[Contribution] Naître en ville: chance ou malchance

Par opposition au monde rural, la ville concentre l’ensemble des infrastructures et des équipements. Ce qui offre aux citadins une panoplie d’avantages et un accès facile aux différents services. Les équipements de proximité (écoles, hôpitaux, marchés, commissariats, maisons de justice, centres commerciaux…) sont facilement localisables de sorte à permettre leur accès à tout citoyen.
De plus, les routes pour la plupart goudronnée, réduisent les distances, du coût les infrastructures routières et les grands travaux constituent une main d’œuvre pour les populations, un développement du trafic et du transport.

Tout est concentré en ville. Les spécialistes de tout domaine, les ingénieurs, les professeurs, les médecins, bref tout le monde choisit de rester en ville. Du coup, le logement se développe, des industries et des entreprises se mettent en place et des emplois se créent au grand bénéfice des citadins.

Les grands investissements de l’Etat se concentrent en ville (routes, autoroutes, bâtiments administratifs, bureautique, logements sociaux, écoles, hôpitaux….). Tout ceci contribue à la création d’emplois. L’argent circule en ville et les citadins peuvent régler facilement leur problème courant.

L’accessibilité aux services et la possibilité de trouver du travail font de la ville un eldorado et un rêve pour n’importe quel citoyen ambitieux et progressiste, d’où l’intérêt d’y vivre. Cependant, tout le monde peut-il prétendre vivre en ville. En tout cas, la ville offre toutes les opportunités possibles, y naître et y grandir constituent à bien des égards une chance.

Tous ces facteurs expliquent depuis plusieurs décennies, l’exode rural massif. Le monde rural est délaissé au profit de la ville. L’agriculture comme principal levier de développement local, reste de type vivrier. De plus, les récoltes ne suffisent plus pour nourrir correctement les paysans pendant toute l’année. Par conséquent, ils sont obligés de délaisser leurs champs et leurs exploitations familiales au profit de la ville ‘’eldorado’’ qui hélas n’en est pas un. Ceux qu’ils ne savent pas, c’est qu’un paysan heureux vaut mieux qu’un citadin malheureux.

La ville offre certes toutes les commodités mais aussi tous les malheurs. Les villes africaines sont tout sauf des ‘’eldorado’’. A coté des services et des opportunités cités précédemment, la ville trie aussi un chapelet de problèmes et de difficultés. Rien que la croissance démographique démesurée constitue un casse-tête pour les autorités dans la planification et la répartition des équipements et des infrastructures. Ce faisant, l’accès aux écoles, aux hôpitaux, aux services administratifs deviennent difficile et insupportables pour les citadins.

Nos villes explosent de monde et une autre bombe se désagrège lentement et dangereusement : il s’agit de la bombe écologique. Les nuisances et pollutions de toute sorte envahissent la ville, exposent les populations et grèvent les maigres budgets des Etats des pays sous-développés.

Tous les services existent en ville, mais pour y accéder il faut une certaine témérité et un sens élevé du sacrifice. Ce que tout le monde veut est localisé dans un seul endroit, il est évident qu’il y ait une certaine saturation. Tous les secteurs d’activités grouillent de monde, les écoles sont pleines, les hôpitaux sont débordés, les moyens de transport ne suffisent pas, le logement flambe, les zones d’habitation anarchiques se développent, les rues sont illégalement occupées, la gestion des ordures devient problématique, l’insécurité s’installe. Bref, la ville devient la niche de tous les dangers, augmentant ainsi le nombre de pauvres et des couches vulnérables.
Au vu de tous ces éléments de contradiction et de paradoxe, naître en ville est-il une chance ou une malchance ?

Mamadou Moctar Diallo / Ingénieur des travaux de l’aménagement du territoire et de la gestion urbaine / Animateur du PROGEDI pour le KKGB /