Thaïlande: La colère contre la junte militaire enfle

Malgré l’interdiction des rassemblements de plus de cinq personnes, des opposants au coup d’Etat se sont à nouveau rassemblés dimanche. Leur nombre était plus important que les jours précédents.

Selon un journaliste, plus d’un millier de manifestants criant «dehors» et arborant des banderoles «Stop au coup» ont défilé dans les rues du quartier commercial de la capitale. Ils ont été encouragés par les passants.

Les militaires n’étaient pas visibles à proximité. Un peu plus tôt dans la journée, une bousculade a eu lieu avec des soldats qui ont interpellé deux manifestants, dont un avait le visage en sang, tandis que d’autres leur crachaient dessus.

Des témoins ont également rapporté des rassemblements à Khon Kaen, dans le nord-est du pays. Ils ont aussi signalé une présence militaire importante dans les rues de Chiang Mai, grande ville du nord.

Mise en garde

Quelques heures auparavant, la junte avait pourtant mis en garde contre de nouvelles manifestations après celles de samedi. Celles-ci avaient conduit à l’interpellation de plusieurs personnes.

«Je veux demander aux gens (…) de comprendre la situation actuelle et de s’abstenir de manifestations anti-coup d’Etat parce que la démocratie ne peut pas continuer normalement en ce moment», a déclaré le porte-parole de la junte Winthai Suvaree. Il s’est exprimé dimanche à la télévision.

Sénat dissout

Le nouveau régime a annoncé samedi avoir dissous le Sénat, conservé jusqu’alors malgré la suspension de la Constitution. Il a confié l’autorité législative au chef de l’armée de terre Prayut Chan-O-Cha, qui a pris le pouvoir jeudi après sept mois de crise politique ayant fait 28 morts.

Par ailleurs, l’armée thaïlandaise s’est fixé dimanche deux priorités sur le plan économique: le versement par l’Etat des arriérés de paiement dus aux riziculteurs dans le cadre d’un programme subventionné, et l’élaboration urgente d’un budget pour l’année fiscale 2015.

Politiciens détenus

La junte a d’autre part placé en détention de nombreuses figures politiques, en particulier l’ex-Première ministre Yingluck Shinawatra, soeur de Thaksin Shinawatra, ancien chef de gouvernement chassé du pouvoir par le précédent putsch en 2006. Ce dernier reste malgré son exil le facteur de division du royaume.

Plus de 200 politiques ou universitaires ont été convoqués vendredi par le régime, dont le Premier ministre renversé Niwattumrong Boonsongpaisan. Ce dernier avait succédé à Yingluck après sa destitution par la justice début mai.

Ni menottés, ni torturés

L’armée a indiqué que toutes les personnes convoquées pourraient être détenues jusqu’à sept jours sans charge, en conformité avec la loi martiale. Ceux qui sont entre les mains de l’armée ne sont pas menottés, «pas torturés et pas battus», a assuré Winthai Suvaree.

Plus de 150 personnes sont d’autre part interdites de sortie de territoire. La junte a également mis en place un couvre-feu, menacé les réseaux sociaux de blocage en cas de contenu critique.

Chaînes de télévision bloquées

Toutes les chaînes de télévision avaient été forcées de suspendre leurs programmes au moment du coup d’Etat, mais la plupart d’entre elles ont été autorisées à émettre à nouveau. Plusieurs chaînes informations internationales comme la BBC et CNN étaient toutefois toujours bloquées samedi.

La prise de pouvoir des militaires a été largement dénoncée par la communauté internationale, en particulier par les Etats-Unis, alliés militaires de Bangkok. Washington a annulé un exercice militaire en cours avec l’armée thaïlandaise, et suspendu 3,5 millions de dollars d’aide militaire.

Lettre au roi Bhumibol

La Thaïlande a désormais vécu 19 coups d’Etat ou tentatives en quelque 80 ans. Le précédent, en 2006, avait déclenché une série de crises politiques. Traditionnellement, les coups d’Etat se font avec l’aval du palais royal, selon les experts, même s’il n’était pas clair à ce stade pour celui-ci.

La junte a indiqué samedi avoir remis une lettre au révéré roi Bhumibol, lui demandant d’approuver le nouveau régime. Celui-ci en a accusé réception, a seulement précisé l’armée.

(ats/afp/Newsnet)