Les étudiants de l’UCAD: «Nous regrettons le départ de Wade»

Les étudiants de l’Université Cheikh Anta Diop ont donné un ultimatum de quarante huit (48) heures aux autorités étatiques pour faire partir la police. Ils exigent leurs bourses impayées depuis cinq mois. Sinon, Macky Sall sera tenu responsable de toutes les conséquences qui en découleront. Les cours sont conditionnés au départ des «assassins ou vautours». Certains étudiants regrettent déjà le départ de Wade.

Au cours d’une Assemblée générale tenue devant la direction du Coud (pavillon A du campus social), ce vendredi matin, les étudiants ont donné un délai de deux jours pour le départ de ceux qu’ils qualifient «d’assassins». «Nous demandons la restauration des franchises universitaires, avec le retrait immédiat de ces troupes qui sont dans une dynamique de transformer l’Université en un champ de bataille», ont il déclaré. Ils disent avoir tous les cœurs meurtris. «Où se trouve la liberté ? La démocratie et la liberté d’expression dans ce pays ?», s’interroge le porte-parole du jour, qui déplore que l’Université est devenue «un temple du désordre». Pour eux, l’Etat est en train de dérouler sa volonté d’instaurer une police universitaire, en douce, au sein de l’institution, alliée à sa politique du «diviser pour mieux régner». Tôt ou tard, affirment-ils avec force, la vérité triomphera. «Nous ne pouvons pas vivre avec «les punaises de la société (le groupement mobile d’intervention)» au sein de l’Université, parce que leur place n’est pas ici», a lancé l’orateur, sous les applaudissements de ses camarades. Faisant allusion au printemps arabe, il invite ses camarades à «dégager les flics du campus social». «Ailleurs, les policiers ont été vaincus et le pouvoir est revenu au peuple qui a retrouvé sa liberté de vie et d’expression», a-t-il rappelé, avant de lancer : «pourquoi pas nous au Sénégal ?». Car selon lui, «toutes les révolutions du monde sont parties des Universités. La nôtre ne doit pas faire exception. Qu’on nous batte ou tue, notre dignité ne sera pas bafouée».

«S’il y a mort d’homme, Macky Sall sera responsable»
Elimane BÂ, président des amicales de la Faseg, fait constater aux autorités universitaires et à l’opinion nationale et internationale, «la présence inacceptable des forces de l’ordre dans les campus social et pédagogique». Selon lui, les autorités font passer des «mesures restrictives» et entament leurs «libertés de parole et d’expression». «Nous ne pouvons pas cohabiter avec des policiers, quelque soient les appellations collées à cette mesure. Leur présence dans l’Université nous dérange au plus profond de nous mêmes. Depuis le 21 Novembre 2013, un Conseil restreint de l’Ucad a levé les franchises universitaires et permit aux Gmi de squatter les abords et l’intérieur de l’Université», regrette t-il. Les seules fois que les policiers ont investi l’institution, il s’en est suivi mort d’homme, ont il rappelé. «S’il y a mort d’hommes, Macky Sall sera le seul responsable. Chaque Président a eu ses étudiants tués. Si c’est un sacrifice pour le pouvoir, nous sommes prêts à y laisser nos vies, mais nous refusons de vivre avec des assassins ici… Nous n’attendrons plus qu’il y ait un mort pour nous défendre».

«Non paiements des bourses depuis cinq mois, une première !»
Les étudiants réclament le paiement de leurs bourses retenues depuis le début de l’année universitaire, il y a cinq mois. «C’est la première fois dans l’histoire de l’Université, que nous restons pendant cinq mois, depuis l’ouverture, sans percevoir nos bourses», déplorent les étudiants unanimement. «C’est une volonté de nous ranger derrière leurs mesures, mais nous refusons». Sur l’âge, critère évoqué par l’Etat pour refuser la bourse aux étudiants trentenaires, ils accusent là un poids deux mesures. «Il y a une discrimination. Des citoyens ont postulé à des concours qu’ils ont gagnés. Des fonctionnaires ont été mis en position de stage avec droit de bourses et d’indemnité de stage. Cette mesure les touchent tous», déplore un étudiant d’une école de formation.

«Les cours conditionnés au départ des policiers»
Les étudiants ont décidé également de suspendre les cours à l’Université tant que les policiers seront présents dans l’espace de l’institution. «Nous bloquerons les cours et délogerons tous les étudiants pour exiger le départ des Gmi qui sont entrés dans l’université depuis le mercredi 19 février, à 12:45 minutes. «L’état nous pousse à la radicalisation et nous répondrons d’ici 48 heures». Les étudiants, invitent les parents d’élèves, les organisations de défense des droits de l’homme et toutes les structures agissant dans le système éducatif, à œuvrer pour le retrait de la police, afin que la paix revienne et règne à l’Université Cheikh Anta Diop. «Nous sommes assez en retard, mais nous déserterons les amphis tant que la police sera là».

«Les travailleurs du Coud indignés»
Les étudiants ne sont pas les seuls à désapprouver le siège des forces de l’ordre dans le campus social. Les travailleurs du Coud sont aussi contre cette mesure de trop, selon une dame, balai en main, observant la scène de loin. Certaines ont tout bonnement rangé leurs affaires et sont rentrées pour éviter d’être pris au piège, en cas de débordement. Un homme, habillé en kaftan marron assorti d’un bonnet de la même couleur, lance à son collègue que «c’est un précédent dangereux». Mêmes les agents du service de sécurité du Centre des œuvres universitaires de Dakar (Coud) ne semblent pas partager la présence des policiers armés devant la direction du Coud. «Ça veut dire que notre présence est inutile», ironise un agent à son collègue.

«Nous regrettons le départ de Wade»
Le retard des paiements des bourses, la police dans l’Université et d’autres facteurs que les apprenants de l’Ucad dénoncent, réveillent des nostalgies chez certains. Moustapha Barry, étudiant, dit regretter leurs actes. «Abdoulaye Wade a tout fait pour nous, mais nous avons voté contre lui», dit-il, même s’il reconnaît que le contexte ne militait pas en faveur du prédécesseur de Macky Sall. Il révèle que beaucoup de ses camarades regrettent d’avoir voté contre Wade. Les nouvelles réformes des universités fondent son «erreur». «Le changement est brusque et désastreux pour la majorité des étudiants. Les anciens aidaient les nouveaux bacheliers à s’inscrire. Mais aujourd’hui, même les anciens ont du mal à honorer leurs frais d’inscriptions», fait-il remarquer.

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