La crise du Nord Mali : Causes, conséquences et solutions de sortie de crise

  1. Généralités

    1. Présentation Géographique :

Le Mali, pays de l’ouest africain, à cheval sur la zone sahélo-saharienne couvre une superficie de 1241021 km°2 et a une population pluri ethnique. Le Mali compte administrativement 08 Régions et un District : les régions de Kayes, Koulikoro, Sikasso, Ségou, Mopti, Tombouctou, Gao, Kidal et le District de Bamako (Voir carte1). Les aléas climatiques semblent diviser le territoire national en deux entités géographiques bien distinctes : le Nord Mali (couvrant les régions de Gao, Tombouctou et Kidal) et le Sud regroupant les autres régions. Le Nord Mali : Au-delà même du clivage dû aux aléas climatiques, le Nord Mali ou Septentrion du Mali tire son appellation de l’histoire profonde de notre territoire.

1.2 Un pan de l’histoire du Nord du Mali

Le peuplement du septentrion du Mali remonte à la préhistoire du fait que le premier homme découvert dans cette zone, dans les grottes deTilemsi,était l’homme d’Asselar. Il était négroïde, c’est l’ancêtre des songhoy. L’empire Songhoy s’étendait du lac Debo au Nigéria, aux abords du fleuve Niger. Les Touaregs seraient des descendants des pasteurs Berbères chassés de la Libye par les Arabes au 7ème siècle. Ils s’appelaient les Garamantes et leur nom actuel de Targui (venant de Targa) leur serait attribué par les Arabes. C’est à partir du 8ème siècle qu’ils migrèrent dans l’Adrar, l’Air et le Hoggar. Leur nombre grandissait au fur et à mesure que les rois Marocains (Moussa Ben Nacir et Beni-Massan) refoulaient les Berbères vers le Sahara. Plus tard, au courant du 9ème siècle les Touaregs payaient un « droit de sol » auxSonghoy. L’empereur Askia Mohamed nommera même des gouverneurs touaregs dans la Région de Tombouctou. La chute de l’Empire Songhoy en 1591, par les Marocains, ouvrit davantage les rives du fleuve Niger aux Touaregs. Ainsi donc, le même territoire fut partagé par plusieurs ethnies (Songhoy, Arma, Sorko, Bamabara, Arabes, Touareg, Peuls, etc. …) qui se voyaient obligatoirement complémentaires de par leurs activités (agriculteurs, pasteurs, pécheurs, etc.….). Ces liens de travail engendrèrent, à coups sûrs, d’autres liens de tous genres (mariages, culture, cousinages) aboutissant à un véritable brassage pluriethnique harmonieux ; mieux à des pactes intra-ethnique et inter-ethnique dits « cousinages à plaisanterie ». Les différents pactes ont servi à résoudre de nombreux petits conflits entre populations partageant le même espace vital, ayant donc une communauté de vie et de destin et ce, pendant plusieurs siècles. Malheureusement, avec l’avènement de la colonisation, les nouveaux maitres de l’Afrique (qui l’ont d’ailleurs découpée artificiellement en mini-morceaux) ont fait appeler cette partie du Soudan Français « espace des hommes bleus », c’est-à-dire les Targui : c’est l’Azaouad. En plus de la partie Malienne cet espace s’étendra à des parties de 4 autres Etats : le Niger, la Libye, l’Algérie et le Burkina Faso. Cette notion de ” espace des hommes bleus ” fut inculquée dans l’esprit des Targui. Elle n’est qu’une déformation pure et simple de notre histoire commune.C’est de là qu’est partie la crise dite crise du Nord Mali.

