Brésil: La désinformation a attisé les émeutes bolsonaristes

 

 

 

«Nous voulons le code source!» hurlaient les émeutiers partisans de l’ex-président d’extrême droite qui ont saccagé les lieux de pouvoir à Brasilia, entre des mots d’ordre réclamant une intervention militaire pour empêcher le retour au pouvoir de Luiz Inacio Lula da Silva, investi le 1er janvier. Ce code source, c’est l’ensemble des instructions composant le programme informatique qui permet aux urnes de comptabiliser les votes, sous une forme lisible, telles qu’elles ont été écrites dans un langage de programmation. Et il a été ouvert à l’inspection des partis et des organes de contrôle dès octobre 2021, un an avant le scrutin. Mais de fausses informations qui circulent massivement sur les réseaux insinuent qu’il serait tenu secret pour ne pas dévoiler de supposées fraudes.

«La désinformation a joué un rôle important pour mobiliser ceux qui avaient besoin d’une justification qui pourrait donner un semblant de légalité à cette invasion».

Ivan Paganotti, docteur en Sciences de la communication et professeur à l’Université méthodiste de São Paulo.

Interprétation sélective

Au-delà du code source, d’autres fausses informations ont embrasé les bolsonaristes, comme des «lectures fantaisistes» de l’article 142 de la Constitution, qui autoriserait selon eux le chef de l’exécutif à faire appel à l’Armée pour renverser les autres pouvoirs, le législatif et le judiciaire. Une interprétation erronée, comme l’a vérifié l’AFP.

Le professeur Paganotti souligne que la production de désinformation est savamment orchestrée par un réseau qui les dissémine sur les différentes plateformes de manière à s’adresser à un public le plus large possible. Et les fausses informations sur les urnes électroniques – utilisées au Brésil depuis 1996 sans qu’aucune irrégularité n’ait jamais été constatée – ont pris d’autant plus de relief ces dernières années qu’elles ont été relayées par des personnalités politiques de premier plan, à commencer par Jair Bolsonaro, quand il était encore président. Il a même insinué à plusieurs reprises qu’il n’accepterait pas la tenue de l’élection présidentielle d’octobre 2022 si ce système qui lui avait pourtant permis d’être élu à plusieurs reprises député, puis président en 2018, était maintenu.

En novembre, trois semaines après sa défaite serrée face à Lula au second tour, sa formation, le Parti libéral (PL), a réclamé – en vain – l’annulation des votes comptabilisés par près de la moitié des urnes électroniques, en raison d’un «dysfonctionnement» potentiel des modèles utilisés. «Un grand nombre de documents attestent qu’aucune preuve de fraude n’a été identifiée» mais le PL a estimé que «cela ne voulait pas dire qu’il était impossible qu’une fraude ait eu lieu», explique le professeur Paganotti. «Ce type d’argument est problématique, car chacun finit par choisir l’interprétation qui lui convient, par rapport à ses convictions politiques», poursuit-il.

«Pas de preuve tangible»

Le code source des urnes électroniques, réclamé par les émeutiers, a été mis à disposition par le Tribunal supérieur électoral (TSE) un an avant le scrutin. Il pouvait ainsi être vérifié par les partis, les organes de contrôle, des chercheurs et même par l’Armée, afin de confirmer que le programme informatique n’avait pas été modifié pour frauder le résultat de l’élection.

«Le code source des urnes est mis à disposition et inspecté à des moments précis, au siège du TSE. Ce n’est pas une donnée qui peut être consultée par le grand public», explique à l’AFP Lucas Lago, ingénieur informatique coauteur de deux rapports sur le système électoral brésilien. S’il reconnaît que l’accès à ce code pourrait être facilité, ce spécialiste affirme que «c’est un mensonge de dire que le code est tenu secret».

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