Planification familiale : A Tambacounda, l’école des maris fait sauter les préjugés

 

L’école des maris est un modèle en matière de promotion de la planification familiale dans une zone où les us et coutumes sont encore vivaces. Dans la région de Tambacounda, l’implication des époux dans la sensibilisation a convaincu des hommes qui étaient réticents à la planification familiale à l’accepter. Aujourd’hui, ce sont les hommes qui incitent leurs épouses à adopter l’espacement des naissances. Les barrières socioculturelles s’écroulent dans bien des contrées, dans cette région.
Les hommes sont en première ligne dans la promotion de la santé de la reproduction. C’est l’esprit des écoles des maris. Des hommes formés par leurs pairs, sous la supervision d’un agent de la santé de la zone, organisent des discussions avec d’autres hommes. Lors de ces séances, des thèmes tels que  les consultations prénatales, l’accouchement assisté, la nutrition, la nutrition de la femme allaitante sont abordés.  D’une manière plus large, les problèmes de santé identifiés par la communauté sont aussi passés à la loupe.
L’idée, c’est d’encourager les hommes à accompagner leurs épouses le long de ce processus. Cette approche a porté ses fruits. A titre indicatif, le taux de prévalence contraceptive moderne est passé de 12 % en 2010 à 26 % en 2017. Faudrait-il le relever, du fait du poids de la tradition, la prévalence contraceptive reste très faible dans les régions de l’est du Sénégal. Les prévalences contraceptives les plus faibles sont enregistrées dans les régions de Matam (10 %), de Kédougou (10 %) et de Tambacounda (13 %). Les besoins non satisfaits en planification familiale sont estimés à 21 % chez les femmes en union, selon l’EDS 2018.
C’est dans ce contexte que la stratégie EDM a été mise en œuvre dans la région de Tambacounda, avec l’appui du Canada, en relation avec le ministère de la Famille, de la région médicale et de Plan International.
À Paoskoto, dans la région de Tamba,  à 40 km de Koumpentoum, les hommes ont épousé la stratégie. Au moins cinq écoles sont implantées dans la région. Parmi ces sites abritant ces écoles, il  y a Paoskoto. “C’est autour des causeries, des séances de sensibilisation et surtout des visites à domicile que  nous formons les maris à  accompagner leurs épouses dans la planification familiale, les consultations prénatales et surtout à l’abandon des accouchements à domicile”, informe Saloum Diongue.
Chargé de projet à Plan International, il est responsable de la mise en œuvre de ce volet du projet du Fonds des Nations Unies pour la population (UNFPA). Dans la même dynamique, Issa Ndao, élève de l’école de Paoskoto, note que les hommes ne s’intéressaient pas à la santé maternelle. Par conséquent, les épouses adoptent la planification familiale sans aviser leurs époux. Aujourd’hui, elles n’ont plus besoin d’adopter une méthode contraceptive en cachette. Bien au contraire. Ce sont les hommes qui poussent les femmes à espacer  les naissances.
«Les femmes se cachaient pour effectuer la planification familiale. Maintenant, ce sont les maris qui poussent leurs épouses à le faire. Auparavant, les hommes s’éloignaient des maisons afin de permettre à la femme d’accoucher à domicile. De nos jours, ce sont les époux qui accompagnent leurs femmes pour accoucher dans des structures sanitaires», a constaté  M. Ndao.
Les barrières socioculturelles reculent à cause des séances de sensibilisation. Des hommes comme Waly Ndao, qui sont passés à l’école des maris, ont changé d’avis. Il ne s’oppose plus à la planification familiale, encore moins aux visites prénatales.  «Je n’ai jamais accepté que ma première épouse adopte la planification familiale. Aujourd’hui, c’est moi qui amène les femmes au poste de santé depuis l’arrivée de l’école des maris», dit-il.
D’ailleurs, son épouse Fatou Ndao affirme avoir accouché à la maison pour ses  quatre premiers enfants. Les écoles, selon l’infirmier-chef de poste de Paoskoto, ont positivement influencé les chiffres de la structure. “Les consultations se font à temps, les accouchements à domicile ont nettement baissé et les femmes viennent au poste accompagnées par les hommes”, a confirmé Abdoulaye Diouf.
Ce projet vise l’accès aux services sociaux de base de qualité et de protection sociale d’ici à 2023. Les couches vulnérables sont particulièrement ciblées. L’implication des hommes est reconnue comme un axe important dans le développement des politiques et stratégies de santé de la reproduction (SR) et de planification familiale (PF) depuis la Conférence internationale sur la population et le développement (CIPD) en 1994.
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