  1. Genèse de la crise du Nord Mali :

Le Nord comme le Sud Mali sont habités par des populations ” Noires ” et ” Blanches “, toutes des citoyens d’une même République, vivant en symbiose avec toutes les diversités culturelles, économiques et sociales : c’est la Nation Malienne. C’est ensemble que toutes les composantes de la Nation malienne s’étaient opposées à la pénétration coloniale, d’où qu’elle vienne, du Nord, du Sud, de l’Est ou de l’Ouest ; Toutefois, pendant cette période, a-t-on constaté des alliances et contre alliances avec le colonisateur, çà et là, pour venir à bout des maîtres locaux. Dans les années soixante, quand les peuples africains réclamaient leur indépendance du colonisateur, le pétrole faisait son apparition en Algérie. A cause de cette ressource, le colonisateur français a concocté un projet de délimitation d’un « Territoire National des régions sahariennes » très riche en pétrole, indispensable pour l’essor de l’économie française à terre après la IIème guerre mondiale. La volonté de la France était d’annexer cette partie de l’Afrique pour en faire un prolongement de son territoire. Il s’agissait donc clairement de détacher les espaces sahariens du Soudan Français, de l’Algérie, de la Mauritanie, du Niger, du Tchad, de la Haute Volta… pour en faire un espace autonome rattaché à la France. C’est ainsi qu’est né le fameux projet de l’ « Organisation Commune des Régions Sahariennes : OCRS » du Général de Gaulle en 1956. Ce vieux projet Français fut vigoureusement rejeté par les chefs traditionnels de Gao et de Kidal en 1959, lesquels réaffirmèrent leur attachement indéfectible à la République Soudanaise.

2.1 La crise sois la 1ère République

Le Mali fut indépendant le 22 Septembre 1960. La jeune République,conduite par le Président Modibo Keita,ambitionnait un développement socio économique harmonieux et participatif au bénéfice de tous les Maliens à travers un plan quinquennal 1961-1965. La France était toujours en rapports étroits, très étroits et obscurs avec ses « hommes bleus » pour les pousser à réclamer toujours leur « espace » avec des velléités indépendantistes. C’est ainsi qu’éclata la première révolte touarègue en 1963 à Kidal, pour cause de dysharmonie de développemententre le Nord Mali et le Sud Mali. En réalité, héritée de l’époque coloniale, cette raison n’est qu’un prétexte apparent, la motivation réelle est ailleurs. Cette première révolte fut réprimée militairement par le régime de Modibo Keita ; ce qui exacerba les contradictions entre les communautés « Blanches » du nord et le pouvoir central. Le Coup d’Etat du 19 novembre 1968, perpétré par le Lt. Moussa Traoré,est intervenu dans cette atmosphère, anéantissant tous les efforts consentis par la 1ère République tant sur le plan social pour la paix que sur le plan du développement économique du Mali en général et des régions du Nord Mali en particulier.

2.2 La crise sous la 2ème République

En plus des séquelles de la 1ère révolte Touareg de 1963, le Mali connaitra une longue période de sécheresse (10 ans environs) dont les effets sont catastrophiques sur tout le territoire en général et drastiques dans le Nord Mali : famine, perte de cheptel, dégradation de la biodiversité, rupture des équilibres sociaux avec des corolaires de conflits. Ainsi, la plupart des populations nomades migraient, soit à l’intérieur du pays vers les centres urbains, soit vers d’autres destinations comme la Libye, l’Algérie, le Liban, la Palestine, le Pakistan, etc.… Aussi, l’Etat engagea des sommes considérables pour venir en aide aux populations restées sur place, mais également pour la réalisation d’infrastructures de base, avec un coût de 342,44 milliards pour l’ensemble du pays dont 166,73 milliards pour les seules régions du Nord Mali.Malheureusement, la gestion de ces ressources a été catastrophique pour ne pas induire les effets escomptés. Aux côtés de l’Etat de nombreux partenaires au développement de l’Etat ont eux aussi initié beaucoup de projets pour le compte du Nord Mali, afin de rattraper le gap entre le Sud et le Nord. C’est aussi sans compter avec les ressentiments qu’ont les populations Touareg à l’issu de la gestion de la 1ère révolte de 1963. Alors, une autre révolte inattendue survint !

La rébellion de 1990 :

Non satisfaits jusqu’ici des résultats issus des investissements entrepris par l’Etat et ses Partenaires et animés d’un esprit de vengeance des exactions de la révolte de 1963, les Touaregs déclenchèrent une nouvelle rébellion dans la nuit du 28 au 29 juin 1990 dans le Nord Mali. Ils revendiquent dorénavant leur implication directe dans la gestion des affaires initiées en leur nom et pour eux, dans leurs terroirs. Les auteurs de cette nouvelle rébellion, sont essentiellement les jeunes nomades qui s’étaient exilés en Libye depuis la 1ère révolte de 1963 et pendant les années de sécheresse de 1973 à 1984. Ils avaient une haine viscérale contre leur patrie, le Mali et ont été militairement formés en Libye au métier des armes pour aller combattre sur plusieurs fronts comme mercenaires : Tchad, Palestine, Liban, etc.…. De retour au Mali ils commirent beaucoup de tueries, des dégâts matériels importants et provoquèrent des déplacements massifs (populations civiles, administration….) vers l’intérieur du pays et/ou vers les pays voisins. Entre autres conséquences, tous les efforts de développement entrepris pour les régions du Nord Mali sont encore annihilés.

