Crise grecque: La «trahison» de Tsipras renforce le chaos grec

 

La Grèce doit payer 1,6 milliard d’euros avant minuit ce mardi au Fonds monétaire international (FMI). Puis 1,5 milliard de plus d’ici au 30 septembre. Sans oublier 8 milliards entre les deux à la Banque centrale européenne. Il n’y a pourtant presque plus un sou dans les coffres de l’Etat hellénique. Les créanciers de la Grèce et les autorités de la zone euro placeront-elles dès lors la Grèce en défaut de paiement? Autrement dit dans une situation proche de la faillite. Réponse mercredi.

Une chose est sûre. La position du gouvernement Tsipras s’est singulièrement affaiblie lundi à Bruxelles. Dans le camp des plus compréhensifs vis-à-vis de la Grèce, réunissant avant tout la Commission européenne et la France, le leader de la première de ces deux autorités a en effet utilisé des mots très durs à l’encontre d’Athènes.

«Après toutes nos tentatives pour trouver une solution, je me sens trahi. Les négociations ont été interrompues de façon unilatérale. Nous avons vraiment déplacé des montagnes jusqu’à la dernière minute. Avant que le gouvernement grec ne referme la porte», dénonçait hier matin le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker.

Après ce coup de colère, un incident peu prévisible s’est produit dans l’après-midi. Il a semblé fragiliser encore davantage le gouvernement Tsipras. Un élu du parti majoritaire Syriza a en effet pris la parole pour dénoncer publiquement la conduite des affaires européennes par le gouvernement de coalition actuellement au pouvoir (avec Syriza incarnant la gauche radicale et les Grecs indépendants, une petite minorité souverainiste). Une première!

«Dans une lettre adressée en mars aux autorités, j’avais prédit les évolutions désastreuses actuelles, soulignant que la rupture avec les créanciers conduirait la Grèce à un programme d’austérité encore pire. Je regrette vraiment d’être maintenant obligé de publier ce courrier, mais je n’ai jamais reçu de réponse en trois mois», relève Kostas Chryssogonos, eurodéputé grec.

Injonction à Tsipras

Le referendum fixé au 5 juillet suscite certes quelques poncifs récurrents, mais sans éclipser les plus dures vérités. «Ce scrutin populaire relève du choix souverain d’Athènes. C’est le droit du peuple grec de dire ce qu’il veut pour son avenir», rappelle le chef de l’Etat français, François Hollande. Tout en s’empressant de préciser que l’enjeu est fondamental: «Les citoyens grecs décideront s’ils veulent rester dans la zone euro ou prendre le risque d’en sortir.»

Un autre Français socialiste, le commissaire européen aux Affaires économiques et financières, Pierre Moscovici, attribue en partie la responsabilité de l’issue de cette votation au gouvernement Tsipras lui-même. Sans fioriture, l’ex-ministre des deux gouvernements Ayrault (mai 2012-novembre 2014) enjoint en effet Alexis Tsipras de recommander clairement à ses concitoyens de voter «oui». Autrement dit d’arrêter de promouvoir le rejet ou de cultiver l’ambiguïté.

Rappelons dès lors les questions, souvent oubliées, auxquelles les citoyens grecs doivent répondre dimanche: acceptez-vous la proposition des créanciers de la Grèce du 26 juin 2015? Ladite proposition porte notamment sur un plan visant à atteindre l’équilibre budgétaire par étapes: un excédent primaire (hors charges liées à la dette) de 1% du PIB (produit intérieur brut) cette année, le double l’an prochain, 3% en 2017 et 3,5% en 2018.

Ces objectifs déterminent la marge de manœuvre comptable, et surtout politique, du gouvernement Tsipras. A ce propos, les créanciers estiment d’ailleurs avoir fait de réelles concessions.

La voie du «Grexit»

En janvier, leur principale exigence portait il est vrai sur un surplus primaire de 3,5% à la fin de cette année déjà. Dans un pays dont la dette publique nette s’élève à 322 milliards d’euros, soit 177% du PIB.

Quel que soit le résultat du scrutin populaire de dimanche, la Grèce devrait donc se trouver formellement en défaut de paiement au moins cinq jours avant. «A mon avis le défaut vis-à-vis du FMI sera en effet confirmé aujourd’hui. Les bailleurs de fonds se sont déjà montrés clairs à ce sujet», rappelle le chef économiste d’UBS, le Genevois Andreas Höfert.

Les grands acteurs financiers européens prêtent néanmoins une forte attention aux votations de dimanche. «Si une majorité des citoyens se prononce contre le plan des institutions créancières, cela conduira forcément à?une situation de défaut de paiement vis-à-vis de la BCE. Cela n’équivaut certes pas à un «Grexit», mais peut y conduire. Même si les partenaires européens de la Grèce ne peuvent pas l’expulser de la zone euro, ils peuvent prendre des mesures susceptibles de rendre impossible la vie de la Grèce au sein de l’union monétaire», prévient le groupe bancaire français Société Générale SA.

L’hypothèse d’un «non» dimanche n’est pas prise non plus à la légère par Mark Haefele, directeur des investissements chez UBS: «Si les électeurs grecs votent «non», cela signifie probablement la fin de tout nouveau soutien de la part des créanciers. Et sans argent frais, les banques helléniques devront très certainement rester fermées. Le pays s’engagera alors sur une voie douloureuse, conduisant à la sortie de la zone euro.»

Il est vrai que si les Grecs refusent dimanche les conditions des créanciers, les prêts ELA (emergency liquidity assistance), versés aux banques grecques par la BCE, cesseront. «Et ce sera de fait la fin de la participation de la Grèce à la zone euro», assure Jörg Krämer, chef économiste chez Commerzbank AG.

Reste l’hypothèse d’un «oui». «Dans ce cas, nous assisterions probablement à une période de troubles. Et la crédibilité du gouvernement serait remise en question, étant donné qu’ils font campagne pour le non», relève Mark Haefele. (24 heures)