus a été utilisé à «mauvais escient» par certains États pour espionner des personnalités, a indiqué jeudi un député israélien.

Le logiciel Pegasus, conçu par la société israélienne de cybersécurité NSO, est au cœur d’un scandale mondial d’espionnage qui a poussé l’ONG Reporters sans frontières à réclamer un moratoire sur ses ventes, et la chancelière allemande Angela Merkel, notamment, à demander plus de restrictions sur la vente de ces systèmes.

Jeudi, Shalev Hulio, le PDG du groupe a dénoncé dans un entretien à la radio de l’armée, une tentative de «salir l’ensemble de la cyberindustrie israélienne» et s’est dit «très favorable» à une enquête pour «blanchir» sa société. Permettant d’infiltrer des systèmes informatiques, Pegasus est considéré comme un produit de cybersécurité offensif et doit donc obtenir le feu vert du ministère israélien de la Défense pour être vendu à des pays tiers, au même titre qu’une arme. Le groupe affirme avoir vendu Pegasus à plus d’une quarantaine de pays, chaque fois avec l’accord des autorités israéliennes.

Le Maroc conteste son implication dans cette affaire d’espionnage. «On a trouvé ces numéros de téléphone, mais on n’a pas pu faire d’enquête technique évidemment sur le téléphone d’Emmanuel Macron» pour vérifier s’il a été infecté par ce logiciel, et donc «cela ne nous dit pas si le président a été réellement espionné», a expliqué le directeur de Forbidden Stories Laurent Richard sur la chaîne d’info LCI. Mais selon lui, que le président ait été ou non espionné, cela «montre en tout cas qu’il y a eu un intérêt de le faire». «Si les faits sont avérés, ils sont évidemment très graves. Toute la lumière sera faite sur ces révélations de presse», a réagi la présidence, interrogée par l’AFP pour savoir si le chef de l’État avait été «potentiellement espionné» via Pegasus.

Forbidden Stories et Amnesty International ont obtenu une liste de 50’000 numéros de téléphone sélectionnés depuis 2016 par les clients de l’entreprise israélienne NSO (qui commercialise Pegasus) pour une surveillance potentielle et l’ont partagée avec un consortium de 17 médias qui ont révélé son existence dimanche.

Un roi et trois présidents

Selon Radio France et «Le Monde», outre Édouard Philippe et son épouse, des ministres de premier plan, à l’époque où leurs numéros ont été sélectionnés, figurent sur cette liste, dont Jean-Yves Le Drian, Christophe Castaner, Gérald Darmanin, Bruno Le Maire ou François de Rugy. Mais aussi des parlementaires et responsables politiques comme François Bayrou, du MoDem, le député de La France Insoumise Adrien Quatennens ou Gilles Le Gendre (LREM). «Quatennens, coordinateur du mouvement insoumis, espionné dans ses contacts avec toute la France Insoumise. Par une entreprise israélienne avec accord du gouvernement d’Israël et conseillée par un ancien ambassadeur de France en Israël. Quelle réplique prévoit Macron, lui aussi espionné?» a demandé le chef de LFI Jean-Luc Mélenchon dans la soirée.

Interrogé par les députés sur la présence de journalistes et politiques français dans la liste Pegasus, le Premier ministre Jean Castex avait auparavant indiqué que des investigations étaient en cours pour vérifier «la matérialité» des faits allégués mais que, pour l’heure, les investigations n’avaient «pas abouti». Le président français n’est pas le seul chef d’État dont le téléphone ait peut-être été espionné via Pegasus. Selon Radio France, le roi du Maroc Mohammed VI et son entourage «sont sur la liste des cibles potentielles», et d’après le Washington Post, autre membre du consortium de médias enquêtant sur cette affaire, elle contient des numéros de deux autres présidents, l’Irakien Barham Saleh et le Sud-Africain Cyril Ramaphosa.

Le «Washington Post» avance également les noms de trois Premiers ministres en exercice, ceux du Pakistan, Imran Khan, de l’Égypte, Mostafa Madbouli, et du Maroc, Saad-Eddine El Othmani, et d’un total de sept Premiers ministres au moment où ils ont été sélectionnés sur la liste, dont le Libanais Saad Hariri, l’Ougandais Ruhakana Rugunda, et le Belge Charles Michel.

Interrogé sur franceinfo, François de Rugy a exigé que «le Maroc fournisse des explications à la France, au gouvernement français et à une personnalité comme moi qui étais membre du gouvernement français lorsqu’il y a eu une tentative d’intrusion et de captation des données de mon téléphone portable», tandis que Gilles Le Gendre a dénoncé sur Twitter «l’extrême gravité de cet espionnage à grande échelle» révélé par le quotidien. Avant même que ces nouvelles informations n’aient été dévoilées, la justice française a ouvert une enquête mardi pour examiner la plainte de journalistes qui auraient également été ciblés par le Maroc à l’aide de Pegasus, selon le consortium.

L’Arabie saoudite dément les accusations d’espionnage

L’Arabie saoudite a démenti les accusations «infondées» d’espionnage après la publication d’une enquête choc affirmant que plusieurs pays avaient utilisé le logiciel israélien Pegasus pour surveiller notamment des journalistes et militants des droits humains. «Un responsable a démenti les allégations parues dans la presse selon lesquelles une entité du royaume aurait utilisé un logiciel pour surveiller les communications», a indiqué l’agence de presse officielle SPA dans la nuit de mercredi à jeudi, sans préciser le nom du logiciel en question. Selon cette source, dont ni le nom ni le statut n’ont été précisés, «ces allégations sont infondées», et l’Arabie saoudite «n’approuve pas ce genre de pratiques», a ajouté SPA.

L’Arabie saoudite figure parmi les pays où le logiciel Pegasus aurait été utilisé pour surveiller des journalistes, hommes et femmes politiques, militants des droits humains ou encore chefs d’entreprise, d’après une enquête publiée la semaine dernière par un consortium de 17 médias internationaux, parmi lesquels les quotidiens français» Le Monde», britannique «The Guardian» et américain «The Washington Post».

(AFP)