[Contribution] Laisser Mme Marième FAYE SALL tranquille, respecter le Président de la République et revenir à nous-mêmes, sénégalais

Au Sénégal, il est nécessaire et indispensable de sortir du carcan, du ghetto, du piège, de la prison, voire du manichéisme des duos « pouvoir et opposition », « partisans et adversaires politiques », pour entreprendre une analyse, tant soit peu correcte, de certaines situations sociales et/ou politiques. A l’évidence, la vie publique au Sénégal, dans toutes ses dimensions, est dominée par la politique politicienne, l’électoralisme à outrance et la quête effrénée de prébendes et de rentes politiques. Ce qui engendre des empoignades, des querelles de bornes fontaines, des traquenards et des coups divers, dans les meilleurs des cas, traduits sous la forme de faits divers de la classe politique ou plus exactement des politiciens. Lesquels faits divers constituent la sève nourricière des médias déviés de leur voie par l’appât du gain et la course aux audiences.

Il avait été dit que l’épouse du président Macky SALL, la Première Dame sénégalaise « diongama bon teint au Palais », ne s’impliquerait pas dans les affaires publiques sous forme de « Fondation » comme ses devancières. Ce qui ne voulait pas dire qu’elle n’en resterait pas moins une femme active dans le processus de développement du pays, aux côtés et en soutien de son époux, et par conséquent des sénégalais, dans l’anonymat car, elle a bien une profession qu’elle peut exercer comme toute femme active. Et pourquoi pas en tant que fem²me au foyer, au Palais. Elle est libre, en tant que citoyenne et épouse, de choisir ou d’être conseillée à choisir l’une quelconque de ces options. En tant qu’épouse de chef d’Etat, elle n’en resterait pas moins une femme publique, discrète ou visible, selon le cas, dont les faits et gestes seront néanmoins épiés, suivis, scrutés, analysés, interprétés et commentés.

Son choix de « Servir le Sénégal », lui pose un dilemme. En étant visible sur le terrain, à quelque moment, à quelque niveau ou encore dans quelque domaine ou situation que ce soit, économique, social ou religieux, il lui est souvent reproché d’en faire trop, en dehors de limites non clairement identifiées. Là où elle n’est pas visible, il lui est reproché son indifférence ou son mépris. Il lui est en plus reproché une influence débordante et exacerbée dans la conduite des affaires publiques relevant des pouvoirs et prérogatives de son époux de président et des compétences du gouvernement et de l’administration, sans preuves matérielles à l’appui, encore moins de délits d’actions flagrantes que la république ne peut tolérer ou accepter.

Autrement dit, il lui est reproché d’avoir des pouvoirs de nomination et de limogeage à des postes publiques, qui définiraient le règne de « la dynastie FAYE/SALL », par le « népotisme » toucouleur et sérère dans l’administration et les Sociétés et Organismes d’Etat ainsi que dans la diplomatie. Ceci est une méprise déplorable sur le détenteur réel de ce pouvoir présidentiel conféré par la légitimité tirée du suffrage universel et, pourrait-on dire, une insulte aux électeurs sénégalais et à toute la nation qui reconnait l’institution. S’il est indiscutable que Mme SALL a le droit et le devoir d’aider et de soutenir son époux, tout comme elle a des droits et des devoirs envers la nation, en sa qualité de citoyenne, il est tout aussi évident qu’elle ne peut détester le Président SALL, au point de lui mettre des bâtons dans les roues, en agissant contre lui. Au demeurant, il serait insultant de croire que la Première Dame Marième FAYE SALL ne sais pas qu’autant elle est un soutien de premier ordre du chef de l’Etat Macky SALL, son époux, autant elle peut représenter son talon d’Achille.

Il est évident qu’un président de la République est seul à prendre les décisions qui relèvent de son pouvoir. Mais il ne réfléchit pas et ne procède pas non plus seul à l’analyse des situations dans lesquelles il est amené à prendre ces décisions. C’est la raison d’être de toute une armée de techniciens, de spécialistes, d’experts et de conseillers mis officiellement à sa disposition par la République. Ce qui renvoie à un certain nombre de questions. Car, dans ce lot de personnes ressources officiellement mis au service du Président, peut-il être raisonnable ou imaginable de croire que son épouse ne puisse émettre des avis à son appréciation ou être pour lui une conseillère officieuse et intime ? Faut-il ignorer cet adage selon lequel « derrière les grands hommes… » ?