Quelles solutions ?

2.3 Les accords de TAMANRASSET :

En janvier 1991, pendant que le régime de Moussa Traoré faisait face à des remous du mouvement démocratique pour l’instauration de la démocratie et le multipartisme, une délégation du Gouvernement Malien rencontrait à Tamanrasset les mouvements rebelles, le M.P.A (Mouvement Populaire de l’Azaouad) et le F.I.A.A (Front Islamique Arabe de l’Azaouad) afin d’éteindre le « feu » de ce coté. Les Accords signés au cours de cette rencontre, en Janvier 1991, se résument en 8 points (voir copie en annexe) :

  1. le cessez – le – feu et la libération des prisonniers ;

  2. le cantonnement des éléments rebelles ;

  3. l’allègement des dispositifs de l’armée dans les 6ème et 7ème régions ;

  4. le désengagement des forces armées de l’administration civile ;

  5. la suppression de certains postes militaires ;

  6. l’intégration des éléments rebelles dans l’armée ;

  7. l’accélération du processus de la Décentralisation ;

  8. l’affectation aux régions du Nord de 47,3% des crédits d’investissement.

Cependant, de la date de signature desdits Accords de Tamanrasset au 26 mars 1991, date du coup d’Etat contre le régime de Moussa Traoré, la commission de suivi mise en place à cet effet constata le non respect de ces Accords par les mouvements rebelles. Les Autorités de la Transition Malienne, avec en tête le colonel Amadou Toumani Touré, ont malgré tout signifié leur attachement aux Accords de Tamanrasset par le truchement des MM. Edgar Pisani et Ahmed Baba Miské. En retour, la totalité des mouvements rebelles signataires des Accords de Tamanrasset ont déclaré leur volonté à améliorer leur attachement aux mêmes Accords.

2.4 La crise sous 1ère Transition: Le CTSP

La 1èreTransition Malienne s’est étalée de Mars 1991 à Avril 1992, conduite par le CTSP (le Comité de Transition pour le Salut du Peuple). Il faut noter que pendant cette période les mouvements rebelles n’ont pu honorer leur engagement, car des dissidences en leur sein ont multiplié des attaques au Nord Mali et même dans d’autres régions du pays, faisant beaucoup de victimes civiles, sédentaires comme nomades, des vols de bétails, de véhicules et des dégâts matériels. Le climat d’insécurité ainsi créé mettait en péril l’application des Accords de Tamanrasset. L’impasse était là.

Que faire ?

2.5 Le pacte national :

La conférence Nationale du Mali, organisée par les Autorités de la Transition (du 31 Juillet au 15 Août 1991) sur l’étatde la Nationet son orientation future, a décidé de l’Organisation d’une Conférence Spéciale sur le Nord de notre pays avec une participation très large de toutes les composantes des populations du Nord. De nombreuses rencontres préparatoires eurent lieu à l’intérieur du pays, comme au-delà de nos frontières pour plusieurs raisons (la position géographique du Mali, les brassages ethniques, les échanges commerciaux entre le Mali et les autres pays, etc.…). Toutes les rencontres ainsi réalisées aboutirent à l’élaboration d’un Pacte National, signé le 11 avril 1992 à Bamako et qui vise essentiellement le rétablissement de la paix, la réconciliation nationale et l’intégration socio économique des régions du Nord (voir copie en annexe). Le Pacte National est une étape fondamentale dans la résolution des crises à répétition dans le Nord Mali, entre les populations locales (essentiellement les Touareg) et le pouvoir central depuis le 16ème siècle (1591). Une copie du Pacte National est annexée à ce document pour permettre une bonne compréhension de son contenu par tous. Les points saillants de ce Pacte sont :

  • l’arrêt définitif des hostilités par tous ;

  • le statut particulier du Nord Mali ;

  • le calendrier de mise en œuvre du Pacte.

