Irak: A Mossoul, les insurgés sunnites font régner la peur

L’Etat islamique en Irak et au Levant (EIIL) a commencé à faire application son interprétation extrémiste de l’islam.

«Ces insurgés vont nous ramener, nous et notre pays, des siècles en arrière, et leurs lois sont contraires aux droits de l’homme et au droit international», dénonce Oum Mohammed, une enseignante de 35 ans. «Nous vivons dans la peur constante d’être soumis à de nouvelles pressions», poursuit-elle. «Nous avons peur d’être empêchés de travailler».

La ville de Mossoul a longtemps été connue d’abord pour ses sites historiques et ses parcs, avant de devenir un terrain de violences quotidiennes à la suite de l’invasion américaine de 2003.

Le 10 juin, au deuxième jour de leur offensive fulgurante sur l’ouest et le nord du pays, les insurgés sunnites ont pu s’emparer de Mossoul et de ses deux millions d’habitants, à la faveur de la débandade des forces de l’ordre, qui ont parfois abandonné uniformes et véhicules dans leur fuite.

Aussitôt, les insurgés ont déclaré Mossoul et sa province Ninive comme faisant partie de leur Etat islamique et ont diffusé un document édictant en 16 points les nouvelles règles.

500’000 personnes fuient

La vente et la consommation d’alcool ou de drogue sont interdites, mais aussi le tabac. Les femmes doivent se couvrir et rester chez elles. Le port d’armes et les rassemblements sont proscrits pour la majeure partie de la population.

Qualifiant d’idolâtre toute représentation d’un individu, les insurgés ont déboulonné plusieurs statues, y compris celles de poètes célèbres. Un quart de la population a fui la ville, selon des estimations de l’ONU, mais Abou Ramzi, un chrétien, a décidé de rester.

Selon lui, une statue de la vierge Marie a été détruite devant une église. Mais «personne ne nous a menacés jusqu’à présent», reconnaît-il. «Nous n’abandonnerons pas nos maisons et notre ville même s’ils nous massacrent».

Dans les mosquées, les insurgés ont distribué un document leur interdisant de publier le moindre texte sans l’accord de l’EIIL, qui a aussi désigné une mosquée chargée de recevoir «le repentir des apostats». Le groupe ultraradical a aussi dépêché des délégués dans différents quartiers de la ville pour entamer un recensement de la population.

Des habitants menacés

Un habitant ayant quitté la ville raconte que son voisin a vu des hommes armés inspecter les maisons vides pour identifier ceux qui ont choisi de fuir. «Ils ont demandé ma religion et mon numéro de téléphone», ajoute-t-il en assurant avoir ensuite reçu un message lui donnant deux jours pour revenir à Mossoul et renoncer à l’islam chiite, faute de quoi sa maison serait incendiée.

Dans Mossoul, les hommes armés patrouillent à pied, dans des voitures civiles ou des engins pris aux forces de sécurité dans leur débandade, racontent des habitants. Vêtus de noir mais aussi en civil ou en uniforme militaire, ces hommes qui pour certains gardent le visage masqué arborent tous types d’armements: kalachnikov, fusils d’assaut et pistolets.

Outre les règles sévères, la population fait face à d’importantes pénuries d’électricité et de carburant et l’attente dure plusieurs heures devant les stations-service.

Des partisans

Certains voient cependant d’un bon oeil l’arrivée des insurgés. «Les hommes armés à Mossoul sont des gens convenables, ils traitent bien la population», assure Oum Abdoullah.

Elle fait pourtant partie des quelque 500’000 habitants ayant fui Mossoul, «parce que le gouvernement nous bombarde et a coupé l’eau et l’électricité».

«Pour être honnête, je suis heureuse qu’ils contrôlent Mossoul. Pour moi ce sont des rebelles, pas seulement des hommes armés, et ils vont rendre la ville meilleure», ajoute-t-elle.

Et pour Abou Ali, 40 ans, Mossoul est seulement passée du joug des forces de sécurité irakiennes à celui des insurgés qui ont entrepris de lui imposer «un nouveau mode de vie».

(ats/Newsnet)