Quand il est dit « derrière les grands hommes…), il y a forcément celui qui est au devant de la scène et qui prend les décisions. Le jour où une Présidente sera à la tête du Sénégal, que dira-t-on du rôle de son époux ? Quel est l’homme qui n’écoute les conseils ou ne prend en considération les avis d’une femme dans l’intimité ? Quelle est la femme qui n’en fait pas de même avec un homme dans l’intimité. Est-ce que pour autant les rôles sont inversés, les limites franchies, les pouvoirs bafoués et les prérogatives de l’un ou l’autre méconnues ? Assurément, les vrais problèmes sont ailleurs. Pour en revenir au « népotisme » et au règne de la « dynastie FAYE/SALL » et à sa comparaison avec « la dévolution monarchique du pouvoir » entre le Président WADE et son fils Karim. Il y a lieu d’interroger l’histoire et l’évolution des sociétés humaines, pour expliquer et non pas justifier ces concepts.

Dans le monde moderne, à l’époque de la démocratie, de la liberté, de la justice, de l’égalité, de la saine compétition et du respect des droits humains, persistent encore des réminiscences du passé où, en Afrique comme en beaucoup d’autres endroits dans le monde, le fils ainé hérite de la fonction et des responsabilités ainsi que du rang social du père. Cette pratique se poursuit encore au Sénégal aussi bien dans les fonctions privées et publiques que dans les organisations religieuses. Dans l’administration, dans les entreprises privées, les parents admis à la retraite trouvent les moyens de se faire remplacer par leurs progénitures. Il arrive dans certains cas, que deux, voire trois générations d’une même famille se retrouvent dans la même entreprise, sans passer par les canaux normaux de recrutement. Les fonctions électives sont également affectées par cette pratique qui est observée dans le fonctionnement des partis politiques.

Cela, d’autant que ces partis sont considérés comme les patrimoines privés de leurs chefs, qui trouvent naturel de les léguer à leurs fils. Le cas, Abdoulaye et Karim WADE n’est unique, au Sénégal, que dans le sens où le pays de la Téranga n’étant pas une propriété privée, la nouvelle génération de citoyens démocrates ne peut admettre qu’il soit légué comme un héritage familiale. A cet égard, ce qui s’est passé sous le Président WADE avec son fils Karim n’est en rien comparable avec ce qui est désigné sous le vocable de « népotisme » toucouleur et sérère sous le Président SALL. Au demeurant, il est également connu qu’en Afrique comme en beaucoup d’autres endroits dans le monde, les mouvements et les partis politiques étaient d’abord et généralement constitués sur des bases identitaires. Que celles-ci soient familiales, claniques, communautaires, tribales, ethniques ou religieuses. Le partage des postes de responsabilité, des richesses et des privilèges sociaux obéissaient sensiblement au même schéma.

Le Sénégal vit encore ces pratiques, plus ou moins ostensiblement. Dans les ministères, les administrations, les sociétés et les organismes publics et privés, la composition des personnels reflète plus ou moins l’appartenance ethnique, religieuse, confrérique et régionale du ministre, du directeur, du patron, du chef. Ceci ne date pas du magistère de Macky SALL, qui ne peut en cela trouver une excuse ou un dédouanement. La République ne devrait pas fonctionner comme cela et les sociétés humaines évoluent. Il y a qu’au Sénégal, le phénomène est encore et heureusement couvert d’une tolérance, fruit d’une sagesse ambiante des frustrés, qui évite les frictions pouvant engendrer des conflits ouverts ou armés. A remarquer qu’à la sortie de Macky SALL des rangs du PDS, de la manière que l’on sait, il a bénéficié du soutien d’amis et de « frères » de son parti d’origine qui l’ont suivi dans sa démarche de création et de mis en route d’une nouvelle formation politique.

