Herman Van Rompuy : « Le populisme n’est pas né avec la crise de l’euro »

Le président du Conseil européen, Herman Van Rompuy, défend, dans un entretien au Monde, la gestion de la crise économique, qu’il évoque dans son livre L’Europe dans la tempête (éd. Racines, 2014). Nommé fin 2009, au début de la crise de l’euro, il juge que Bruxelles a « évité le pire ».

Vous sentez-vous responsable de la montée du désenchantement à l’égard de l’Europe et des instances bruxelloises ?

Herman Van Rompuy : Non, j’ai la conscience tranquille. Nous avons fait notre travail pour sauvegarder l’union monétaire. Si l’euro avait échoué, c’est toute l’Union européenne (UE) qui aurait échoué. Si nous n’avions pas fait cela, nous serions en pleine dépression, comme dans les années 1930. Nous avons évité le pire, même si, bien sûr, tout cela a un prix.

La montée en puissance des idées eurosceptiques n’est-elle pas liée à la façon dont la crise a été gérée ?

Il faudrait plutôt poser la question à la génération qui nous a devancés, qui a été responsable des premières années de la zone euro, a dû voir les problèmes émerger et n’a pas agi. Là, c’est une très grande responsabilité. Je ne pense pas à MM. Kohl et Mitterrand, qui avaient pris une initiative très forte pour aller vers une Allemagne réunifiée dans une Europe plus unie.

Mais, après la création de l’euro, il fallait mettre en place tous les instruments nécessaires pour faire de l’union monétaire une véritable union économique. Or ces dispositions, comme la création des fonds d’assistance financière, de l’union bancaire et d’un cadre plus strict de surveillance budgétaire et économique, ne peuvent être prises que le dos au mur, dans un climat de crise. C’est malheureux, mais c’est comme cela.

Dans de nombreux pays, dont la France, l’Italie ou les Pays-Bas, le vote populiste et eurosceptique risque de battre des records…

Avant la crise, il y avait déjà pas mal de populisme. En France, Jean-Marie Le Pen est arrivé second à la présidentielle de 2002, sans que cela tienne spécifiquement à l’Europe. Puis les Français ont voté « non » au projet de Constitution en 2005, donc bien avant la crise. Il y a en France par rapport à l’Europe un sentiment ambigu, ou parfois franchement négatif. Le populisme n’est pas né avec la crise de la zone euro. C’est un phénomène de société beaucoup plus vaste qui ne peut pas être attribué à la seule Europe. Tous les sondages indiquent que la confiance dans les institutions nationales est encore plus basse que dans les institutions européennes.

Propos recueillis par Philippe Ricard Lemonde.fr/