
Dans votre livre «My Year in Iraq» (Mon année en Irak), vous racontez avoir demandé en vain à l’administration Bush 30’000 à 40’000 soldats américains de plus en 2004. Aujourd’hui, les djihadistes de l’Etat Islamique en Irak et au Levant (EIIL) avancent rapidement à cause, selon vous, de l’absence de soldats américains en Irak. L’histoire ne se répète-t-elle pas dans ce pays?
C’est vrai. C’est d’ailleurs l’une des leçons des guerres en Irak et en Libye. La mission la plus importante pour notre armée, une fois les combats terminés, est d’assurer la sécurité de la population. Nos plans pour la guerre en Irak n’avaient pas pris en compte ce besoin de sécurité, une fois que nous nous serions débarrassés de Saddam Hussein. C’est la même chose en Libye. Nous avons lancé des frappes aériennes. Les Français et les Britanniques nous ont aidé sur le terrain. Une fois l’opération militaire terminée, nous sommes partis. Et que reste-t-il en Libye aujourd’hui? Le chaos. Un ambassadeur américain a été tué (ndlr: en 2012 à Benghazi). A plusieurs moments, y compris quand j’étais à Bagdad, nous n’avions pas assez de troupes et nous n’avions pas de stratégie pour contrer la guérilla. Notre armée ne s’est véritablement adaptée qu’en 2006, lorsque le général David Petraeus a repris le contrôle des opérations et nous avons accru le nombre de nos soldats en Irak.
Que doit faire l’administration Obama aujourd’hui en Irak?
Le président Obama a raison lorsqu’il dit que nous ne pouvons pas laisser les terroristes de l’EIIL s’implanter en Irak. Il faut agir simultanément sur les fronts militaire et politique. Sur le plan militaire, nous devons stopper l’avancée des djihadistes vers Bagdad et ensuite aider les Irakiens à récupérer les villes perdues. Les Etats-Unis doivent améliorer la récolte de renseignements en Irak et lancer des frappes aériennes. Je pense qu’il est possible d’utiliser des drones pour frapper les lignes de communication des djihadistes, mais nous avons besoin de bons renseignements sur place pour limiter les victimes civiles. Il faut se rappeler qu’ils ne sont que quelques milliers. Je pense donc que l’administration Obama devra envoyer des forces spéciales et des responsables du renseignement en Irak.
Le Congrès et les Américains n’ont toutefois pas l’air de vouloir soutenir l’envoi de troupes américaines en Irak…
L’article 2 de notre constitution donne une grande marge de manoeuvre au président. Il peut envoyer des soldats en Irak du jour au lendemain, mais sur le plan politique, il est plus sage pour lui de consulter le Congrès. Quand il a décidé cette semaine d’envoyer 275 soldats pour renforcer la sécurité de notre ambassade, il a décidé d’en informer le Congrès alors qu’il n’en avait théoriquement pas besoin. Sa principale limite pour l’instant, ce sont les Américains. Le président doit leur expliquer pourquoi nous devons retourner en Irak. C’est vrai que les Américains ne veulent pas y aller, mais ils n’aiment non plus se faire marcher sur les pieds. Le président devrait faire un discours à la nation et dire aux Américains: «Nos intérêts sont menacés en Irak et nous devons y retourner, dans une moindre mesure, pour empêcher que ce pays ne passe aux mains des terroristes».
Une interview à lire en intégralité dans notre du 20 juin.
(24 heures)