Israël-Gaza : Pourquoi il n’y aura pas de troisième Intifada et pourquoi le Hamas a commis une erreur qui peut lui être fatale

Malgré un contexte international jusqu’ici très favorable pour Israël qui a vu trembler nombre de ses rivaux géopolitiques à la suite des Printemps Arabes, les perspectives d’un enflamment de la bande de Gaza préoccupent plusieurs cadres de l’Etat Hébreu. Une opportunité historique que le Hamas, premier représentant de la résistance palestinienne armée, n’a pas su saisir.

Alors que le contexte géopolitique régional, aussi incertain soit-il, n’avait jamais été aussi favorable à l’Etat hébreu depuis sa création en 1948 (un pouvoir fort en Egypte, allié d’Israël et en lutte contre les Frères musulmans, une Syrie très affaiblie et divisée par une guerre civile depuis plus de trois ans, un Hezbollah très « occupé » dans cette même Syrie et même au Liban, lui aussi au bord d’une nouvelle guerre civile, un Irak « éclaté » et second théâtre grandeur nature – après la Syrie – de l’affrontement entre sunnites et chiites, une perspective d’accord américano-iranien sur le nucléaire…), voilà que les responsables israéliens se retrouvent confrontés au spectre de la seule et de la plus dangereuse menace stratégique qui pesait actuellement sur leur Etat : une troisième Intifada !

Pourquoi la troisième Intifada n’aura pas lieu.

Cet embrasement a commencé avec la découverte, le 1er juillet, près de Jérusalem, du corps d’un jeune Palestinien vraisemblablement enlevé et brûlé vif par des extrémistes juifs, arrêtés depuis par la police israélienne. Ces derniers auraient donc voulu venger le kidnapping et l’assassinat sauvage de trois adolescents israéliens en Cisjordanie près d’Hébron en juin dernier.

Depuis, les tirs de roquettes de la bande de Gaza vers le sud d’Israël se sont intensifiés et surtout, des centaines de Palestiniens s’en sont pris aux forces de sécurité israéliennes à Jérusalem-Est. Pire, dans le nord du pays, ce sont de véritables scènes d’émeutes qui ont lieu dans les villes et villages arabes. Des Arabes israéliens ont bloqué des routes et ont attaqué à coups de pierres militaires, policiers et civils juifs.

Ce phénomène est peut-être le plus inquiétant. D’abord, car les Arabes israéliens n’avaient jamais fait éclater leur colère avec autant d’intensité, eux qui n’avaient pris part que très modestement aux deux précédentes Intifadas de 1987 et de 2000. Ensuite, car, même si la police et l’armée israéliennes ont retenu les leçons et beaucoup appris de ces soulèvements palestiniens antérieurs et que l’état-major israélien actuel est composé de brillants officiers, tous spécialistes de la lutte contre la guérilla palestinienne, à l’instar du ministre de la Défense, le général Moshé Yaalon (1*) une nouvelle Intifada serait désastreuse pour Israël.

De plus, des milices juives (de colons ou non) voulant se faire justice elles-mêmes pourraient voir le jour et la gestion d’une telle situation, sans précédent, serait assurément très délicate. Par ailleurs, si cette troisième Intifada venait à se prolonger dans le temps, les bavures seraient inévitables et l’image de l’Etat hébreu subirait une nouvelle et sévère dégradation, entraînant irrémédiablement un accroissement de leur isolement sur la scène internationale.

Pour autant cet isolement serait-il vraiment dommageable pour Israël ? Rien n’est moins sûr, comme le passé nous l’a démontré. En définitive, le plus difficile pour les forces de sécurité israéliennes serait la gestion de leur communication et celle des images.Pour l’heure, rien ne peut confirmer que ce mouvement de colère s’envenime et se propage.

D’autant plus que les territoires palestiniens sont restés relativement calmes. Mahmoud Abbas, le président de l’Autorité palestinienne en Cisjordanie, n’a aucun intérêt à une dégradation de ses relations, même chaotiques, avec l’Etat hébreu. Il faut aussi rappeler que grâce à l’aide internationale mais surtout à la bonne gestion de l’Autorité palestinienne, la situation socio-économique des Palestiniens de Cisjordanie (comme celle des Arabes israéliens d’ailleurs), encore loin d’être idyllique, est tout de même bien meilleure que celle des Arabes des pays voisins…

Actuellement, en parfaite et totale collaboration avec les autorités israéliennes, les notables et les responsables religieux et politiques des localités arabes, où se poursuivent encore les troubles, mettent tout en œuvre pour calmer les esprits et faire cesser les violences. En définitive, cette explosion de colère risque de durer quelques temps, peut-être encore des semaines voire quelques mois mais elle n’atteindra pas l’ampleur des deux dernières Intifadas. Elle s’éteindra sûrement petit à petit d’elle-même.

