Une Tambacoundoise “reine” du sifflet: Fadouma Dia No 1 de l’arbitrage féminin

Source Le Quotidien /

fadoumaElle s’est révélée aux férus du ballon rond en s’offrant sa première finale nationale, celle du Championnat de Ligue 1, comme juge centrale. Depuis, Fadouma Dia est au devant de l’actualité. Le Quotidien est allé à sa rencontre. Portrait. La démarche féline, Fadouma Dia ne passe pas inaperçue. Nous n’avons pas eu du mal à retrouver sa maison. «La fille que j’ai vue avant-hier ressemble à celle qui loge dans cette maison. Elle passe devant moi souvent non sans manquer de me saluer au passage», lance une dame tenant sa boutique face à la demeure où loge l’arbitre, et qui se trouve aux Hlm Grand Yoff.  Entourée des membres de sa famille, les images de la finale retour du Championnat national de la Ligue 1 disputée le 31 octobre dernier à Saint-Louis défilent encore dans sa tête. Elles sont encore vivaces dans la mémoire collective du «Sénégal du foot» qui a adopté la native de Tambacounda qui a obtenu le privilège d’être la première femme-arbitre à avoir dirigé de main de maître une rencontre de cet acabit, après avoir posé son empreinte sur le choc Niary Tally-As Pikine pour la montée en Ligue 1.

Après la retraite en 2007 de Fatou Gaye, devenue commissaire centrale, c’est elle qui trône sur l’arbitrage féminin sénégalais. En plus de Fadouma Dia, le corps arbitral du Sénégal au féminin ne compte que deux juges centrales : Amina Fall de la Cra de Dakar et Fatou Bintou Mbaye de la Cra de Thiès, nous informe l’intéressée qui revient sur son choix d’officier la finale de Saint-Louis. «J’ai senti un réel plaisir d’être désignée parmi tant d’autres. Pour moi un match de foot reste un match de foot. Les gens à Saint-Louis n’étaient pas habitués à voir une femme arbitre. Surtout un trio féminin. Mais dans le terrain, je n’ai pas tenu compte de cela. J’ai arbitré comme j’ai l’habitude de le faire. Je l’ai fait naturellement. Je n’ai pas eu peur la veille. Je n’ai pas eu de pression sur les épaules. Je prends les choses naturellement. Mon souci, ce sont les 22 acteurs. Le public, je ne m’en soucie pas. Je me dis que je suis là pour diriger les 22 acteurs», lâche dans une voix suave notre interlocutrice, contrastant  avec l’attitude ferme qu’elle affiche sur le terrain quand elle officie.
Toujours en conformité avec les règles du jeu qu’elle a appris à maîtriser au cours d’une formation, supervisée par la Commission régionale des arbitres (Cra) de Tambacouda dirigée par Ibrahima Traoré, Fadouma Dia ne veut pas que l’on voit derrière certaines de ses décisions une marque de sévérité. Et la native de Tamba de nous raconter une anecdote au cours d’un match inter-scolaire entre des Gabonais et des Centrafricains lors duquel elle a distribué une pluie de cartons. «J’ai distribué un carton rouge à un joueur Gabonais qui m’a insultée. Je l’ai expulsé. Un autre joueur est venu répéter la même chose, j’ai brandi aussi le carton rouge. Idem pour un troisième joueur. C’est sur ces entrefaits que l’équipe gabonaise a plié bagage. Finalement elle a perdu le match par pénalité. Une rumeur s’est répandue comme une traînée de poudre dans le Campus mettant en épingle ma sévérité. Comme ils voyaient que
c’est la première fois qu’une femme se présente en tant qu’arbitre, ils pensaient qu’ils pouvaient m’intimider et m’influencer. Mais c’était mal me connaître. Il faut avoir du caractère pour maîtriser les 22 acteurs. Je sais que les joueurs se méfient des arbitres femmes qu’ils qualifient de trop sévères», s’enorgueillit l’intéressée, qui, ayant débuté en tant qu’élève sa formation dans l’arbitrage dans sa région natale de Tambacounda, a  poursuivi son perfectionnement à Dakar après l’obtention de son Baccalauréat en 1997 pour atteindre  en 2005 le grade d’arbitre internationale.