2.6 La crise sous la 3ème République : Mise en œuvre du pacte national

Au terme de la transition dirigée par le Colonel Amadou Toumani Touré, des élections présidentielles furent organisées en 1992 et portèrent Monsieur Alpha Oumar Konaré à la tête de l’Etat pour un mandat de 5 ans renouvelable. Le Président Alpha effectuera 2 mandats au sommet de l’Etat et était chargé de la mise en œuvre des recommandations du Pacte National. Il s’agit entre autres :

  • du cessez – le- feu :mis en vigueur le 11 avril 1992 mais violé par des groupuscules dits « bandits armées » ;

  • de l’Intégration des combattants : 3000 combattants désarmés dont 640 incorporés en 1992, 1250 incorporés en 1994, 250 incorporés en 1995. Le processus fut interrompu à cause de la violation des clauses du pacte par les mouvements rebelles ;

  • de l’allègement du dispositif militaire dans le Nord Mali : Abeibara, Tin Essako, Bouressa, Tinzaouatène, Tilabit, Tarkint, Fanfi, etc… ;

  • du rapatriement des populations déplacées : celles qui sont réfugiées en Mauritanie, au Burkina Faso et en Algérie ;

  • de la création d’une Commission d’Enquête Indépendante ;

  • de la mise en place d’un Programme Spécial de développement du Nord pour 10 ans, à partir d’avril 1991 ;

  • etc……..

La mise en œuvre du Pacte National devrait se poursuivre progressivement jusqu’au rétablissement définitif de la paix dans le Nord Mali, la réconciliation nationale et le décollage du développement économique des régions du Nord Mali. Pour ce faire, l’Etat Malien et ses Partenaires ont engagé des sommes importantes pour le retour de l’administration dans le Nord Mali et pour le développement économique de ces régions. Au nom de la paix, de nombreuses armes ont été récupérées sur les ex-combattants puis brûlées à Tombouctou au cours d’une cérémonie solennelle dite Flamme de la paix, le 27 mars 1996. A la fin de cette cérémonie, tous les mouvements rebelles ont proclamé leur dissolution et les combattants ont été amnistiés à travers une loi (n°97-016 du 07 mars 1997). Nous espérions ainsi la paix définitivement établie, la sécurité amorcée pour la relance des activités de développement dans le Nord Mali. Que serait-il arrivé alors ?

2.7. L’accord d’Alger 2006 :

A la fin des 2 mandats du Président Alpha Oumar Konaré, le Président de la transition Amadou Toumani Touré reviendra au pouvoir par voie démocratique. Il avait donc en charge de poursuivre la mise en œuvre des recommandations du Pacte National, tâche difficilement assumée par son prédécesseur Alpha à cause des tergiversations des mouvements rebelles. Malheureusement, encore une fois, la trêve apparente depuis l’amnistie générale de mars 1997 fut interrompue par les événements du 23 mai 2006perpétrés par des combattants Touareg de Kidal, non contents des avancés dans le développement des régions du Nord Mali. A la suite de ces événements de nombreuses rencontres furent organisées pour ramener encore la paix dans ces régions. Un ultime accord dit Accord d’Alger fut signé à Alger en 2009 entre les combattants, la République du Mali et la République d’Algérie (voir copie en annexe). L’Accord d’Alger, avec 5 points prioritaires, vise essentiellement la libération de toutes les personnes détenues (de part et d’autre) à la suite des événements du 23 mai 2006, la mise en œuvre de la délocalisation des casernes, le retour des armes, munitions et autres matériels militaires de l’Etat enlevés par les combattants. La lenteur des pouvoirs publics dans la mise en œuvre des recommandations précédentes et les récents évènements intervenus en Libye ayant entrainé la chute du guide libyen ont favorisé le retour en force des combattants Touareg dans le Nord Mali.

