ÉTAT DE RÉSIGNATION

 

« Le monde est une comédie pour celui qui pense et une tragédie pour celui qui sent ».

 

Dès 1769, l’écrivain Britannique Horace Walpole lançait un avertissement fracassant quant à nos vulnérabilités. Lucide mais alarmiste, le philosophe Français Paul Valéry était dans le même état de résignation deux siècles plus tard quand il prévenait que « nous autres civilisations, savons maintenant que nous sommes mortelles. » La nature reprend toujours ses droits. Virus, bactéries, variants, pandémies prennent leurs aises. Se promènent comme poissons dans l’eau. Tout être bien portant est donc un malade qui s’ignore.

En dépit des progrès techniques et scientifiques retentissants et de toutes les capacités d’innovation pour lesquelles l’homme a fait preuve d’une grande compétence, nous sommes plus que jamais à portée de microbes. La mise au point de vaccins et molécules avec une telle célérité charrie espérances comme appréhensions. Les rangs de ceux qui voient la bouteille à moitié remplie s’agrandissent. La seule arme à portée de mains protège, immunise et sauve. Quoiqu’experimentale, si l’on suit le regard des antivax en passe de perdre la bataille de la communication. 4ème lettre de l’alphabet grec, Delta nous en met plein la figure.

La poussée épidémique du variant glace le sang. Et sonne le tocsin. En une semaine, près de 100.000 Sénégalais se sont rués dans les vaccinodromes. 1318 morts depuis le début. Avec un sévère coup d’accélérateur ces derniers jours. Les nécropoles grouillent de monde. Il faut féliciter les Sénégalais qui font une prise de conscience et ne pas délivrer de leçons à leur endroit. Dans la confusion générale, le principe de précaution est une nécessité. Faisant la ronde des centres de traitement, quelque peu sur le tard certes, le Président de la République a loué l’engagement des soignants, en première ligne, prêts à donner leur corps à la science.

La guerre sanitaire aura englouti 130 milliards en 16 mois. Le bien-être de la population n’a pas de prix. C’est la prunelle des yeux. Mais gare au Tonneau des Danaïdes. Tous hypocondriaques. Mais la peur, ça empêche de vivre, pas de mourir.

Abordons alors la mise à jour opérée au Conseil constitutionnel. Les sept sages sont enfin réunis. Le Conseil avait-il la lattitude de délibérer en l’absence de trois juges ? Selon le bord où l’on se place, chacun voit midi à sa porte.

Autre reconfiguration, la révision des listes électorales pour les primo-votants. Du 31 juillet au 14 septembre, pas moins d’un million de jeunes ayant 18 ans révolus au 23 janvier 2022 sont autorisés à s’inscrire. Un poids électoral susceptible de faire pencher la balance aux prochaines élections, si jamais elles ont lieu. La jeunesse a-t-elle perdu la boussole ? Chaque génération est un nouveau peuple. Tous ces écoliers coupables d’incivilités et de dégradations ont vocation à être corrigés et punis de façon exemplaire. Sans aucune faiblesse, la main du gouverneur de Dakar n’a pas tremblé. Face à la crise sanitaire, les combats de lutte sont superfétatoires.

Chaque énergie doit être engagée dans la grande cause. En matière de sport, les arrangements sur tapis vert pompeusement appelés consensus font le lit des échecs et fiascos ultérieurs et sûrement pas le terreau des performances futures. Nos instances meurent d’absence de clarté et de conviction. Jolie performance par contre au Petit Palais d’Abidjan le 27 juillet. « Laurent est mon jeune frère et ami », dit Ouattara. « On s’est parlés amicalement », a répondu, sourire aux lèvres, Gbagbo. Un ami est un parent choisi. Belle leçon de dépassement et d’humilité. Humilité, humanité et humus qui renvoie à la terre, sont de la même famille. Il ne faut jamais quitter le sol. À défaut, la mélancolie, la comédie, la tragédie que l’on sème. Pour reprendre le célèbre Horace Walpole.

 

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