Dossier Karim Wade : Manoeuvres autour d’une « pièce maîtresse » et hypothèque sur un procès

Contrairement à ce qui est rapporté dans la presse, la commission d’instruction de la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei) n’a pas encore délivré une autorisation de sortie du territoire sénégalais à Bibo Bourgi.

Ibrahima Khalil Bourgi, dit Bibo, co-prévenu dans le procès de Karim Wade, dont le démarrage est prévu ce 31 juillet, serait dans un état si grave que cela nécessiterait son évacuation. Sous contrôle judiciaire depuis un peu plus d’un an, après son inculpation et emprisonnement en avril 2013 en même tant que le prévenu principal Karim Wade, Bibo n’a de cesse de demander, via ses avocat, une autorisation de sortie du territoire.

La presse rapporte depuis deux jours que l’état de santé de l’ancien locataire du Pavillon spécial, aujourd’hui interné dans une clinique huppée de Dakar, nécessiterait une évacuation rapide à l’étranger dans des structures médicales spécialisées dans le traitement de sa maladie ; la presse parle de problèmes rénaux.

Las. Sen24heures a appris de sources proches de la Crei que la juridiction spéciale doute du bien-fondé des informations alarmantes régulièrement distillées dans des médias par les avocats du mis en cause. Lesquels sont revenus à la charge à quelques jours de l’ouverture du procès de Karim Wade, dont son ami Bibo est « une pièce maîtresse ». Son absence en compromettrait le bon déroulement, et donc obstruerait l’éclatement de la vérité.

Aussi, confient nos sources, la commission d’instruction de la Crei va-t-elle commettre un expert pour se faire une bonne opinion sur l’état de santé de Bibo Bourgi, dont elle trouve du reste l’alerte « exagérée ». Du côté de la juridiction spéciale, l’on redoute qu’une fois hors du Sénégal, que le présumé complice du fils de l’ancien président de la République, Abdoulaye Wade, ne revienne pas à Dakar. Il se trouve qu’il a aussi les nationalités française et libanaise (pays d’origine de ses parents), mais l’Hexagone n’extrade jamais ses ressortissants, et le Liban « n’a jamais accepté de collaborer avec le Sénégal dans le cadre de la procédure de la traque des biens mal acquis ».

A quoi joue le pouvoir ?

Par ailleurs, d’après nos confidences, les magistrats de la Crei sont « dans tous leurs états » du fait de l’attitude de la chancellerie, donc du pouvoir sur ce dossier Karim Wade. Le ministère de la Justice a en effet demandé à la Crei de ne pas s’opposer à une requête d’autorisation de sortie du territoire formulée par les conseils de Bibo Bourgi. Mais, au lieu d’une demande verbale, qui laisse toute latitude au juge de pouvoir passer outre, la chancellerie a transmis une sollicitation écrite qui vaut contrainte pour la juridiction spéciale d’accéder au vœu de Bibo Bourgi.

Les magistrats soupçonnent des manœuvres politiques visant à clore ainsi le dossier Karim Wade, plus spécifiquement, la traque des biens mal acquis, de façon générale. Ils en voudraient pour preuve le faisceau d’indices inclinant à un tel soupçon : l’actuel ministre de la Justice, Sidiki Kaba, était avant sa nomination, avocat de Bibo Bourgi ; Abdoulaye Wade, qui avait convoqué un comité directeur extraordinaire du Parti démocratique sénégalais (PDS) dans le cadre du procès en vue de son fils, aurait mis la pédale douce.

Pour société civile sénégalaise, si ce procès tant attendu venait à être passé par pertes et profits pour les Wade et compagnie, ce serait un coup dur à la bonne gouvernance appelée de ses vœux par le régime de Macky Sall. Et en plus un mauvais signal à l’endroit des partenaires techniques financiers du pays.

(Newsnet)