
On pourrait dire que ce chien n’a pas eu de chance. Le 7 octobre 2009, au retour d’une promenade, Chalom échappe au contrôle de la dame qui le promène. Il sort de la voiture et court derrière trois petites filles qu’il renverse et griffe par jeu. Rien de grave.
Le 19 mai 2010, au sortir d’une opération et encore endolori, il mord à un bras l’épouse de son propriétaire lorsque celle-ci veut le porter. Le 25 septembre 2010, Chalom réagit en mordant le sous-locataire du propriétaire à un bras lorsque celui-ci le caresse à la tête alors qu’il mange. Pas rancunier, le sous-locataire continue à promener et à soutenir Chalom encore aujourd’hui. Enfin, le 6 juillet 2012, le chien mord cette fois-ci sérieusement une autre sous-locataire alors qu’elle veut lui donner à manger et qu’elle se penche tout près de lui, à hauteur de sa gueule pour le caresser. Elle est hospitalisée, soignée pour des blessures au visage et à un bras, et dépose une plainte.
Entre ces divers incidents ou accidents, le propriétaire a entrepris avec succès des cours pour mieux contrôler son chien et s’est conformé aux mesures ordonnées. Des expertises ont été effectuées par divers spécialistes. Elles ont, grosso modo, toutes abouti à la conclusion que ce chien n’est pas dangereux, qu’il est même sociable et bien brave, mais qu’il ne faut pas le toucher quand il est en train de manger.
Le 10 juillet 2012, le vétérinaire cantonal vaudois a ordonné le séquestre de l’animal, qui est depuis au refuge de la SPA à Sainte-Catherine, où il a un comportement exemplaire. Le 19 juillet 2012, sur la base du rapport d’une vétérinaire qualifiant le chien de dangereux, le vétérinaire cantonal dicte le séquestre définitif et l’euthanasie de Chalom, «l’intégrité physique d’êtres humains et, de façon générale, la sécurité publique l’emportant sur toute autre considération.» Le Département de la sécurité et de l’environnement confirme l’euthanasie le 28 mars 2013.
Une famille veut l’adopter
Le propriétaire, par l’intermédiaire de Me Alix de Courten, avocate à Lausanne, a recouru, estimant notamment, sur la base d’une expertise détaillée du chien par une vétérinaire comportementaliste, que d’autres solutions sont possibles. Par exemple le port d’une muselière ou le replacement chez des personnes aptes à l’accueillir.
Et justement: le propriétaire a trouvé une famille pour Chalom, des Zurichois spécialistes de cette race de chiens, heureux de l’adopter et prêts à respecter les mesures qui leur seraient imposées pour garantir la sécurité du public, en particulier l’isolement du chien lorsqu’il mange. Mais la dernière décision tombée est celle de la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois. Elle confirme que Chalom doit être euthanasié.
L’avocate du propriétaire – qui est malvoyant à la suite d’un accident – va faire recours au Tribunal fédéral avec les arguments suivants: «Alors même que la loi prévoit des alternatives à l’euthanasie, qui doit rester la solution ultime, et que ces alternatives sont proposées dans ce cas, les autorités choisissent d’euthanasier un chien, contre l’avis de deux spécialistes, en se fondant sur des éléments subjectifs. Soit il n’y a pas d’alternatives à l’euthanasie et le législateur prévoit une loi stricte, soit la justice tient compte de la loi existante et des alternatives concrètes, sans faire un semblant de procès pendant qu’un chien demeure en «détention» depuis deux ans.»
L’avocate espère «que les juges fédéraux appliqueront la loi, ce qui permettra à la vie et à la justice de l’emporter.»
(24 heures)