Béquille maraboutique !

On le savait impopulaire. Mais pas au point de s’adosser à une béquille maraboutique pour asseoir son autorité et faire cesser les huées dont il fait l’objet, à chacun de ses déplacements dans la cour de la cité religieuse. Même si aucun sondage crédible ne permet de mesurer, avec précision, l’amplitude du rejet dont fait l’objet la politique d’un président de la République, qui sombre, chaque jour, dans les tréfonds de l’impopularité.
C’est d’autant plus inquiétant que ce rejet, qui se confirme, avait été exprimé tout au début de son magistère, après les propos malheureux tenus par le président même, sur «les citoyens ordinaires», une parenthèse qu’une bonne partie de la classe religieuse du pays a du mal à fermer, un affront auquel elle se rappelle à chaque visite du chef de l’Etat, à Touba ou ailleurs.
Depuis, il aura beau faire la cour et multiplier les opérations de charme en direction de la cité religieuse, improviser des visites de courtoisie, envoyer des cadeaux bien emballés, des émissaires… mais la mayonnaise ne prend pas. Touba ne s’est pas laissée séduire. Et c’est plus que réducteur que de vouloir attribuer ces huées à l’opposition qui, laisse-t-on entendre, manipulerait ainsi l’entourage du Khalife voire les habitants de Touba. Lesquels, faudrait-il l’admettre, gardent encore une dent contre leur chef de l’Etat. Ici, on peut constater avec ironie, que c’est le «citoyen ordinaire» qui vole au secours du «citoyen extraordinaire», l’homme le plus puissant du pays, doté de tous les pouvoirs et à qui il arrive de montrer des signes de lassitude.
 Devrait-il faire son introspection et s’interroger sur les raisons véritables qui poussent certaines populations à le conspuer, dans le cercle mouride, à Dakar comme à Touba. Un président qui aujourd’hui, en arrive à s’appuyer sur une béquille maraboutique pour faire cesser les huées synonymes de rejet, une humiliation qui ne dit pas son nom. Tant mieux si l’autorité de Touba revient à de meilleurs sentiments à l’endroit du Palais! Devenu la tête de Turc des jeunes marabouts qui ne le ratent guère dans leurs sorties au vitriol, le chef de l’Etat, qui a retenu la leçon, peut donc s’assurer que lors de ses prochains déplacements à Touba, il ne sera pas conspué, par respect aux recommandations émanant d’un leader charismatique qui refuse le parti-pris, et voudrait mettre ses hôtes politiques, sur le même pied.
 Et ce n’est pas tant la décision du saint-homme de voler au secours du président, qui interpelle, mais l’affaissement du temporel et le recours au pouvoir spirituel pour asseoir l’autorité d’un chef de l’Etat élu à plus de 60% des suffrages, mais très mal en point à moins de trois ans d’exercice. Impopulaire au point de recourir à une béquille maraboutique… pour rebondir.
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