Entretien avec Ousmane DIA, gestionnaire et médiateur culturel, président du CAP : « Si Macky Sall se sépare d’Aminata Touré, les artistes et acteurs culturels se sépareront de lui ! »

La dixième édition de TGD (Tambacounda/Genève/Dakar) vient d’être bouclée à Dakar, une édition à laquelle ont pris part plusieurs artistes de renommée internationale de plus d’une dizaine de nationalités, et qui a connu un succès éclatant. TGD 10 a été d’intenses moments d’échanges et d’expression d’un savoir faire auquel a pris une part active le premier ministre qui a personnellement présidé le vernissage de l’exposition tenue au musée de l’Ifan. Ousmane Dia, le président du Collectif des Artistes Plasticiens (CAP), initiateur de la manifestation, est revenu sur le bilan de cette édition tout comme sur l’actualité politique au Sénégal et dans sa région naturelle du Sénégal Oriental.

TGD10 a vécu, pouvez vous tirer le bilan de cette dixième édition ?

TGD10 s’est tenue cette année à Dakar du 26 décembre 2013 au 4 janvier 2014. Nous avons enregistré une participation de 24 artistes de 9 nationalités différentes dont des sommités comme Paul Jenni, Tova Beck-Friedman, Serigne Mbaye Camara, Soly Cissé, etc… D’autres personnalités comme l’ambassadeur de Suisse au Sénégal tout comme des ambassadeurs sénégalais à l’étranger, la famille du parrain M. Amath Dansokho, ont pris part à certaines activités. Toutes les activités programmées telles que le concert du 29 décembre à Sorano, avec la présence d’une délégation des mômes de l’Empire des Enfants, la conférence et le Workshop ont été réalisées et la quasi-totalité des artistes ayant pris part à ces intenses moments d’échanges nous ont signifié leur satisfaction eu égard à la qualité des prestations, surtout les étudiants de l’École Nationale des Arts. Nous avons seulement regretté le fait que le ministère de tutelle ne nous a pas soutenus malgré les promesses faites dans ce sens. Il s’y ajoute que les différents directeurs de centres culturels régionaux n’ont pas répondu à l’appel, ce qui fait que le séminaire prévu à cet effet n’a pu se tenir. C’est dommage, c’est comme s’ils peinaient à comprendre que TGD doit être une partie intégrante de l’agenda culturel du Sénégal. Qu’à cela ne tienne !

Fort heureusement qu’il y a à la tête du gouvernement du Sénégal une dame à qui nous rendons d’ailleurs un vibrant hommage et à qui nous exprimons notre profonde gratitude. Madame Aminata Touré qui a compris que « la culture est au début et à la fin de tout processus de développement », s’est personnellement investie pour faire de cette rencontre internationale une véritable réussite. Non seulement elle a personnellement présidé le vernissage de l’exposition, mais elle a aussi facilité pas mal de choses dont le transport urbain des artistes, leur hébergement, leur restauration et même la mise à notre disposition du musée de l’Ifan pour le vernissage de l’exposition, le théâtre National Daniel Sorano pour le concert de musique classique ainsi que la maison de la culture Douta Seck pour les workshops. Qu’il me soit permis encore une fois, au nom du Collectif des Artistes Plasticiens (CAP) de la remercier du fond du cœur. En bon premier ministre, je le dis sans ambages, elle a su avec intelligence suppléer le ministre de la culture car il faut le rappeler, l’image de notre pays allait en souffrir. Nous lui tirons le chapeau. Nous remercions également Mme Muriel Berset-Kohen, Ambassadeur de Suisse au Sénégal qui nous a soutenus et accompagnés. TGD10 a été riche en enseignements, maintenant tous les regards sont tournés vers TGD11 qui doit se tenir normalement à Tambacounda en décembre 2014.

 

Vous semblez tresser des lauriers au premier ministre que des rumeurs persistantes donnent sortante de la station primatoriale. Quel commentaire vous en faites ?

Écoutez, je voudrai être formel ! Si Macky Sall s’amuse à se séparer de Mme Aminata Touré, je puis vous assurer que beaucoup d’artistes et acteurs culturels se sépareront de lui car je vais personnellement m’investir pour cela. Ce n’est pas une menace, loin s’en faut, c’est une vérité immuable à laquelle je m’attellerais avec détermination et sans répit.

Il faudrait que certaines pratiques lobbyistes soient à jamais renvoyées aux calendes grecques. Qu’une poignée de matamores, qui ont peut être le privilège de se retrouver dans la sphère présidentielle, et qui sont à des années lumière moins compétents que d’autres sénégalais, pour la sauvegarde de leurs seuls intérêts, se mettent à se livrer à leur jeu favori consistant à débiter des calembredaines sur d’honnêtes gens pour les pousser vers la sortie, doit être combattue jusqu’à la dernière énergie par tout patriote sincère. Ils sont combien de sénégalais comme moi à avoir la chance d’exprimer leur talent ailleurs, dégoûtés qu’ils sont par des pratiques peu orthodoxes de nature à faire émerger une certaine caste de privilégiés qui ne sont pas plus méritants que la plupart des sénégalais ? Allons-nous prétendre développer ce pays en excellant dans la voie de la facilité, de la corruption, de la concussion, de l’impunité, de la promotion de la médiocrité ? Que non ! Il y a une fin à toute chose, et mon intime conviction est et demeure que l’avènement de Mme Aminata Touré à la primature a été vécue par des gens comme moi comme étant une volonté politique du chef de l’État de rompre avec ces pratiques qui ont gangrené notre pays, et cela nous a encouragé à vouloir revenir au bercail pour mettre notre savoir faire, dans le domaine qu’est le notre, à la disposition du pays et aux côtés de gens intègres et suffisamment patriotes, parce ce que ce n’est pas ce qui manque dans ce pays. Utiliser des raccourcis pour se faire une place au soleil doit disparaître au profit de critères méritocratiques. J’exprime toute ma solidarité à Mme Aminata Touré et je l’encourage à persévérer dans la voie qu’elle s’est tracée car pertinemment convaincu qu’elle est la bonne.

 

Êtes-vous prêt à revenir au bercail pour apporter votre pierre à la construction de l’édifice ?

Je ne vous le dirai jamais assez, depuis Senghor nous vivons le même système politique, et cela n’encourage guère certaines gens à mouiller le maillot pour le pays, c’est mon cas par exemple. Je crois dur comme fer en certaine vertus cardinales telles que la transparence, la redevabilité et l’efficacité. Je vois maintenant que le gouvernement du Sénégal, sous le magistère de Mme Aminata Touré, s’y atèle et c’est ce qui me donne des motifs d’espoir que les choses pourraient changer. Si ce n’étaient que des histoires de promotion personnelle, Dieu merci, je ne me plains pas ici à Genève. Je tiens comme à la prunelle de mes yeux à un Sénégal uni et prospère. Je tiens à une région de Tambacounda où la promotion de la richesse est devenue une réalité palpable, ce ne sont pas les atouts qui manquent pour ce faire. Il suffit tout simplement de mettre les hommes qu’il faut à la place qu’il faut et de promouvoir l’excellence. Dans ce cas de figure, je suis prêt à revenir au bercail.

 

Propos recueillis par Boubacar TAMBA SUD FM /