Congo Hold-up: révélations sur un casse à 530 millions de dollars

 

La Gécamines, société minière publique de la RDC, a versé 530 millions de dollars d’« avances fiscales », dont l’Inspection générale des finances n’a pas retrouvé la moindre trace sur les comptes de l’État. Nous avons pu documenter que des millions ont bien été détournés, dont une partie en liquide. Enquête signée Yann Philippin (Mediapart) et Sonia Rolley (RFI) en collaboration avec PPLAAF sur la base des documents Congo Hold-up.

En République démocratique du Congo, ils ont été pendant dix ans les maîtres de l’argent, et les financiers occultes de la famille de l’ancien président Joseph Kabila. Deogratias Mutombo dirigeait la Banque centrale depuis 2013. Albert Yuma présidait la société minière d’État Gécamines depuis 2010, mais aussi le patronat congolais, le comité d’audit de la Banque centrale, et plusieurs entreprises privées.

Les deux hommes étaient si puissants qu’ils semblaient intouchables, y compris après le départ de Joseph Kabila en janvier 2019. Il a fallu près de deux ans avant que le nouveau président Felix Tshisekedi ne provoque leur chute.

Deogratias Mutombo et Albert Yuma ont d’abord perdu leurs postes à la Banque centrale du Congo (BCC) en juillet 2021, suite aux pressions du FMI et à l’affaire Egal – cette entreprise d’importation alimentaire, présidée par Yuma, a obtenu 43 millions de dollars détournés des caisses de la Banque centrale.

La disgrâce

Le chef de l’État a ensuite brutalement viré Albert Yuma, le 3 décembre, de la présidence de la Gécamines, la machine à cash du pays. Deux semaines plus tôt, l’enquête Congo Hold-up, menée par Mediapart et ses partenaires, révélait que la Gécamines a versé 20 millions de dollars à Sud Oil, une société-écran de la famille Kabila. Laquelle a aussi reçu 50 millions de la Banque centrale, lorsqu’elle était dirigée par Deogratias Mutombo.

Si les deux hommes ont fini par tomber en disgrâce, c’est sans doute aussi à cause d’un autre scandale encore plus grave, dont le préjudice pour l’État pourrait dépasser 500 millions de dollars : celui des « avances fiscales » versées par la Gécamines, qui fait actuellement l’objet d’une enquête de l’Inspection générale des finances (IGF), un service placé sous la tutelle directe du président Tshisekedi.

Grâce à de nombreux documents confidentiels, Mediapart et ses partenaires du projet « Congo Hold-Up », coordonné par le réseau EIC, sont en mesure de révéler les coulisses de cette affaire, susceptible de constituer le plus gros détournement de fonds publics de l’histoire du Congo-Kinshasa.

530 millions de dollars d’« avances fiscales » disparus

Entre 2012 et 2020, la Gécamines a versé 530 millions de dollars d’« avances fiscales », c’est-à-dire des impôts qu’elle ne devait pas, mais que les ministres des Finances lui ont demandé de payer d’avance, officiellement pour financer les dépenses de l’État. C’est ce qu’indique la liste confidentielle détaillant l’intégralité de ces paiements, que nous nous sommes procurée. Ce document (ci-dessous) a été réalisé par la Gécamines et transmis à l’IGF.

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