DES CONTRAINTES FAMILIALES

L’intégration dans l’arbitrage, de Fadouma Dia n’a pas été facile à cause de son appartenance à une famille Haal Pulaar réputée pour son conservatisme. En dépit de la bénédiction de son père, elle devait faire face à l’obstacle que constitue sa maman. «Ma mère me disait que c’est risqué qu’une femme soit arbitre. Mais à force de voir les gens venir m’encourager, elle a fini par se résigner à me laisser poursuivre le chemin déjà entamé. Mais il faut dire que les débuts n’ont pas été faciles. Parce qu’à cette période il n’y avait pas encore beaucoup de femmes dans l’arbitrage. Mais au fil du temps, les gens ont pu accepter de voir une femme arbitre sur les terrains.»
Mais ce n’est pas seulement dans l’élite qu’elle officie. Fadouma dirige aussi des matches du championnat Navétane. Ce mouvement qu’elle qualifie d’école pour elle, se révèle pourtant plus difficile qu’un match de la Ligue Pro. La cause tient au fait que les matches Navétanes mettent aux prises des équipes de quartiers. Et la moindre mauvaise appréciation d’une décision arbitrale peut dégénérer, entraînant une bataille rangée entre supporters. «Les gens tiennent trop à leur équipe. Ce sont des passionnés. On arrête souvent la partie pour cause de bagarre ou des jets de pierres», déplore-t-elle, sans manquer de préciser que tous les matches qu’elle a eu à diriger se sont bien déroulés jusque-là.
Parlant de la manière avec laquelle elle s’y prend pour allier les deux compétitions, l’arbitre renseigne avoir débuté le championnat populaire une quinzaine de jours avant, coïncidant avec la fin de la Ligue Pro, histoire de se faire la main. Ayant pour modèle l’arbitre italien au crâne d’œuf Pierluigi Collina dont elle s’inspire «de la rigueur italienne», avance Fadouma Dia qui dit avoir joué au football dans son quartier à Tamba.

La taille filiforme sculptée dans un jean bleu délavé et un tee-shirt rouge à rayures blanches, Fadouma Dia est une fille de son temps, branchée. «Me mettre en habits traditionnels représente un grand événement dans mon entourage», lance-t-elle dans un sourire, pour avancer qu’elle est plus à l’aise avec le port vestimentaire à l’européenne.
Etant un cœur à prendre, notre interlocutrice estime que l’arbitrage ne constitue pas un obstacle pour elle de trouver un mari. Elle fait remarquer que Dieu seul sait si elle aura un mari footballeur, tout en prenant le soin de dresser le portrait robot de son homme idéal, qui doit être «sérieux» et qui puisse la comprendre et la soutenir sur tous les plans et l’encourager dans tout ce qu’elle fait.
Sa cousine Marième Aïdara, basketteuse en Tunisie, la dépeint comme quelqu’une de très ouverte, souriante : «Elle est forte de caractère, elle n’hésite pas à dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas.»

DES ETUDES POUSSEES

Fadouma Dia, la trentaine, aime partager avec son entourage tout ce qu’elle gagne dans l’arbitrage, selon sa cousine. C’est un cordon bleu et aime souvent se gaver «de poulets  rôtis, du Yassa et du Thiébou Dieune», estime Marième Aïdara qui la trouve casanière. «Elle a une vie rangée. Sa passion reste la plage pour décompresser», juge sa cousine. Une vision partagée par sa tante, Madame Bâ Oumou Diallo, Conseillère régionale à Tambacouda, qui la considère comme «une fille sérieuse». Ayant son Duel 1 en anglais, sa tante la qualifie d’une fille ayant fait «des études poussées. Ce qui est difficile à réaliser à Tambacounda chez les filles». «La culture et les traditions pèsent sur les femmes. En voyant une femme arbitre, c’est vraiment un exemple qu’on ne cesse de montrer aux parents afin qu’ils laissent leurs filles aller à l’école. A 12 ans déjà, des filles sont données en mariage. Ce qui n’est pas normal. Elle a eu le Bac, elle est allée à l’Université et aujourd’hui elle est arbitre internationale. Si je la vois sur le terrain, cela me fait penser à la parité qui doit être effective (rire)», se réjouit Madame Bâ Oumou Diallo qui loue sa modestie et son sens des relations humaines. Avant de revenir sur la finale de Saint-Louis : «J’étais à Saint-Louis pour suivre la finale. Je pense que cela a été une réussite et une grande satisfaction pour moi. Etre arbitre chez nous Haal Pulaar ce n’est pas facile. Elle a su se battre pour s’ouvrir à la modernité. Ce qui n’enlève en rien à sa féminité. J’avais des craintes surtout que c’était une finale. Quand elle arbitre aussi des matches Navétanes, j’ai souvent peur. Parce que ces matches sont souvent passionnés. Mais Alhamdoulilah. Depuis qu’elle a débuté dans l’arbitrage elle n’a pas eu de problème. Nous allons nous battre pour qu’elle continue sur cette lancée», promet sa tante.