Dans ce mouvement, ses parents, amis et sympathisants toucouleurs et sérères ont certainement été des soutiens déterminants. S’il est admis que parmi tout ce monde, il y a des citoyens aux compétences avérées, peut-on reprocher au Président de faire appel à eux, pour gérer avec lui le pays ? Si d’autres patronymes inhabituels, voire inconnus jusqu’ici dans le centre du pouvoir, font leur apparition, il vaudrait mieux être positiviste en les mettant sur le compte d’une autre forme de démocratisation des postes de responsabilité et de décision. Au lieu de crier au scandale du népotisme, il va falloir démontrer que le seul critère du patronyme a été plus déterminant que la qualification et la compétence dans le choix des hommes et des femmes à ces postes, qui ne sont pas nécessairement soumis à compétition.

Autrement, ce serait une forme de discrimination positive, s’il en faut, comme celle accordée aux femmes, avec la loi sur la parité. A l’évidence, certains patronymes ont toujours été les plus couramment rencontrés dans ces sphères de décisions, alors qu’ils ne sont pas les seuls aptes à y être, et sans que cela suscite un scandale bruyamment exprimé de la part de ceux qui pourraient se considérer comme les frustrés de la République. Certes, il est regrettable que le Sénégal en soit encore à ce point, eu égard aux dispositions de sa constitution et compte tenu de sa longue tradition démocratique et sa réputation de stabilité sociale et politique. Par ailleurs, cette situation ne reflète pas la sociologie démographique du pays, caractérisée par un brassage harmonieux.

Un brassage traduit dans des cousinages à plaisanterie, des alliances et des mariages interethniques et interreligieux, diversifiés et profonds, ainsi que le partage assez répandu de deux langues, le français et le wolof, à travers notamment des établissements humains cosmopolites, sur toute l’étendue du pays. Autant de faits qui déterminent un commun désir de vie commune définissant la Nation sénégalaise Il conviendrait donc de laisser Marième FAYE SALL tranquille, de respecter le Président de la République et de revenir à nous-mêmes, sénégalais. Dés lors que certaines pratiques du passé subsisteront au Sénégal, à l’avènement d’un président portant le patronyme SIDIBE, DIAWARA, BADJI, ou BOUBANE, ce qui serait logique et normal, il ne serait pas surprenant qu’apparaissent dans son sillage des SANGARE, DIAKHITE, BATHILY, TANDJIGORA, DIEDHIOU, SONKO, BINDIA, BIANQUINGE etc.

Il se trouve bizarrement que des porteurs de certains patronymes sont encore astreints à produire un certificat de nationalité, pour faire prévaloir leur identité sénégalaise. Ce critère les réduit au statut de sénégalais de degré moindre, assez frustrant. Il est plus que temps d’établir des conditions égalitaires de détermination de la nationalité sénégalaise et renforcer les critères de compétence, de qualification et de compétition, pour un accès démocratique aux postes de responsabilité, en complément aux pouvoirs discrétionnaires de celui qui nomme. Il y a un déséquilibre notoire dans le traitement de l’information par les médias sénégalais. Ces derniers choisissent de concentrer les sénégalais sur des faits aux charges informatives peu déterminantes dans les choix de développement et sur les comportements des citoyens, allant dans le sens de leur épanouissement. Les sénégalais gagneraient mieux à recevoir plus d’informations sur les vrais problèmes économiques, sociaux, culturels ainsi que sur les enjeux de développement et véritablement politiques du Sénégal.

Ils sont fatigués de l’ambiance de campagne électorale permanente qui leur est imposée par ce qui pourrait être qualifié de complicité entre les politiciens lancés comme des fauves dans la jungle en quête de postes « juteux » et les médias. Ces derniers sont myopes au point de ne voire que les politiciens qui ont tendance à entretenir dans l’opinion des amalgames sans fondements réels ou sociologiques, simplement parce que cela fait leur jeu dans leur guéguerres politiciens. Plus regrettable encore quand les médias ont tendance à croire que seules les exhibitions théâtrales de ces derniers peuvent leur assurer une bonne audience et donc des ressources de subsistance.

Kadialy DIAKHITE, journaliste écrivain