2.8. Les événements de 2012 :

Les combattants Touareg, organisés au sein d’une association dite Mouvement National de Libération de l’Azaouad (MNLA) depuis juillet 2011, étaient exilés en Libye, formés militairement et aguerris au métier des armes. Avec la chute de leur chef spirituel en Libye, conduits par Mohamed Ag Najem (ex colonel de Mohamar El Kaddafi), ils sont rentrés au Mali avec comme seuls bagages :DES ARMES. Ils ont été reçus en pompe par le Président Amadou Toumani Touré au palais de Koulouba à Bamako. Retournés à leur base à Kidal, quelle ne fut la surprise de l’opinion nationale et internationale quand les « hommes bleus » attaquèrent, coups sur coups, dans le Nord Mali. Les villes commencent à tomber, les unes après les autres, dans leur commandement : Ménaka, Tessalit, Aguelhok, Léré, …… et ainsi de suite. La suite est connue de tous : c’est la partition du pays en deux morceaux ; les 2/3 du territoire sont aux mains des rebelles et seulement le 1/3 pour le pouvoir central (voir carte 2 en annexe). Pour la 1ère fois il y’a un embrasement total du Nord Mali avec comme argument massue : l’irrédentisme Touareg, le sentiment de leur marginalisation économique, politique, communautaire et la non application correcte des différents Accords conclus avec les pouvoirs centraux successifs du Mali. Les combattants Touareg se trouvent mieux équipés que les soldats de l’armée régulière du Mali. Ce ci explique la déroute des troupes nationales et les nombreuses désertions en leur sein, notamment les militaires maliens Touareg qui rejoignent automatiquement leurs frères du MNLA. La situation se compliqua davantage quand les JIHADISTES D’AQMI (Al Qu’aida au Maghreb Islamique), du MUJAO, d’ANSARDINE, du BOKO HARAM et autres se mêlèrent de la danse aux côtés du MNLA. Les cartes 2.1 et 2.2 représentent respectivement la position des mouvements rebelles au Nord Mali en 2012 et les activités de tous les mouvements terroristes en Afrique Sahélienne depuis au moins 10 ans. Les Jihadistes sont, pour la plupart, des combattants d’autres nationalités (Algériens, Pakistanais, Libanais, Mauritaniens, Libyens, etc.……) et seraient venus par le truchement d’un certain IYAD AG GHALI, Député élu à Kidal, meneur de toutes les rebellions Touareg de 1990 à 2006 et parrain tacite du MNLA. La cohabitation entre combattants du MNLA et les Jihadistes ne dura que quelques instants. Il ne peut en être autrement car, les deux groupes n’ont pas la même vision pour le Mali : les Jihadistes seraient venus pour la « charia » (l’instauration et l’application stricte des lois islamiques) sur l’étendue du territoire Malien ; quant au MNLA, il lutte pour des revendications territorialiste et indépendantiste sur l’ « espace des hommes bleus » qu’est l’Azaouad. Les contradictions s’amplifiant, les plus forts militairement, les Jihadistes ont bouté le MNLA hors du Malipour rester maitres du terrain. Entre temps, un coup d’Etat militaire (prévisible !!!) perpétré par le Capitaine Amadou Haya Sanogo et ses hommes mettra fin au régime impuissant du Général Amadou Toumani Touré le 22 mars 2012. L’armée malienne en déroute et les combattants MNLA impuissants laissent les Jihadistes de Iyad Ag Ghali commettre toutes sortes d’exactions sur les paisibles populations du Nord Mali (pour celles qui sont restées sur place) jusqu’à Douenzta, limite sud de leur domaine d’actions. L’Administration malienne, de nombreuses populations civiles (toutes ethnies confondues) et l’armée nationale ont déserté le territoire pour les Jihadistes, du fait des sévices, pour les autres villes au sud du Mali ou pour se réfugier dans les pays voisins comme indiqué sur la carte 2 en annexe. La République du Mali, avec sa devise UN PEUPLE –UN BUT – UNE FOI se trouve ainsi divisée en deux entités distinctes par la force des occupants venant de tous azimuts. Les conséquences collatérales les plus inquiétantes pour le reste du territoire contrôlé par le pouvoir central se résument à l’instabilité politique.

Qui dirige à Bamako ?

La réponse à cette question est essentielle pour que tous les décideurs parlent d’une même voix afin de recouvrer les régions du Nord Mali et restaurer L’INTEGRITE de notre TERRITOIRE. Pour ce faire beaucoup d’interventions ont été faites tant sur le plan national que sur le plan international pour installer à Bamako une Autorité qui servira d’interlocuteur pour les Partenaires.

