Redécoupage, orpaillage et télécommunications : Les trois maux de Missira Sirimana

S’il y a une chose au moins qui fait l’unanimité dans la communauté rurale de Missira Sirimana, ce sont les problèmes soulevés par le dernier redécoupage administratif. Missira Sirimana se retrouve dans l’arrondissement de Sabodala distant de plus de cent kilomètres de certains villages de cette collectivité. L’orpaillage en rajoute aux difficultés des populations, ainsi que les télécommunications qui font grandement défaut ici.

Constituée de vingt villages et de deux hameaux, la communauté rurale de Missira Sirimana située dans le département de Saraya, est coincée entre le Mali et l’arrondissement de Bembou, plus proche d’elle que celui de Sabodala auquel il est rattaché. Neuf des vingt villages font frontière avec le Mali, plus précisément le cercle de Kéniéba. Ici vivent plus de huit mille âmes toutes « révoltées » contre le dernier redécoupage administratif.

Première épine dans les pieds des populations, le redécoupage administratif

Partout dans le Sirimana, le discours est le même, aussi bien chez les jeunes que chez les femmes et les adultes. Mêmes des anciens se diront estomaquées par le redécoupage administratif qui a fait fi du projet « savamment » concocté par les populations, et qui proposait l’érection de cette communauté rurale en arrondissement composé des communautés rurales de Missira Sirimana, Sayansoutou et Daloto. Il faut traverser une bonne partie du Bélédougou, notamment la communauté rurale de Khossanto pour aller à Sabodala, et cela fait plus de cent vingt kilomètres pour les habitants de Sayansoutou par exemple, si l’on en croit le président du conseil rural. L’une des conséquences de cet acte administratif est que pas mal de citoyens ne se bousculent guère devant les services d’état civil de la sous préfecture de Sabodala. Cela est non seulement éprouvant avec une bonne journée de voyage, mais aussi cher. Des enfants naissent, et n’ont pas de pièce d’état civil. Des jeunes menacent de battre le macadam pour que ce qu’ils considèrent comme étant « une bourde » de la puissance publique soit rectifiée dans les meilleurs délais.

L’orpaillage traditionnel, l’autre casse-tête chinois

Les sites d’orpaillage essaiment dans la communauté rurale de Missira Sirimana, mais ceux qui retiennent le plus l’attention sont ceux de Douta et Sambarabougou récemment ravagés en partie par des incendies qui ont fait deux morts et des centaines de millions de francs de dégâts. Sinon à Daloto, Illimalo, Bokhodi ou encore Assaguiri, Mourang et Sakhoto, existent des sites d’orpaillage pas très importants, compte tenu du nombre peu élevé de personnes qui les fréquentent. De l’avis de Moussa Cissokho, le président du conseil rural de Missira Sirimana, la ruée vers l’or a engendré la montée en puissance du grand banditisme. « Des coupeurs de route se signalent souvent entre Illimalo et Missira, et mon propre neveu en a été l’une des nombreuses victimes. Le crâne d’un orpailleur sera aussi fracassé par des malfrats souvent armés de coupe-coupe et d’armes à feu, et jusqu’ici, les opérations de sécurisation et d’assainissement de la gendarmerie n’ont pu permettre de les anéantir » expliquera Mr Cissokho qui ajoutera que « des boutiques sont souvent dévalisées à Sambarabougou, même en plein jour ».

Des pyromanes se mettraient souvent à leur jeu favori, mettre le feu à des cases, ce qui a souvent pour conséquence, l’embrasement des sites de Douta et Sambarabougou essentiellement constitués de maisons en paillote et sans accès possible. Personne ne peut les mettre hors d’état de nuire, malgré les agents dits de sécurité que les chefs de villages ont à leur disposition, et qui « patrouillent » presque toutes les heures.

Des échauffourées éclatent souvent dans ces villages entre orpailleurs adeptes de Bacchus, et c’est ce qui a été à l’origine de la tuerie de Diyabougou, l’alcool coule à flot, des débits de boisson clandestin foisonnent, la drogue circule. Par moments, ce sont des histoires de femme qui les oppose comme il nous a été donné de le constater nous même, un jeune qui brandit un coupe- coupe contre une jeune travailleuse du sexe qui lui réclamait son argent. Il s’en est suivi une course poursuite dans le village de Sambarabougou entre des proxénètes et la bande à ce jeune, qui ont fort heureusement réussi à se fondre dans la nature, sinon c’était la porte ouverte à une autre bataille rangée à l’arme blanche et aux gourdins.

Des milliers de motos constituent le décor de Douta et Sambarabougou, des accidents sont souvent notées entre les placers et les villages, presque chaque orpailleur a sa moto, et ils sont des milliers et des milliers. Personne ne songe aux mesures élémentaires de sécurité comme le port du casque ou la limitation de la vitesse. Tout le temps, c’est comme dans des rallyes, même à l’intérieur des villages, parce qu’il n’y a pas la moindre trace de la présence des forces de sécurité.

Télécommunications presqu’au point mort

« Une antenne est récemment mise en marche à Sambarabougou, sinon sur toute l’étendue de la communauté rurale de Missira Sirimana, pas une personne ne réussit à communiquer. Même présentement à Sambarabougou, il faut chercher certains coins pour pouvoir émettre ou recevoir des appels » nous a confié le président Moussa Cissokho et Sadio Keita, un des préposés à la sécurité également vice président de la fédération régionale des Gie d’orpailleur de la région de Kédougou. Pour les populations, cela est l’une des principales raisons du développement du grand banditisme, personne ne peut alerter à temps les forces de sécurité. « Nous souhaiterions disposer d’un poste de la police des frontières et de l’air par exemple à Illimalo qui est un carrefour stratégique et d’un cantonnement militaire à Sayansoutou parce qu’entre les mois de mars et juin, la Falémé s’assèche et les personnes traversent sans problème. Avec la guerre au mali voisin, nous ne dormons plus du sommeil des justes » scanderont ensemble le président et une bonne partie des conseillers ruraux.

Dans la communauté rurale de Missira Sirimana, exception faite de la radio communautaire « Djigui Sembé » de Saraya, pas une seule station radio du Sénégal n’y est captée. « Pour avoir des nouvelles du pays, nous sommes obligés de bricoler des antennes ou acheter des paraboles, ce que tout le monde ne saurait faire » souligne-t-on avec force avant d’en appeler au concours de l’Etat pour transcender cette autre difficulté et réorganiser le secteur de l’exploitation artisanale de l’or avec des groupements légalement constitués, formés et bien encadrés, des couloirs d’orpaillage bien tracés pour éviter d’empiéter dans les permis des compagnies minières ainsi que des comptoirs d’achat établis à Kédougou. « Le Sénégal et les communautés vivant dans ces sites pourraient ainsi en tirer le maximum de bénéfice, comme l’or est une ressource non renouvelable, et que les communautés ont presque tourné le dos à l’agriculture » a lancé le président du conseil rural.

 

Boubacar Dembo Tamba / Tambacounda.info /