
Le Premier ministre français s’est dit lundi «convaincu que l’Europe peut être réorientée», au lendemain des élections européennes qui ont vu le Front national arriver en tête en France.
Le Front national (FN) a obtenu un score historique de 25,4%, largement devant l’UMP, alors que les socialistes ont subi une nouvelle déroute. Malgré une abstention notable (autour de 57%), le «21 avril européen» redouté par la gauche au pouvoir et la droite républicaine est advenu: l’extrême droite s’est imposée comme la première force politique en France et a mis fin au bipartisme. Le FN décrocherait 23 à 25 sièges sur les 74 accordés à la France, un des pays fondateurs de l’UE.
L”UMP, qui entendait conforter son statut de première opposante en sortant première des urnes, est nettement devancée avec 20,8% des voix, selon ces résultats quasi-définitifs communiqués par le ministère de l’Intérieur et portant sur 42 millions d’inscrits sur 46. Le PS, lui, s’achemine vers le pire résultat à un scrutin européen après les 14,5% de 1994 (moins de 14%).
Le ministre britannique des Affaires étrangères, William Hague, s’est dit «inquiet» de la victoire du FN. Interrogé pour savoir s’il s’agissait d’un «parti raciste», il a répondu: «Oui, et je pense que nous devrions être inquiets face à de tels développements dans le reste de l’Europe».
Un «choc»
«C’est un choc, un séisme», «un moment grave pour la France et pour l’Europe», a souligné le Premier ministre Manuel Valls qui s’est néanmoins dit «convaincu que l’Europe peut être réorientée». «Je me suis engagé par cette campagne par conviction européenne parce que je suis convaincu que la place de la France est en Europe. Je suis convaincu que l’Europe peut être réorientée pour soutenir davantage la croissance et l’emploi, ce qu’elle ne fait pas depuis des années», a déclaré M. Valls à la radio RTL.
«C’est plus qu’un avertissement, c’est un séisme», a reconnu pour sa part le numéro deux du gouvernement, Laurent Fabius, alors que la ministre de l’Ecologie Ségolène Royal a qualifié ce résultat de «choc à l’échelle du monde».
«C’est une tragédie démocratique», a déclaré la centriste Rama Yade, vice-présidente de l’UDI. «Une décomposition de la vie politique française», a jugé le président du MoDem, François Bayrou. «La France est entrée en éruption volcanique», a affirmé pour sa part Jean-Luc Mélenchon, coprésident du Parti de gauche. «Si on ne change pas, on est assuré d’un désastre», a-t-il estimé.
A l’issue d’un scrutin souvent considéré en France comme un «vote défouloir», le FN devrait quadrupler son score des européennes de 2009, où il avait recueilli 6,34% des voix et gagné trois sièges au Parlement européen. Il glanerait cette fois entre 22 et 25 sièges.
Appel à la dissolution de l’Assemblée
La présidente du parti, Marine Le Pen, a aussitôt appelé le chef de l’Etat François Hollande à «des nouvelles élections». «Que peut-il faire à part en revenir précisément au peuple, mettre en place la proportionnelle pour que chaque Français soit représenté» à l’Assemblée nationale, a-t-elle demandé. Le FN n’a aujourd’hui que deux députés.
Président d’honneur du FN, Jean-Marie Le Pen a lui aussi exigé la dissolution du parlement et la démission de Manuel Valls. «Il a été durement sanctionné puisqu’il a pris parti tout au long de cette campagne électorale», a-t-il dit sur RTL.
Le Premier ministre a toutefois répliqué en annonçant qu’il entend poursuivre la politique engagée par son gouvernement, notamment la réduction des déficits et son plan d’économies. «Nous devons faire preuve de courage car la France doit se réformer», a-t-il dit, égrénant les mesures prises ou annoncées pour relancer la croissance.
La conquête de onze mairies lors d’élections municipales en mars avait déjà marqué un succès dans la stratégie de dédiabolisation du FN, alors que la France subit toujours d’importantes difficultés économiques, se traduisant notamment par un chiffre record du chômage (plus de 3,3 millions de personnes).
Crise à l’UMP
Avec ce succès inédit, Marine Le Pen prend date pour l’élection présidentielle de 2017, d’autant plus que l’UMP est en proie à d’importantes difficultés, avec un scandale de conventions fictives, facturées à prix d’or. Une réunion de son bureau politique mardi matin pourrait voir la chute de son patron Jean-François Copé.
Celui-ci a jugé dimanche soir que l’arrivée du FN en tête était «l’expression d’une gigantesque colère (…) contre la politique conduite dans notre pays par le président Hollande», tout en reconnaissant une grande déception» pour sa famille politique.
Plusieurs responsables du mouvement, dont Alain Juppé, Bruno Le Maire ou Laurent Vauquiez, ont réclamé dès dimanche soir une refonte de l’UMP, «une gouvernance plus collective» et «une transparence» absolue sur les pratiques et la gestion du parti.
(ats)