Guinée / Gestion des établissements de crédit, des banques : pour non renouvellement de leurs agréments, les directeurs étrangers quittent le pays.

 

Conformément à la loi d’août 2013 portant réglementation bancaire en Guinée, les directeurs des banques et autres établissements financiers quittent un à un le pays.

En effet, l’article 17 stipule que « sauf dérogation expresse accordée par le Comité des agréments, nul ne peut diriger ou gérer un établissement de crédit s’il n’a pas la nationalité guinéenne, à moins qu’il ne jouisse de dispositions légales ou réglementaires accordant la réciprocité, dans le cadre d’une convention signée entre son État d’origine et la République de Guinée. »

Ainsi, la Banque centrale rejette tout renouvellement de l’agrément des directeurs généraux de banques. La Banque centrale de Guinée ne délivre donc plus aux étrangers directeurs de Banque et autres établissements financiers l’agrément qui leur autorise l’exercice de leurs fonctions.

Conséquences, ils sont nombreux à plier bagages et à quitter le pays. À ce jour, trois banques sont concernées : la Banque populaire Maroco Guinéenne (BPMG) où le Marocain Mostafa Dafir a dû céder son fauteuil début juin à Ibrahima Kourama qui était jusque-là son adjoint. Chez United Bank for Africa (UBA) dont le nouveau capitaine nigérian -nommé par Tony Elumelu en juillet dans le cadre d’un vaste remaniement au sein de son groupe bancaire panafricain- n’a pas obtenu d’agrément. C’est Antoine Chérif, DGA depuis 2018 qui prend la place du chef. À la Banque islamique de Guinée (BIG), le Sénégalais Sidi Dièye va lui aussi quitter le territoire, mais avant -selon nos informations- il cherche activement son successeur avec l’appui du conseil d’administration. Le patron d’Access Bank pourrait être le prochain sur la liste, d’après une source bien introduite, puisque « son agrément devrait bientôt expirer et il se dit déjà que ce ne sera pas renouvelé. » Il est à noter qu’excepté le Marocain, tous ces directeurs généraux sont issus de la Cedeao. Il faut dire que jusqu’ici la plupart des banques étaient dirigées par des étrangers. C’est cette tendance que les autorités tenteraient de reverser.

« Les autorités veulent simplement appliquer la loi qui donne la priorité aux Guinéens, vu que ce ne sont pas les compétences qui manquent. Cela se fait partout ailleurs dans la sous-région. Quand on va en Côte d’Ivoire, au Sénégal ou au Nigeria, ce sont généralement des Ivoiriens, des Sénégalais et des Nigérians qui dirigent les banques. Pourquoi ce ne peut être le cas en Guinée ? » d’après cette source de nos confrères de La tribune Afrique.

La même source révèle que parfois les groupes étrangers ne chercheraient pas forcément à donner la priorité à l’expertise locale. « Très souvent le premier rôle est d’office réservé à un étranger. Cette tendance n’est certainement pas plaisante pour des Guinéens qui sont compétents mais qu’on ne regarde pas souvent pour x ou y raisons », argue-t-elle, avant d’ajouter : « je pense que la décision des autorités est beaucoup plus dérangeante pour les banques qui n’avaient pas l’intention de donner le premier rôle à un Guinéen. »

Des banques affaiblies par la justice.

Outre cette réalité qui touche le management des banques en Guinée, le secteur reste suspendu aux dossiers judiciaires dans lesquelles deux banques -Ecobank et Afriland First Bank- ont été récemment condamnées.

Conséquences, le pays a traversé la plus longue grève des établissements de crédit jamais connue. En effet, pendant une semaine, les agences sont restées fermées. Si un compromis a été trouvé pour mettre fin à la grève face à des consommateurs remontés, « le problème de fond n’est pas résolu », indique une source. « Imaginez qu’une entreprise va à la banque, prend un million et ne rembourse pas. Lorsque la banque lance les actions de recouvrement, l’entreprise va porter plainte. Ensuite, le tribunal demande à la banque de lui verser trois, quatre ou cinq millions.

La situation se retourne et le débiteur devient le créancier », caricature-t-elle, ajoutant : « tel est le problème pointé du doigt ». Des décisions jugées incompréhensibles dans le secteur.

Quid de l’intégration ouest-africaine et panafricaine ?

Si les groupes bancaires présents dans le pays sont en train de se plier à la décision des autorités, la situation fait désordre dans le secteur.

« On applique strictement la loi certes, mais je pense que les choses devraient évoluer. Nous sommes quand même dans un cadre communautaire et je pense qu’aujourd’hui, avoir accès à la compétence est une excellente chose. Qu’ils soient Guinéens ou de toute autre nationalité, les gens doivent pouvoir apporter leur expérience », explique un banquier de la sous-région.

Une contradiction non seulement avec l’intégration sous-régionale ouest-africaine tant exaltée et l’intégration africaine voulue au travers notamment de la Zone de libre-échange continentale (Zlecaf) ou encore la notion de mobilité des talents mise en avant ces dernières années comme facteur catalyseur de développement économique et social.

« Au niveau des groupes bancaires dans la sous-région (Sénégal, Côte d’Ivoire, Togo, Burkina Faso, Niger …) il y a beaucoup d’expatriés qui dirigent les banques et qui sont de plus en plus issus de la sous-région ouest-africaine. Et aujourd’hui ce qui compte vraiment pour les groupes bancaires, c’est l’expertise, l’éthique. Et c’est ce qu’on apporte finalement à une économie. Il y a bien des Guinéens qui dirigent des banques dans d’autres pays, qui sont dirigeants au sein d’organisations internationales. Je pense qu’en tant qu’Africain, panafricain, il faudra favoriser cet échange d’expertises », confie un banquier…

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