L’abbé Moïse Diemé, un prêtre pour la jeunesse Tambacoundoise

Par Emilie Bar / Tambacounda.info /

moiseIl aurait pu devenir un grand joueur de football ou un champion de breakdance, mais c'est vers la voie du Seigneur qu'il a choisi de s'engager. L'abbé Moïse Dieme est un tout jeune prêtre de 37 ans qui, après avoir servi pendant un an à Salemata, vient remplir une nouvelle mission à Tambacounda.

Il en aura parcouru du chemin le petit casamançé turbulent qui usait ses baskets sur les terrains de foot de Tambacounda. A  36 ans, Moïse Dieme a affirmé son engagement envers Dieu en devenant l'abbé Moïse. « Je voulais être aviateur mais j’étais nul en maths, alors j’ai renoncé. A vrai dire, j’ai senti l'appel de Dieu un peu tard », avoue t-il difficilement. Pas si tard que ça en réalité puisque c'est à l’âge de 11 ans que le petit Moïse commence à tanner son père pour devenir prêtre. « Réfléchi un peu », lui rétorque celui-ci à trois reprises, avant de céder et de lui suggérer de prendre conseil auprès du père Alfredo, un modèle pour le jeune Moïse. Très tôt l’abbé Moïse sait déjà qu'il veut être un père salésien, un père qui s'occupe de la jeunesse.  

Premières étapes pour devenir prêtre : le petit, puis le moyen séminaire, un internat pour jeunes garçons qui apporte une formation sur les plans humain, spirituel et intellectuel. Aujourd’hui encore l’abbé Moïse se souvient des bons moments passés.

Vient ensuite le temps du grand séminaire, la phase finale en quelque sorte. « A ce moment j’ai vécu une épreuve difficile. J’ai eu un mauvais rapport de stage. J’ai été renvoyé injustement », confie t-il. Un rapport qui a bien failli changer sa destiné. Le futur abbé  abandonne quelques temps sa vie religieuse. Il devient enseignant, fait des études puis des stages en gestion informatique, à la SOBOA notamment, avec une offre d’embauche à la clé. Durant cette période, Moïse Dieme expérimente la vie et hésite longtemps, de ce fait, à reprendre le chemin du Seigneur. « J'étais jeune, il y avait de nombreuses tentations autour de moi, les filles, le pouvoir de l’argent, j'ai failli m’égarer, c’était difficile. Heureusement maman était là. Elle a refusé les cadeaux, la possibilité d’une vie plus confortable face à l’appel de Dieu. J’ai donc eu de longues périodes de réflexion. Cependant à aucun moment aujourd’hui je ne regrette d'être prêtre ».

L’engagement d’un prêtre

Après trois ans de recul, le jeune Moïse retourne sur les bancs du séminaire, au Burkina entre-autre. Le 27 décembre 2006, il est ordonné prêtre avec pour devise : « Si Dieu s’est attaché à moi et m’a choisi, c’est parce que Dieu m’aime ».

Sa première affectation le conduit à Salemata, à 80 km de Kédougou. « J’avais entendu dire que Salemata était un poste difficile, que la population attendait beaucoup des prêtres », explique l’abbé Moïse. Arrivé sur place, le constat est éloquent. La zone est enclavée, l’accès y est difficile. Les moyens de communication sont plus que restreints (téléphone aléatoire, pas d’internet). L’abbé comprend la difficulté de la tâche qui l’attend. Mais la population est particulièrement accueillante et les bonnes volontés nombreuses.

Très tôt, le prêtre prend en charge la jeunesse. Il met en place une chorale, une équipe de foot junior. « Il fallait créer des loisirs pour les jeunes, pour qu'ils s'occupent après l'école et ne cèdent pas au mariage et à la vie d’adulte trop rapidement », analyse t-il aujourd’hui. L’abbé Moïse aurait pourtant voulu faire plus. Créer un cybercafé, cultiver un champ avec les enfants, organiser un voyage jusque Tambacounda ou Dakar. « Certains d’entre eux ne sont même jamais allés à Kédougou ». Mais le temps et l’argent lui manquent, même si les jeunes, particulièrement motivés, n’hésitent pas à organiser des bals pour récolter des fonds. « On ne peut pas tout faire sur un temps donné malheureusement. La première étape était de rassembler la jeunesse, l'écouter, la comprendre pour mieux la servir. Les jeunes se sont investis d'eux-mêmes, sans distinction de race ni de religion. Les gens sont devenus responsables. Mais il reste encore beaucoup de travail avec la jeunesse. C’est l’avenir du pays ».

Une nouvelle ville pour une nouvelle mission

Quand on lui parle de succès, l’abbé modère les propos et rappelle qu’il n’a pas accompli un travail mais qu’il a initié quelque chose que les autres devront continuer. « Je regrette de partir au moment où les choses se mettent en place ». Cependant l’homme de foi ne peut nier qu’il aura contribué à changer la vie de ces jeunes. L’un d’entre eux a même fondu en larmes lorsqu’il a appris le départ du prêtre. Le premier octobre dernier, c’est à la procure de Tambacounda que l’abbé Moïse a posé ses valises. Là, de nouvelles fonctions l’attendent. Il est en charge de la comptabilité ainsi que de l’accueil des voyageurs de passage à la procure. Mais la tâche qui lui tient le plus à cœur est celle de l’écoute et de la parole aux jeunes de Sareguillèle. « La population ressemble un peu à celle de Salemata, en tous cas, les réalités y sont quasiment les mêmes. Encore une fois, les gens attendent beaucoup des prêtres. Malheureusement les ressources sont limitées et les désirs illimités », ajoute l’abbé Moïse. Et pour parler des problèmes de la société sénégalaise, il se réfère à un proverbe chinois : « Au lieu de donner du poisson aux gens il vaut mieux leur apprendre à pêcher ». C’est ce qu’il essaiera de faire à Tambacounda. Former la jeunesse pour qu’elle prenne en charge l’avenir.

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