
Monsieur le Président de la République,
Le Sénégal a signé ce 30 avril des accords de pêche avec l’Union européenne sur cinq ans pour un montant de six milliards de francs CFA permettant à trente-huit navires européens de pêcher dans nos eaux territoriales.
La confusion qui en a suivi est un signe annonciateur que ces accords ne sont pas dans notre intérêt : le ministre de la Pêche soutient que ce n’est qu’un renouvellement d’accords signés en 2006 tandis que son prédécesseur dément que des accords aient jamais été signés pendant cette période. Qui croire ? De plus, tous les acteurs de la pêche se plaignent de n’avoir pas été impliqués dans les négociations. Pourquoi n’ont-ils pas été impliqués ?
Ces types d’accords ne sont jamais signés par un pays qui veut être émergent dans ce monde moderne de compétition et de sophistication. Ce sont des accords du passé : nous donnons ce que nous avons de meilleur chez nous, à l’état brut de matières premières non transformées, et nous recevons de toutes petites compensations financières (6 milliards, c’est 0,002% de notre budget ou 461 FCFA pour chacun des 13 millions de Sénégalais, le prix approximatif d’un « Yabooy » aujourd’hui). Nous devrions nous placer dans un ordre totalement nouveau, en phase avec nos aspirations de développement. Des accords de pêche en notre faveur devraient prendre en compte trois dimensions : l’emploi, des technologies dont nous bénéficions et l’optimisation de nos ressources. Toutes ces dimensions sont absentes de ces accords.
La crise du secteur de la pêche est une réalité indiscutable que l’on peut mesurer à l’échelle de la rareté des ressources dont se plaignent deux catégories importantes de Sénégalais : les pêcheurs et les ménagères. Doit-on en rajouter ?
A notre humble avis, il faut surseoir à ces accords, impliquer tous les acteurs du secteur dans une concertation constructive et prospective qui réoriente nos relations d’affaires maritimes avec l’Union européenne dans le sens de la valeur ajoutée et des trois dimensions mentionnées plus haut.
Si vous en agréez le principe, « Senegaal ca kanam », solidairement avec tous ceux qui veulent le développement du Sénégal, verseraient à l’Etat du Sénégal les 6 milliards en jeu sur cinq ans.
Veuillez agréer, Monsieur le Président de la République, l’expression de nos sentiments patriotiques.
Mamadou Sy TOUNKARA, Présentateur de « Senegaal ca kanam »