Afghanistan: Premiers morts parmi la foule à l’extérieur de l’aéroport de Kaboul

 

Le chaos qui règne à l’aéroport de Kaboul, où des milliers d’Afghans tentent désespérément de monter dans un avion pour fuir le pays, a provoqué ses premiers morts samedi, au moment où la direction des talibans se réunissait pour définir les contours d’un gouvernement «inclusif».

Des images tournées par la chaîne d’information britannique Sky News montrent les corps d’au moins trois personnes, vraisemblablement écrasées par la foule qui se presse contre les portes de l’aéroport, prises entre les soldats américains d’un côté et les combattants islamistes de l’autre.

Les personnes à l’avant de la foule ont été «écrasées» et les médecins se sont précipités d’un blessé à l’autre, a dit Stuart Ramsay, journaliste de cette chaîne d’information britannique qui se trouvait à l’aéroport. Les images montrent aussi de nombreux blessés.

Samedi, les routes menant à l’aéroport de Kaboul continuaient d’être congestionnées. Des milliers de familles se massaient encore devant l’aérodrome, espérant monter par miracle dans un avion. Devant elles, des militaires américains et une brigade des forces spéciales afghanes se tenaient aux aguets pour les dissuader d’envahir les lieux.

«Potentielles menaces»

Derrière eux, des talibans, désormais accusés de traquer des Afghans ayant travaillé pour l’Otan pour les arrêter et de restreindre l’accès à l’aéroport qu’ils souhaitent quitter à tout prix, observaient la scène. Samedi, l’ambassade américaine à Kaboul a appelé ses ressortissants à éviter de s’approcher de l’aéroport pour cause de «potentielles menaces de sécurité».

«Nous conseillons aux citoyens américains d’éviter de se déplacer vers l’aéroport et d’éviter les portes de l’aéroport pour le moment, à moins que vous ne receviez des instructions individuelles d’un représentant du gouvernement américain pour ce faire», détaille le bulletin publié sur le site internet de l’ambassade.

Pour le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell, il va être «impossible» d’évacuer tous les collaborateurs afghans des pouvoirs occidentaux avant le 31 août. L’administration américaine a fixé à cette date le retrait définitif de ses forces d’Afghanistan, et espère évacuer d’ici là tous les Américains (entre 10’000 et 15’000 personnes), et faire de même pour leurs alliés Afghans et leurs familles (entre 50’000 et 65’000 personnes).

«Nous nous battons à la fois contre le temps et l’espace», a reconnu samedi le porte-parole du Pentagone, John Kirby. Depuis le 14 août, quelque 17’000 personnes ont été évacuées par les Etats-Unis, dont 2.500 Américains. Des milliers d’autres ont été exfiltrées à bord d’avions militaires étrangers.

«Gouvernement inclusif»?

Pendant que les évacuations se poursuivent, le cofondateur et numéro deux des talibans, Abdul Ghani Baradar, est arrivé samedi à Kaboul après avoir passé deux jours à Kandahar, berceau du mouvement. Ce mollah, qui dirigeait jusque là le bureau politique des talibans au Qatar, va «rencontrer des responsables jihadistes et des responsables politiques pour l’établissement d’un gouvernement inclusif», a déclaré à l’AFP un haut responsable taliban.

D’autres dirigeants du mouvement ont été aperçus dans la capitale afghane ces derniers jours, dont Khalil Haqqani, l’un des terroristes les plus recherchés au monde par les Etats-Unis, qui ont promis une récompense de 5 millions de dollars (4,6 millions de francs) contre des informations permettant sa capture.

Des réseaux sociaux pro-talibans ont montré Khalil Haqqani rencontrant Gulbuddin Hekmatyar, considéré comme l’un des chefs de guerre les plus cruels du pays pour avoir notamment bombardé Kaboul durant la guerre civile (1992-96). Gulbuddin Hekmatyar, surnommé «le boucher de Kaboul», était un rival des talibans avant que ceux-ci ne prennent le pouvoir entre 1996 et 2001.

Ces mêmes réseaux ont annoncé quelques heures plus tard «l’allégeance» à leur mouvement d’Ahmad Massoud, le fils du défunt commandant Ahmad Shah Massoud, connu pour son opposition au groupe fondamentaliste. Ahmad Massoud, qui plus tôt cette semaine avait demandé des armes aux Etats-Unis pour se défendre contre le nouveau pouvoir dans sa vallée du Panchir au nord-est de Kaboul, n’a pas officiellement réagi à ces allégations.

Règne «différent»

Depuis l’arrivée d’Abdul Ghani Baradar sur le sol afghan, les talibans ont assuré que leur règne serait «différent» du précédent (1996-2001), marqué par son extrême cruauté notamment à l’égard des femmes. Ils ont répété vouloir former un gouvernement «inclusif», sans toutefois l’expliciter.

Les talibans ont dit vouloir établir de «bonnes relations diplomatiques» avec tous les pays, mais prévenu qu’ils ne feraient aucun compromis sur leurs principes religieux. La Chine, la Russie, la Turquie et l’Iran ont émis des signaux d’ouverture, les pays occidentaux restant méfiants.

L’ancien Premier ministre britannique Tony Blair, qui a engagé la Grande-Bretagne dans la guerre en Afghanistan en 2001 aux côtés des Etats-Unis, a critiqué samedi «l’abandon» du pays par les Occidentaux, qu’il a jugé «dangereux et inutile». Le président turc Recep Tayyip Erdogan a quant à lui averti samedi que son pays ne pourrait supporter «un fardeau migratoire supplémentaire» provenant de l’Afghanistan.

«Une nouvelle vague migratoire est inévitable si les mesures nécessaires ne sont pas prises en Afghanistan et en Iran. La Turquie, qui accueille déjà 5 millions de réfugiés, ne peut supporter un fardeau migratoire supplémentaire», a-t-il affirmé lors d’une conversation téléphonique avec la chancelière allemande Angela Merkel.

(AFP)