Interview: «Il était grand temps pour vous les Suisses de réagir»

Jean-Marie Le Pen vient de prendre du repos au pied du Mont-Pélerin. Il parle du 9 février, de la famille et de la retraite.«Alors, de quoi s’agit-il au juste?» Jean-Marie Le Pen connaît la musique politique. En ce samedi, à quelques encablures du Mont-Pèlerin, à la veille d’un meeting à Annemasse, il trône dans le salon d’une amie de vingt ans, Dominique Cambuzat, du temps où le tribun du Front national venait se revitaliser dans le centre qu’elle dirigeait à l’Hôtel Mirador. Jean-Marie Le Pen s’offre quarante-huit heures de détente en Suisse, ce pays de gens si «courtois et discrets».

– Que faites-vous en Suisse?

– Je me ressource. Je marche, je lis et je ne pense plus aux dossiers et aux programmes politiques. Depuis le lancement de la campagne pour les municipales, qui seront un succès pour le FN, j’ai visité une cinquantaine de nos fédérations. Je fais beaucoup de route. Pour ces échéances, nous totalisons près de 600 listes, ce qui représente environ 15’000 candidats en respectant la parité. Quelle absurdité, cette parité! Je n’aurais rien contre trois femmes en tête de liste si elles se montraient égales ou supérieures à leurs concurrents masculins. Alors oui, je me repose. Et rassurez-vous: je récupère très vite. J’arrive à prendre du recul avec tout ça. Si je n’avais pas cette capacité à me distancier des soucis et des problèmes, je n’aurais pas soixante ans de politique derrière moi.

– Vous appréciez davantage la Suisse depuis le 9 février?

– J’ai toujours cité les Suisses en exemple, même si votre organisation politique n’est pas vraiment transposable: vous êtes sympathiques, vous êtes un vieux peuple, un vieux pays. Et vous vous êtes montrés soucieux de sécurité et de sûreté publique. J’ai lu le livre de Freysinger, De la frontière, et je trouve que certaines de nos idées sont proches. Mais qu’est-ce qu’une frontière? Un mur? C’est plutôt une fenêtre qu’on ouvre, qu’on ferme ou qu’on entrouvre en fonction des besoins en température de la maison, de la nation. Avant la votation du 9 février, on a voulu faire peur aux frontaliers, mais ils ne sont pas dupes. Ils savent qu’ils n’étaient pas visés par cette mesure de sécurité élémentaire. Le problème, c’est que le monde va brûler. Le tiers-monde se videra dans une Europe déjà en proie au chômage. Nous assisterons à des torrents migratoires. La Suisse s’en est rendu compte. Il était grand temps pour vous, qui connaissez déjà une forte proportion d’étrangers.

– Vous avez 86 ans cette année. Vous songez à la retraite?

– A quoi? A la retraite? La plupart des gens l’attendent avec impatience pour enfin pouvoir faire tout ce dont ils ont rêvé. Moi, le plaisir et la joie sont à ma portée tous les jours. Je n’ai pas à chercher ailleurs. Je n’ai pas à rêver de retraite. Quand je vois mes amis et contemporains, je constate que je suis le plus jeune de tous! Franchement, vous me voyez jouer aux boules? Quelle tristesse!

(24 heures)