  1. La période de la 2ème Transition

Le Mali est dans une période transitoire indécise depuis le coup de force du 22 mars 2012 perpétré par le Capitaine Amadou Haya Sanogo. Le retour à l’Ordre Constitutionnel fut consacré par un Accord-Cadre signé entre le Capitaine Sanogo et la CEDEAO. Cet Accord porta le Président de l’Assemblée Nationale (2007- 2012), le Pr Dioncounda Traoré, à la tête de la Transition pour l’élaboration et la mise en œuvre de la feuille de route de la nouvelle Transition. Les Autorités de la transition, avec l’aide de toutes les forces vives de la nation et la Communauté Internationale travaillent d’arrache – pied pour la récupération des territoires occupés afin de restaurer l’intégrité territoriale du Mali, la paix et la sécurité, l’organisation d’élections libres, transparentes, crédibles et acceptables par tous ; ce conformément à unefeuille de route consistante pour la transition. Il sera fastidieux de rappeler ici toutes les péripéties de l’élaboration de cette nouvelle feuille de route pour le Mali.

  1. Synthèse de la gestion de la crise du Nord Mali

Eu égard à tout ce qui précède, forceest de reconnaitre que la crise du Nord Mali, avec révolte à répétitions de la seule communauté Touareg depuis l’Indépendance de notre jeune République, est au cœur de tous les maliens à cause de toutes ses conséquences gravissimes pour la survie de notre Nation (insécurité, victimes innocentes, intégrité territoriale menacée, annihilation de tous les efforts pour le développement, etc…). De nombreuses interrogations se posent aux niveaux national et international quant au vrai fondement de cette crise à travers ses rebondissements (souvent dans la spontanéité) et sa velléité récente d’extension vers le sud du Mali. Face à cette situation les différentes autorités maliennes ont toujours eu le souci de trouver une solution au conflit en face pour conforter l’unité nationale afin de s’atteler ensemble au vrai problème de développement économique, social et culturel du pays. Toutefois, depuisla 1ère révolte des Touareg en 1963, les autorités maliennes ont fait le constat que la motivation profonde de la crise du Nord Mali était territorialiste. Aussi, ces autorités n’ont rien ménagé, avec l’aide de la communauté internationale, pour circonscrire cette crise et faire éviter une implosion nationale, voire une déstabilisation sous-régionale. C’est ainsi que les différents Accords, Pactes et Recommandations(dont les économies ont été faites dans le point Genèse de ladite crise) ont été signés entre les parties prenantes aux différentes étapes de cette crise à répétitions. Force est de reconnaitre que les répétitions de la crise au Nord Mali et même les velléités de sa récente extension plus au sud du pays expriment à suffisance que tous les acteurs signataires des Accords, Pactes et Recommandationsn’avaient pas la même vision pour le Mali. En effet, les combattants Touareg qui sont partie intégrante de toutes les signatures de << cessation de feu >>, qui arguaient du relèvement des défis de la gestion administrative catastrophique de notre pays, de la dysharmonie de développement économique entre le Nord et Sud de notre paysne prenaient pas conscience de la réalité des difficultés (contraintes spécifiques à chaque région) à relever les multiples défis, en quel temps et avec quels moyens pour un pays comme le Mali aux ressources bien limitées. Dans le cas particulier des régions du Nord Mali les contraintes naturelles qui sont des facteurs handicapants pour le développement rapide sont entre autres :

  • leur état d’enclavement, lié à l’étendue de ces régions (75% du territoire nationale à elles seules) ;

  • la faible densité de la population et sa mauvaise répartition (10% de la population totale pour les 3 régions) dans ces régions ;

  • l’aridité et la désertification très avancées dans ces régions ;

  • les indicateurs de développement très défavorables dans ces régions.

A l’opposé de ces contraintes, ces régions présentent toutefois des atouts qui permettent de transformer leurs contraintes pour arriver à un niveau de développement améliorant les conditions de vie des populations dans ces entités. Il s’agit entre autres :

-du fleuve Niger avec ses énormes potentialités (agriculture, énergie, pêche) ;

-des ressources minières (phosphates, manganèse, etc…) ;

-des ressources en eau souterraine abondantes ;

-des pâturages abondants pour l’élevage ;

-des ressources artisanales et touristiques importantes ;

-des ressources énergétiques solaires importantes, etc.