La grave erreur du Hamas

Quant à une éventuelle intervention de Tsahal à Gaza, dans un premier temps, le Premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, a temporisé. Son ultimatum visant à faire cesser les attaques de roquettes est venu à expiration le 28 juin au soir et les tirs ont continué après ce délai… Afin de rassurer les Israéliens, il s’est d’abord contenté, en guise de représailles, d’ordonner des arrestations de « seconds couteaux » du Hamas et surtout des raids très sporadiques de l’aviation sur des objectifs précis (éliminations ciblées de terroristes, destructions de rampes de lancement…).

Malgré la pression de certains de ses ministres et d’une partie de son opinion publique, et au risque de faire éclater sa coalition gouvernementale (le ministre des Affaires étrangères, Avigdor Liberman, a annoncé le 7 juillet la rupture de son alliance parlementaire avec le Likoud tout en demeurant toutefois dans la coalition gouvernementale), Benyamin Nétanyahou voulait garder « la tête froide » comme il l’avait déclaré.

Le Premier Ministre israélien savait pertinemment qu’une « réaction disproportionnée » et une action de grande envergure, comme en 2008 avec l’opération Plomb durci, porterait un coup fatal au Hamas. Mais il savait aussi quelles en seraient les conséquences : Là encore, les condamnations de la communauté internationale ne se seraient pas fait pas attendre et surtout, le chaos qui aurait suivi n’aurait fait que renforcer d’autres groupes djihadistes et salafistes beaucoup plus ingérables. D’où sa prudence.

Les chefs du Hamas, de leur côté, étaient aussi conscients qu’une réponse massive israélienne aurait  été catastrophique pour leur mouvement. Aux abois, déjà exsangue sur le plan militaire, financier (ils n’arrivent même plus à payer leurs fonctionnaires d’où la « réconciliation » avec l’Autorité palestinienne) et politique, les responsables du Hamas, qui ont perdu la plupart de leurs soutiens régionaux (2*), misaient sur cette situation pour revenir dans le jeu. C’est pourquoi, ils ont essayé, eux aussi, de gagner du temps (jusqu’au 7 juillet, les roquettes utilisées ont fait peu de dégâts et aucun « missile » pouvant atteindre Tel-Aviv n’avait été lancé).

Paradoxalement, cette grave situation pouvait transformer plus vite que prévu le Hamas en un interlocuteur sérieux d’Israël (comme le souhaitaient depuis longtemps certains responsables israéliens tel l’ancien patron du Mossad, Ephraïm Halevy). Des négociations secrètes ont alors eu lieu avec l’aide de membres des services de renseignements égyptiens.

Certains dirigeants du Hamas étaient donc prêts à accepter un cessez-le-feu. Même si leurs principales revendications étaient rejetées par les Israéliens (levé du blocus de Gaza, libérations de prisonniers…) et que les termes de l’accord étaient encore en leur défaveur, certains chefs politiques étaient conscients que cette première prise de contact aurait changé beaucoup de choses (cela aurait été perçu comme une sorte de légitimation de leur mouvement) et que tout aurait été encore possible par la suite.

Malheureusement, les responsables de la branche militaire du Hamas n’ont pas voulu profiter de la prudence de Nétanyahou et saisir cette opportunité. Finalement, les « politiques » ont perdu « la main » et ont été dépassés par les « militaires » des brigades de Izz al-Din al-Qassam mais aussi par les groupes djihadistes plus extrêmes.

Ces responsables militaires du Hamas, prenant en otage leur propre population à Gaza, ont refusé le cessez-le-feu et ont intensifié les attaques sur Israël, choisissant ainsi l’option « suicidaire » d’un affrontement général avec l’Etat hébreu. Mais cette politique du pire frôle l’irrationnel puisque elle est vouée à un pitoyable échec. S’ils avaient lu Sun Tzu, les extrémistes du Hamas auraient su qu’on ne commence jamais une guerre si on n’est pas sûr de la gagner et encore moins si on est certain d’y perdre la totalité de ses plumes !

Car bien évidemment, le Premier ministre israélien, sous pression, ne pouvait plus longtemps tenir dans sa posture de retenue et il déclencha l’opération « Bordure protectrice » le 8 juillet.

Des chars lourds et 40 000 réservistes sont depuis massés à la frontière de Gaza. Mais il y a peu de chance qu’une attaque terrestre par l’infanterie ait lieu. Il est probable que les responsables israéliens continuent, comme ils le font depuis quelques jours, à lancer des raids massifs et impressionnants mais « chirurgicaux » afin de détruire les dépôts d’armes, les « bases », les sites de lancement des roquettes et éliminer des terroristes et des chefs du Hamas comme du Djihad islamique.

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