Les Syriens élisent leur président dans une ambiance surréaliste

A Damas, l’ambiance était surréelle: des rues quasi désertes, quelques passants seulement s’aventurant sur les places et artères principales. Mais devant les bureaux de vote se déroulaient des files d’attente, avec chants et danses à la gloire de M. Assad. Le tout sur fonds d’explosions, du bruit d’obus tombés sur la capitale et d’intenses survols de l’armée de l’air.

La haute commission juridique a décidé de prolonger l’élection de cinq heures «en raison de l’afflux massif des électeurs». Le scrutin a clos à minuit (22h00 en Suisse) et le dépouillement des voix a commencé immédiatement. Les résultats seront annoncés jeudi, selon une source proche du régime.

Depuis l’ouverture des bureaux de vote à 07h00 locales (06h00 en Suisse), les télévisions d’Etat ont montré une majorité d’électeurs cochant devant les caméras la case sous la photographie de M. Assad avant de déposer leur bulletin dans l’urne.

Imperturbable et décontracté, le président syrien a voté le matin dans un bureau du centre de la capitale, en compagnie de son épouse Asma. A 48 ans, celui qui a succédé à son père Hafez brigue un troisième septennat.

Bachar al-Assad affronte deux concurrents – c’est une première – Hassan al Nouri, ancien membre du gouvernement, et le parlementaire Maher Hajjar. Mais les deux sont peu connus et considérés comme faire-valoir. Il y a sept ans, M. Assad était seul candidat et avait recueilli 97,6% des voix.

Tous les jours des morts

Mais parallèlement aux démonstrations partisanes, certains semblaient indécis. «Je ne sais pas si je vais voter. Les gens ne comprennent plus rien, tous les jours, il y a 100 à 200 morts», a affirmé Bachir, un épicier de 70 ans.

Dans la ville de Homs (centre), sous contrôle du régime depuis début mai, les services de sécurité sont déployés en force et les voitures fouillées minutieusement. Plus au nord, à Alep, l’affluence a été importante dans les secteurs prorégime, selon la télévision.

En quête de stabilité

Ce scrutin est considéré comme une «farce» par l’opposition et ses alliés, en Syrie comme à l’étranger. Les insurgés dénoncent une «élection de sang» et les Etats-Unis une «imposture». L’OTAN a assuré que les résultats ne seront «pas reconnus».

L’opposition juge qu’aucun scrutin digne de ce nom ne peut avoir lieu dans un pays dont des régions entières échappent aux autorités et qui compte des millions de déplacés. Selon le géographe français spécialiste de la Syrie, Fabrice Balanche, le pouvoir contrôle 40% du territoire.

Mais beaucoup de Syriens sont en quête de stabilité, après les 160’000 morts tombés dans les affrontements entre partisans et adversaires de M. Assad. Pour les minorités alaouite, chrétienne et druze, le chef de l’Etat représente un rempart contre le radicalisme sunnite d’une partie des insurgés. M. Assad est lui-même alaouite, une branche de l’islam chiite.

Participation significative

Du côté des groupes rebelles armés, le Front islamique s’est engagé à ne pas viser les bureaux de vote «parce que nous avons décidé de ne pas impliquer les civils dans ce conflit». Le front a appelé les autres groupes rebelles à faire de même.

Des obus de mortiers se sont quand même abattus mardi sur des quartiers résidentiels de Damas, apparemment sans faire de victime, ont raconté des habitants de la capitale.

Le ministre des Affaires étrangères, Walid al Moualem, est allé voter drapé du drapeau syrien. Il a rejeté les critiques étrangères: «Personne ne pourra imposer sa volonté au peuple syrien. Aujourd’hui s’ouvre le chemin d’une solution politique.» Les autorités promettent une participation élevée, qui sera, disent-elles, aussi significative que le résultat lui-même.

(ats/Newsnet)