Ce mois de février a été plus qu’éprouvant pour les orpailleurs traditionnels de la région de Kédougou. En l’espace d’une dizaine de jours, vingt concessions ont été emportées par les flammes à Bantako, cent trente à Sambarabougou et plus de cinq cent à Douta. L’on a décompté deux morts et des centaines de millions de francs partis en fumée. Les communautés appellent au secours d’urgence et souhaitent l’alignement ou le lotissement des dits villages.
A Bantako, localité sise dans la communauté rurale de Tomboronkoto tout comme à Sambarabougou et Douta deux villages d’orpaillage situés dans la communauté rurale de Missira Sirimana, la furie dévastatrice des flammes est sans commune mesure. Dans le premier village, une vingtaine de cases est partie en fumée sans aucune perte en vie humaine fort heureusement. Dans les deux derniers villages, la tristesse et la consternation se lisait tous les visages. Le feu s’est d’abord déclaré à Sambarabougou sous les coups de trois heures du matin jeudi 21 février dernier, puis ce fut le tour de Douta de connaitre deux jours après le même sinistre. Si l’on en croit le chef de village Ibrahima Cissokho de Sambarabougou, cent trente cases sont complètement calcinées, des boutiques avec des marchandises d’une valeur de plusieurs dizaines de millions de nos francs ravagées. Du côté de Douta, le recensement opéré par le chef du service départemental d’appui au développement local de Saraya laisse entrevoir que près de cinq cent concessions, des boutiques et de gargotes sont dévorées par les flammes et deux personnes, tous des guinéens y ont péri, ils volaient au secours de leurs voisins. Ici aussi, les dégâts engendrés sont estimés à des centaines de milliards de francs. Personne n’a su déterminer avec exactitude l’origine de ces incendies, mais tous reconnaitront que les habitas anarchiques faits essentiellement de paillotte ainsi que les bonbonnes de gaz, les bouteilles et bidons d’essence tout comme les futs d’huile ont facilité la propagation rapide des flammes. Les pompiers de Kédougou alertés par le responsable de la compagnie « Bassari Ressources », faute de camion citerne disponible dans le camp de la dite entreprise, ne pouvaient faire grand-chose. Il n’y avait aucune voie d’accès. Les autorités administratives et la gendarmerie se sont rendues sur place pour constater les dégâts et apporter soutien et réconfort moral aux sinistrés.
Le type d’habitat et la nature de certains produits ont favorisé la progression des flammes et ralenti les interventions
On ne le dira jamais assez, la façon dont l’habitat est constitué dans les sites d’orpaillage traditionnel laisse présager que chaque fois qu’un incendie se déclarait, les dégâts seront inestimables. Malgré les centaines de millions de francs qui y circulent, pas grand monde ne prend le soin de construire en dur. Partout, ce sont de petites cases qui essaiment dans un indescriptible galimatias. Il n’ya pas de rues dignes de ce nom, sauf la piste de service construite par « Bassari Ressources » pour rallier ses zones d’exploration. C’est le long de cette piste qu’à Douta et Sambarabougou, les orpailleurs, gargotières, mécaniciens, vendeurs et boutiquiers se sont installés comme ils veulent. Aucune disposition sécuritaire n’est prise, malgré l’organisation mise en place par les chefs de villages avec un groupe d’agents de sécurité affectueusement appelés ici « Tomboulmas ». Pire, la ruée vers l’or fait que le volume démographique de ces villages ne cesse de croître. En 2012 par exemple, la petite bourgade de Sambarabougou groupait près de treize mille âmes nous a confié Baka Cissokho, un conseiller rural habitant le village. Chacun fait ce que bon lui semble, l’essentiel c est de se faire de l’argent. Les opérations régulières de sécurisation des pandores de la légion Est sont à des années lumière de dissuader les orpailleurs dont plus des deux tiers sont d’origine étrangère.
Les chefs de village sollicitent une aide d’urgence et des lotissements
A Sambarabougou et Douta, l’on semble avoir compris maintenant l’intérêt qu’il y a à opérer des alignements et lotissements. Les actions de sensibilisation que mène sur place Lancé Cissé, le chef du service départemental d’appui au développement local de Saraya y sont pour quelque chose. Malgré tout, des conseillers du chef de village de Douta laissent entendre qu’il y a des réticences que certains habitants ont manifestées. « Nous implorons l’Etat et ses partenaires à nous venir en aide dans les meilleurs délais car jusqu’ici, certaines victimes n’ont même pas de quoi porter encore moins manger. Toutes les victimes dorment à la belle étoile, sur des sacs de riz vides » expliqueront Ibrahima et Bourama Cissokho, respectivement chefs des villages de Sambarabougou et Douta. Mieux, ils inviteront la puissance publique à procéder au lotissement ou à l’alignement des villages. Sur cette question, le chef du service départemental d’appui au développement local de Saraya dira déjà procéder aux mesures nécessaires. Il produira un rapport dans ce sens, et son intime conviction est que les populations gagneraient doublement à accepter le lotissement car il y aurait plus d’occupation anarchique de l’espace qui ferait gagner beaucoup plus de parcelles, et les dégâts en cas d’incendie seraient limités au strict minimum. Déjà, certaines victimes s’affairent au tour de la reconstruction de leurs cases ou boutiques, d’autres cherchent à tout prix à se faire recenser, espérant que l’Etat volera à leur chevet et leur octroierait des parcelles.
Boubacar Dembo Tamba / Tambacounda.info /