Les différents Gouvernements de la République du Mali ont tant soit peu honoré leurs engagements en initiant et en conduisant de nombreux projets et programmes de développement, en mettant en œuvre certaines des différentes recommandations des Accords passés. Une étude récente de la Banque Mondiale aurait montré que la compilation des coûts des différents investissements dans le Nord Mali s’élèverait à environ CENT MILLE MILLIARDS DE FRANCS CFA (100 000 000 000 000 FCFA) tous secteurs confondus. Force est de reconnaitre aussi que ces fonds ont été mal investis car ne touchant pas directement les populations locales pour l’amélioration de leurs conditions de vie. Ce qui donne à ces populations le ressentiment qu’elles sont toujours abandonnées, laissées pour compte. Alors, la solution à l’irrédentisme Touareg n’est pas encore trouvée.

Que faire?

  1. Propositions et solutions de sortie de crise :

Il n’est pas inutile de rappeler que toutes les formes de menaces sur l’intégrité du Mali et sur l’unité nationale, depuis l’indépendance de notre pays sont parties de Kidal, apparemment pour cause de mal développement de cette région. En réalité, la toile de fond de toutes les attaques est l’irrédentisme Touareg. Le Mali et toute la communauté internationale se doivent d’envisager des solutions nouvelles pérennes, voire radicales pour mettre définitivement fin à cette sempiternelle question du Nord Mali. La persistance de la crise au Nord Mali (depuis 1963 à nos jours, 2012) et sa complexité et / ou généralisation(avec l’implication des Jihadistes aux côtés des << hommes bleus >> de Kidal) recommandent à tous les amis du Mali d’envisager d’autres solutions plus radicales, traitant définitivement cette criseet induisant un développement humain durable pour tout le Mali en général et pour les régions du Nord en particulier. Pour notre part, en plus d’anciennes mesures prises sur les plans national qu’international (que nous rappellerons) nous faisons les propositions suivantes :

  • négocier, seulement avec les mouvements combattants constitués uniquement de citoyens maliens notoirement connus de tous ;

  • nettoyer tous ceux qui sont allochtones et terroristes ;

  • organiser de nouvelles assises nationales avec toutes les composantes représentatives de la nation malienne, avec tous les amis du Mali pour faire une analyse approfondie de la situation, à cœur ouvert, puis dégager une stratégie de réunification de la nation entière.

L’élaboration de cette stratégie est l’étape la plus délicate et la plus essentielle car, elle doit tenir compte des spécificités de chaque région (contraintes et atouts) pour déduire des plans spécifiques de développement. Les plans spécifiques doivent intégrer l’implication des populations locales pour lesquelles ils doivent être conçus et mis en œuvre. Dans le cas particulier de Kidal il faut objectivement tenir compte de sa très grande étendue (264.000 km2, soit 21% du territoire national), son sous-peuplement (seulement 42.479 habitants en 1999, soit 0,4% de la population totale du Mali), son très grand éloignement de Bamako (plus de 1700 km), son état d’enclavement trop marqué et l’insécurité ambiante (sécurité et développement étant indissociables). Toutes raisons qui découragent les Partenaires au développement du Mali à aller dans cette région. Le rappel de ces données est loin d’être un appel à faire un favoritisme exagéré et/ou communautariste pour cette région mais plutôt pour faire du réalisme pour avancer. Il ne sera plus jamais question au Mali de faire de la ségrégation raciale ou communautaire pour le développement. Le peuple malien conscient, vigilant, veille au ‘’ grain ‘’ et décidera.

  • l’organisation d’élections générales, transparentes, crédibles et acceptablespar tous pour l’avènement d’un pouvoir légitime et démocratique qui sera chargé de la mise en œuvre de toutes les recommandations issues des nouvelles assises nationales. Il faut noter qu’au cours de ces nouvelles assises, les participants souverains décideront du sort qui sera réservé aux différents Accords de 1963 à 2012 car, certaines recommandations antérieures, çà et là, sont sectaires, ségrégationnistes, donc injustes.

  • larévision puis le renforcement de la Décentralisation sur le territoire national. Une Décentralisation forte appliquée à la lettre est un gage sûr pour tout développement participatif des populations à la base.

  • la relance du développement dans un cadre de bonne gouvernance au profit de toutes les populations du mali, consolidant la paix et renforçant l’unité nationale.

