« Pepe » Mujica, le président anormal

Longtemps, il s’est couché de bonne heure en écoutant les fourmis lui parler à l’oreille. Parfois, il discutait avec une ou plusieurs grenouilles. Avec les rats, il partageait son quignon de pain. José « Pepe » Mujica est le survivant d’un monde qu’il a lui-même rayé de la carte. Emprisonné treize ans dans les geôles de la dictature militaire en Uruguay (1973-1985), torturé et enfermé deux ans au fond d’un puits, cet ancien dirigeant des Tupamaros, la principale guérilla urbaine du pays, a tourné la page et œuvré pas à pas au retour de la démocratie.

Une ascension issue des ténèbres qui s’est conclue en novembre 2009 par son élection à la présidence, avec 53 % des voix. « Enfermé, j’ai failli devenir fou, dit-il. Aujourd’hui, je suis prisonnier de ma liberté de penser et de décider. Je la cultive et lutte pour elle. Je peux me tromper, même énormément, mais l’une de mes rares vertus est de dire ce que je pense. »

Singulier personnage. Le voir ainsi, à 78 ans, calé sur sa chaise en bois, entouré de livres et de silences, une paire de sandales aux pieds et un buste du Che Guevara en miroir, José Mujica renvoie l’image d’un Diogène latino, un patriarche bienveillant, un dernier homme, indigné évidemment. Un des rares à avoir connu le néant.

« LE MEILLEUR LEADER AU MONDE »

Lui se définit comme un « humble paysan » recevant dans sa petite ferme plantée au milieu de la campagne, à une demi-heure de la capitale Montevideo.

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