Diyabougou: au lendemain de la vague de violence

Diyabougou. Ambiance d’un village ordinaire. Très ordinaire ! Les « gnaffa » autrement dit les habitations, logées derrière le village, ne grouillent plus de monde. Transaction et marchandage ne sont plus réclamés. Rien n’attire plus faute de clients. Certains étales, avec des marchandes aménagent à même le sol, proposent divers produits sans preneurs à Diyabougou. La fermeture des Diouras est passée par là.

 

 

Le soleil a fini de faire la moitié de son parcours. Ses rayons « déversent » une vague de chaleur dans ce village. L’envers du décor, au-delà des apparences et des commentaires dans les grand-places. Des ruelles sablonneuses, défoncées, quasiment impraticables. Sur la route principale qui mène vers les Diouras, témoigne des violences de la nuit du mardi 5 mars. Les éléments de la brigade de gendarmerie patrouillent en uniforme pour garder un œil sur les orpailleurs. Avec sa moto, un adolescent sans casque fait des tours sur une roue à toute vitesse, sous les yeux des pandores. Des différentes ruelles du site d’orpaillage, quelques habitants se penchent à leur porte pour observer le décor, avant de disparaître rapidement derrière les rideaux. A part ces quelques personnes, les rues du site sont désertes. Diyabougou vivait uniquement de l’orpaillage traditionnel avant que les « diouras » ne ferment.

Le bilan s’alourdit à 10 morts
Les émeutes entre Burkinabés et Maliens qui ont eu lieu dans la nuit du mardi 5 mars se sont soldées par 10 morts et une cinquantaine de blessés. De sept, le bilan est passé à dix morts avant hier. Il s’agit des Burkinabés Djoné Ouédrago, Jonathan Obrado, Ibrahima Ouédrago, Akine Yabré, Aimer Songo et les corps en état de putréfaction très avancés du Burkinabé Savadogo et du malien Makhan Konaté ont été retrouvés dans la forêt avec des oreilles tranchés.  Le malien Sorry Sanogo est le premier à mourir. L’un des blessés Burkinabé parmi 54 blessés admis au district sanitaire de Kédougou a finalement succombé à ses blessures avant-hier. Daouda Nzalé, Burkinabé âgé de 20 ans, un des meurtriers du malien Sorry Sanogo a été arrêté et envoyé en prison. Des autorités sénégalaises et des deux pays ont en tout cas réussi à atteindre leur objectif : mettre fin à la violence et restaurer l’ordre au lendemain de la vague de violence en vingt-quatre heures. Les autorités s’étaient rendues au chevet des blessés le lendemain des émeutes. La tension n’est plus palpable car les deux parties ont fumé le calumet de la paix avant de retourner dans leurs foyers respectifs du Mali et du Burkina à part quelques rescapés trouvés sur le site en ce vendredi.

La famine guette les populations autochtones
Aujourd’hui avec l’arrêt de la fermeture des « Diouras », les habitants aimeraient voir reconnue l’urgence sociale. Il n’y a toujours pas d’emplois alors que le taux de chômage dépasse ici 80%. Et les populations autochtones survivent dans des conditions d’extrême précarité. Un arrêt définitif de l’exploitation artisanale a été notifié aux orpailleurs de Diyabougou. Le dispositif sécuritaire de plus 300 éléments de la gendarmerie pour parer à toute exploitation a été mis sur place, qui ne résout pas le quotidien dans l’immédiat. « Depuis la fermeture des Diouras, on n’a toujours pas de quoi mettre sous la dent », se plaigne une femme qui dit avoir investi plus 500 000 FCFA dans les « Diouras ». Des délégations continuent de venir rencontrer les acteurs de terrain au lendemain des émeutes, pour amener les forces de sécurité à laisser les orpailleurs reprendre le boulot mais c’était sans compter avec les hommes en bleu. Une situation qui n’est pas du goût des populations autochtones qui ont battu le rappel des troupes ce jeudi. Au bord du gouffre, les villageois sont complètement déboussolés car, selon eux, la galère commence déjà. Et pour eux, l’ouverture des « Diouras » est une nécessité pour sauver des milliers de famille. « Dans un jardin pousse plus que le jardinier ne sème », nous apprend un proverbe. Mais la fermeture des « Diouras » sera très difficile pour les populations, parce qu’elles viennent d’être frappés de plein fouet par les gendarmes qui se sont déversées sur les sites depuis l’annonce de la fermeture. Aujourd’hui ne sachant plus à quel saint se vouer, les villageois se sont précipités dès qu’ils ont appris la nouvelle vers leurs sites tout en espérant sauver une partie des « damas ». Sur les lieux, on constate que l’irréparable s’est déjà produit. Certains avaient un nœud dans la gorge et avaient du mal à s’exprimer, surpris par la fermeture. « Nous avons perdu tout ce que nous avions investi dans les Diouras à cause de sa fermeture », dit le porte parole des villageois Djimba Macalou. Et d’ajouter : « Nous sommes vraiment peinés parce que nous savons que c’est le début de la galère ». Selon lui, les pertes sont énormes. « A cause de cette situation une famine précoce va s’installer à Diyabougou ». Et de renchérir : « Nos enfants ont l’habitude de se laver, porter de beaux habits, prendre une bonne bouillie de maïs le matin, se soigner quand ils sont malades et je vous jure qu’on ne pourra rien avoir avec la fermeture des Diouras puis que le village ne vit que d’orpaillages traditionnels ». Plus d’un kilomètre plus loin, c’est le même scénario. Des pères de famille originaires de Tambacounda scrutaient avec inquiétude et impuissance la manière dont la décision de fermer les « Diouras » a été prise. Ces derniers en appelent au bon sens des autorités pour sauver des vies.

 

Ousseynou Diallo / Tambacounda.info /