Toutes ces activités programmées doivent être exprimées dans un Agendacontrôlable directement par le peuple et/ou par ses représentants élus à différents niveaux (Mairies, Conseils de Cercles, Conseils Régionaux, Assemblée Nationale, etc…). Le Gouvernement démocratiquement mis en place se donnera tous les moyens pour la mise en œuvre des recommandations.

  1. Quel rôle de la Safra dans la sortie de crise du Nord du Mali ?

L’espace SAFRA est apparemment très loin du Théâtre des opérations de la crise du Nord Mali. Cependant le Directoire de la SAFRA (qui regroupe le Comité de Coordination des différents Comités Locaux SAFRA et la Direction du SYMPOSIUM de la SAFRA) est bien conscient qu’une grande partie de << l’Espace SAFRA >> et le Nord Mali appartiennent tous à la même entité géographique : LA BANDE SAHELO-SAHARIENNE. Dans cette aire géographique l’histoire a montré que les mouvements des hommes peuvent s’effectuer aussi facilement que les lois de l’osmose. Sinon, comment comprendre l’enlèvement d’un paisible citoyen Français à Diéma, au cœur de l’espace SAFRA Kayésien, par des combattants Jihadistes venant du Nord Mali en Novembre 2012 ? La SAFRA, dans son <<esprit>>, depuis sa création en 1980, a comme objectif principal la résolution des conflits(de tous ordres) dans son <<espace>>par le dialogue pour réussir l’intégration sous régionale par la base, c’est-à-dire par les populations locales. Depuis sa naissance à nos jours, la SAFRA s’est élargie tant en << espace >> (adhésion de nouveaux pays) qu’en << esprit >> (résolution de nombreux conflits, quête pour plus de démocratie et de développement économique). Pour ce faire la SAFRA s’est donné les moyens de sa politique en créant beaucoup de réseaux en son sein dont :

  • le réseau des Maires des villes SAFRA ;

  • le réseau des Femmes SAFRA (AF-SAFRA) ;

  • le réseau des Gouverneurs de l’espace SAFRA ;

  • le réseau des Parlementaires de l’espace SAFRA (en gestation) ;

  • le réseau des Communicateurs Traditionnels de l’espace SAFRA ;

  • le réseau des Organisations de la Société Civile de l’espace SAFRA ;

  • le réseau des Historiens (en gestation) de l’espace SAFRA ;

  • le réseau des Personnes Ressources (en gestation) de l’espace SAFRA ;

  • etc…

Tous ces réseaux travaillent en synergie et inlassablement pour la réussite de l’esprit SAFRA, souvent même au-delà des limites de l’espace SAFRA. En plus de tous ces réseaux et les Hautes Autorités des différents pays SAFRA, il faut noter que les actions de la SAFRA sont soutenues par des Organismes Sous- Régionaux comme la CEDEAO, l’UEMOA, la CONFEJES, etc… On peut donc comprendre ainsi, assez aisément que la SAFRA a toute sa place dans la résolution de la crise du Nord Mali. Elle peut et doit pleinement jouer un rôle de grande importance dans la résolution définitive de cette crise qui n’a que trop duré, avec son lot de victimes innocentes au sein de populations civiles laborieuses qui ne demandent que plus de paix et de sécurité pourvivre et améliorer leurs conditions de vie, voire pour un développement participatif local.


  1. CONCLUSIONS :

Nous osons espérer que la présente communication soit une contribution de la SAFRA pour sensibiliser davantage les DECIDEURS, à tous les niveaux (national, sous-régional comme international) pour alléger les souffrances des populations en quête de paix et de sécurité pour leur bien être. Au terme de la présente 25ème édition de la SAFRA de nombreuses recommandations seront faites à propos des crises et conflits dans la Sous-région pour le bonheur des populations. Un appel dit << l’appel de BOKE >> sera lancé à cet effet et fera tâche d’huile dans l’histoire de la SAFRA, traduisantclairement la volonté du peuple SAFRA à espérer la fin de la crise du Nord Mali et celle de toutes les autres crises dans la sous région pour aspirer à plus de paix, de sécurité et de DEVELOPPEMENT.

LA PAIX N’A PAS DE PRIX !!!

Je vous remercie.

Pr.Kaourou DOUCOURE, Ancien DEPUTE, Région de Kayes ; Membre CADERKA ; Personne ressource pour le Comité Local SAFRA Kayes /